Madagascar : Entre violences et patriarcat, les droits des femmes piétinés

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Des femmes portant un masque de protection font la queue pour prendre un bus à Antananarivo, le 7 avril 2020 à Madagascar pendant l'ép...

Des femmes portant un masque de protection font la queue pour prendre un bus à Antananarivo, le 7 avril 2020 à Madagascar pendant l'épidémie de coronavirus AFP/ARCHIVES - RIJASOLO
"Mon mari se défoule sur moi quand il subit trop la pression de la vie", confie Maharo Soarolahy. Le cas de cette femme de 34 ans est loin d'être isolé. A Madagascar, un tiers des femmes déclarent avoir subi des violences au moins une fois dans leur vie.

La moitié ont lieu dans le cercle familial, précise une enquête nationale sur le suivi des objectifs du millénaire pour le développement (Ensomd) parue en 2012.

Ces chiffres élevés s'expliquent par la tradition patriarcale et la forte tolérance vis-à-vis des violences fondées sur le genre à Madagascar: près d'une personne sur deux, tous sexes confondus, estime normal qu'un conjoint batte son épouse, selon le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).

"Souvent j'arrive à le satisfaire sexuellement. Mais il y a des moments où moi aussi, je suis fatiguée de la journée, et là, les coups partent tout seuls", poursuit Maharo Soarolahy, après avoir assuré le dîner et la corvée d'eau pour sa famille de six.

A Madagascar, un des pays les plus pauvres au monde, le poids de la tradition est désastreux pour les femmes, constate Simon Ravelojaona, coordonnateur du Centre d'écoute et de conseil juridique (CECJ) d'Ambovombe (sud), spécialisé dans le soutien aux femmes victimes de violences.

A tel point que "certaines femmes se sentent délaissées si elles ne sont pas battues par leur mari", explique-t-il.

"Les villageois ne considèrent pas les femmes comme des membres à part entière de la société", ajoute M. Ravelojaona, avant d'énumérer les humiliations qu'elles subissent tout au long de leur vie.

"La femme n'a pas le droit de s'exprimer. En cas de divorce, elle ne reçoit rien de son mari. Elle n'hérite de rien. Si elle donne naissance à un garçon, elle ne doit pas être enterrée dans le tombeau de son mari. C'est comme ça, la vie des femmes" à Madagascar.

- Plainte payante -


Pas surprenant dans ce contexte que seuls 5% des cas d'agressions finissent devant la justice, selon Simon Ravelojaona.

Par résignation, honte, pression sociale, méconnaissance de leurs droits ou manque de moyens, la majorité des femmes ne portent pas plainte. "A la gendarmerie, tu dois payer pour poursuivre en justice une personne", explique Sourayah Banou Vololomihaingo, responsable du CECJ.

Fin 2019, après des débats houleux, Madagascar a adopté une loi réprimant les violences fondées sur le genre, notamment "la violence physique, sexuelle, psychologique et économique exercée au sein de la famille (...) y compris les pratiques traditionnelles préjudiciables aux deux sexes".

Elle prévoit des peines de six mois à cinq ans de prison et des amendes de 250 euros maximum.

Une législation saluée par le représentant du FNUAP à Madagascar, Constant-Serge Bounda. "Non seulement elle va permettre une meilleure prévention des violences grâce à l'effet dissuasif (...) mais elle va aussi permettre des réparations aux victimes".

L'écrasante domination de l'homme sur la femme a de multiples répercussions, notamment sur le contrôle des naissances.

Dans la région d'Ambovombe, avec l'aide du Japon et de l'ONU, "le planning familial est très accessible à tous, mais l'opposition des hommes bloque tout", regrette le Dr Robena Mampionindray Razafindratovonimanana.

Alors il n'est pas rare de croiser des familles de... quinze enfants.

- Impossible planning familial -


"Mon mari m'a battue quand je lui ai demandé si je pouvais bénéficier du planning familial", raconte Juliette Vahinala, 45 ans et huit enfants. "Il a pensé que je voulais le tromper sans crainte de tomber enceinte d'un autre homme".

En plus des coups, il y a aussi de très nombreux viols, dénonce le commandant de brigade de la gendarmerie de Tsihombe (30 km d'Ambovombe), Clovis Rakotoninaina.

Dans la majorité des cas, regrette l'officier, soit il est impossible d'identifier le violeur, soit la famille règle le problème "à l'amiable" avec l'auteur.

"Il y a même des familles qui viennent me faire des reproches lorsque je défère devant le parquet, sans leur accord, le dossier du viol de leur fille. Car selon eux, je viens de détruire leur cohésion sociale", déplore Clovis Rakotoninaina.

Face au très faible taux de plaintes, le CECJ a récemment mis en place une solution originale: il propose aux hommes violents de s'engager par écrit à ne plus agresser leur victime. Pour l'instant sans grand succès.

La seule solution, selon le commandant Rakotoninaina, c'est "un dialogue social". "Il est temps qu'on discute avec les villageois de l'effet néfaste de certaines traditions et de l'importance de la loi contre les violences fondées sur le genre".

La vigilance et l'éducation s'imposent particulièrement alors que le président Andry Rajoelina a imposé le confinement aux habitants des trois plus grandes villes du pays, dont la capitale Antananarivo, face à la pandémie de nouveau coronavirus.

"Les personnes des deux sexes vont se trouver face à face à la maison sans l'argent, faute de travail", s'inquiète Nathalie Razafindehibe, la présidente de la Commission nationale de lutte contre les violences faites aux femmes. "Les violences vont très vite augmenter...".

Par AFP

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