Le Grand Moufti est mort, vive le Grand Moufti. Cette simple évocation consiste à rappeler que la disparition du Grand Moufti - paix à...
Le Grand Moufti est mort, vive le Grand Moufti. Cette simple évocation consiste à rappeler que la disparition du Grand Moufti - paix à son âme - ne peut laisser indifférent la population.
Affectueusement appelé Foundi Toihir, sa mort n'a pas fait l'unanimité de regret. Le sanguinaire, putschiste, dictateur et mal élevé Azali Gozibi n'a pas hésité de l'humilier en lui rappelant publiquement "c'est moi ton chef." Et pourtant, affligé dans son profond âme, l'insolent, le mal éduqué Gozibi a perdu son porte-parole le plus titré.
Pour la grande majorité silencieuse des Comoriens, feu jurisconsulte, interprète officiel du droit canonique musulman, appelé d'émettre des avis et sentences juridiques, a trop privilégié le suivisme politique azaliste. En conséquence : en collobo sans réserve, il n'est malheureusement pas épargné du bilan chaotique du criminel Colonel. Dommage ! Son histoire religieuse reste sur terre seule juge. Son jugement de l'au-delà appartient au Très Haut.
Dans la religion musulmane, il n'y a pas de clergé au sens d'une hiérarchie disposant de pouvoirs sacrémentales. Le Grand Moufti est reconnu par son savoir chez les sunnites car chez les chiites, l'autre branche principale de l'islam, l'équivalent est le Mollah.
Partant de ce principe d'autorité religieuse prioritaire, le Président Said Mohamed Cheikh a su choisir un érudit, humble et désintéressé Ben Soumeth comme premier Grand Moufti des Comores. Jusqu'à sa disparition, il a fait l'unanimité... Le relais est bien rassurant avec le Grand Moufti Abderemane; ce téméraire qui défia Bob Denard en ces termes ce matin du 27 novembre 1989: " Creuse un second tombeau pour moi car jamais tu n'entereras le Président Abdallah sous ce manguier. C'est à Domoni Anjouan sa demeure éternelle."
A sa mort, le Président Djohar au pouvoir, ayant bien compris la difficile succession et l'emmergence de nouvelles élites en science religieuse, dans une réforme constitutionnelle, instaura le Conseil des Ulamah qui a permis non seulement la mise en place d'une structure administrative, mais aussi la présence, dans sa composition, des religieux émanant d'Anjouan et Mohéli.
L'avènement du Président Taki sera accompagné du retour au système de Mouftorat. Longtemps en bisebilles avec Foundi Toihir, l'opportunité est à saisir en le nommant Grand Moufti et ainsi enterrer leur conflit... Et patatras ! De l'organisation, composition et fonctionnement, du jardinier aux hauts cadres, aucun ressortant des deux autres îles n y'a place. Le Grand Moufti est élevé au rang de Ministre d'Etat créant la cupidité d'une fonction au départ bénévole.
En 22 ans d'exercice, feu Foundi Toihir a eu son mode de fonctionnement : les 10 ans de mandat des Présidents Sambi et Ikililou cumulés, il a eu à se cantonner à ses strictes tâches de conseil religieux. Aux 12 ans de règne de Gozibi écoulés, il s'est montré en phase manifeste avec l'engagement politique qui finit par remettre en cause son rôle de référence par son savoir religieux. Il a trop divisé le pays et su se faire haïr. Des voix osent critiquer publiquement son rôle et le désavouer en conséquence.
Dans sa constitution taillée sur mesure et illégale de 2018, Gozibi a prévu un titre réservé à Grand Moufti. Chose première à enterrer au plus tard en 2021. Bientôt il va nommer son nouveau porte-parole religieux. Et déjà malheureusement des mauvaises voix, en connivence éhontée avec Gozibi, tranchent pour le choix d'un Mgazidja car, pour ces farfelus distillent - comme leur maître - que la primauté des wangazidja est aussi religieuse.
Cette politique qui fait déjà trop de mal dans la gestion du pays en faisant des anjouanais et moheliens des sous hommes - comme le cri haut et fort Gozibi - ne doit pas être soutenue. Les érudits religieux se trouvent aussi bien à Anjouan, Mohéli et Mayotte, comme en Grande Comore. Après 60 ans de Moufti Mgazidja, cela n'est point une exclusivité insulaire. Les connaissances religieuses ne sont pas un monopole. Qui, homme ou femme honnête, ne reconnait le talent religieux sans commune mesure du Président Sambi?
Les Comores n'ont nul besoin du modèle "mouftiesque" de ces dernières années. Leur besoin est celui d'un religieux qui est aussi au dessus de la mêlée politique. L'intransigeance d'une intelligence religieuse confirmée d'une indépendance d'esprit doit être l'unique critère de choix de ce guide religieux à nommer.
D'ailleurs, quelle belle expérience si la reconnaissance de l'érudit d'une autre ile venait à être choisie !
Pour Foundi Toihir malheureusement, son influence politique a fini par éclipser sa mission religieuse. L'opinion n'a retenue que sa mauvaise influence dans la mauvaise politique de notre pays ces dernières années. Hélas!
KAMAL ABDALLAH
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