À Mayotte, «101e département français» situé dans l’Archipel des Comores, les premiers cas de Covid-19 sont apparus le 13 mars. Depuis, l...
À Mayotte, «101e département français» situé dans l’Archipel des Comores, les premiers cas de Covid-19 sont apparus le 13 mars. Depuis, le nombre de contaminés continue d’augmenter, le virus a fait sa première victime le 30 mars. Sur le territoire, où règne la précarité, cette nouvelle crise en révèle bien d’autres.
Mayotte, reportage
Dzoumonié, plus de 6.000 habitants et des températures proches des 40 °C. Dans ce village du nord de l’île de Grande-Terre, à Mayotte, 63 % des logements sont des bangas, de minuscules maisons de tôle, plus proches de l’abri que de l’habitat. Dans ce village, plus de la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable, c’est au-dessus de la moyenne du département, où l’Insee estime qu’un tiers des habitants ne dispose pas d’eau courante.
À Mayotte, comme dans tout le pays, le confinement est de mise et il est doublé ici d’un couvre-feu entre 20 h et 5 h du matin. Mais dans un département où 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, entassée parfois à six ou sept dans des bangas, confinement, « distanciation sociale » et gestes barrières apparaissent comme des concepts saugrenus ou, pour le moins, très difficiles à appliquer.
Le risque de famine, c’est aussi ce que craint Hanima Ibrahima, la maire de Chirongui. Ces derniers jours, l’élue passe ses journées au téléphone et à rendre visite à ses administrés. « Je m’inquiète pour la famille élargie. C’est-à-dire toutes les personnes les plus précaires de Chirongui. » Elle entend débloquer 70.000 euros supplémentaires pour distribuer des bons alimentaires aux plus démunis et propose au préfet d’ouvrir écoles et centres sociaux pour les transformer en hôpitaux de campagne. Et la question de l’eau ? « C’est une problématique difficile. On cherche des solutions. On ne s’attendait pas à devoir gérer une telle crise, c’est sans précédent. »
Justement, pour répondre aux besoins cruciaux en eau courante, la préfecture a mandaté la Croix-Rouge, qui a installé dans l’agglomération de Mamoudzou (le chef-lieu du département) et de Koungou, vingt bornes-fontaines monétiques, des points d’accès à l’eau accessibles grâce à des cartes numériques. « Les familles viennent avec des récipients et font ainsi des stocks », explique Yassine Boinali, président de la Croix-Rouge à Mayotte.
« On profite de ce moment-là pour sensibiliser au lavage des mains, on montre comment le faire pour que ce soit efficace. On explique aussi les règles du confinement, car la plupart de ces populations vivent dans les banlieues où elles n’ont pas forcément accès à l’information collective. Elles n’ont ni télé ni radio et sont un peu exclues », précise Yassine Boinali. Des interventions que les salariés de l’association font en différentes langues selon leurs interlocuteurs : parfois en shimahorais (comorien), parfois en malgache.
Comme ceux de la métropole, les professeurs de Mayotte ont reçu pour consignes d’utiliser les plateformes numériques, « et les collègues jouent le jeu », assure Yacouba Galledou, professeur de mathématiques à Mamoudzou et secrétaire du syndicat SGEN-CFDT. « Le problème est qu’ici, 80 % des élèves n’ont pas d’ordinateur ou de connexion, donc, ça ne fonctionne pas.
C’est déplorable. On nous a conseillé d’imprimer les cours pour les mettre à disposition des élèves, mais avec une moyenne de 1.600 élèves par établissement dans le secondaire, multiplié par le nombre de matière et de jours, c’est impossible », s’agace le syndicaliste. Alors, c’est le système D : groupe WhatsApp, Facebook, appels téléphoniques... Les enseignants s’adaptent pour tenter, avant tout, de ne pas perdre le lien, mais certains, amers, qualifient la « continuité pédagogique » de mascarade.
D’autant que pour les élèves, la scolarisation a une autre vertu, celle de leur fournir au moins un — parfois le seul — repas par jour grâce à la collation distribuée. Cette Pars (prestation accueil et restauration scolaire) manque donc cruellement. Preuve que l’on navigue un peu à vue dans cette crise, la préfecture avait d’abord prévue une distribution alimentaire à destination des bénéficiaires de cette Pars pour vendredi matin, distribution annulée à la dernière minute par crainte d’attroupements et de non-respect des gestes barrières.
La préfecture a finalement choisi de confier cette mission aux mairies, aux centres communaux d’action sociale (CCAS) et aux associations, qui doivent désormais se réorganiser. « On est dans l’expérimentation », confie Ibrahima Hanima, la maire de Chirongui, qui a dû mobiliser ses équipes tôt hier matin pour confectionner 4.000 colis. « Nous ne le referons plus, le préfet a raison, il faut trouver d’autres solutions », et de plaider, à nouveau, pour la distribution au cas par cas de bons alimentaires.
À Mayotte, le coronavirus apparaît dans un contexte déjà très compliqué, une épidémie de dengue fait rage depuis plusieurs mois, causant la mort de cinq personnes et en contaminant plus de 2.000. Les tensions sociales aussi sont grandes depuis plusieurs mois, fin février la mort d’un homme tué par un policier a créé de nouveaux heurts.
Dans cette ambiance, le coronavirus apparaît comme la goutte de trop, prête à faire déborder le vase. Un habitant résume l’état d’esprit général : « On prend les choses avec philosophie mais les inquiétudes sont là. Tout cela fait partie d’un même système de manque d’attractivité. Pour être ici, il faut vraiment le vouloir. »
Un reportage de Reporterre
À Mayotte, comme dans tout le pays, le confinement est de mise et il est doublé ici d’un couvre-feu entre 20 h et 5 h du matin. Mais dans un département où 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, entassée parfois à six ou sept dans des bangas, confinement, « distanciation sociale » et gestes barrières apparaissent comme des concepts saugrenus ou, pour le moins, très difficiles à appliquer.
Le risque de famine, c’est aussi ce que craint Hanima Ibrahima, la maire de Chirongui. Ces derniers jours, l’élue passe ses journées au téléphone et à rendre visite à ses administrés. « Je m’inquiète pour la famille élargie. C’est-à-dire toutes les personnes les plus précaires de Chirongui. » Elle entend débloquer 70.000 euros supplémentaires pour distribuer des bons alimentaires aux plus démunis et propose au préfet d’ouvrir écoles et centres sociaux pour les transformer en hôpitaux de campagne. Et la question de l’eau ? « C’est une problématique difficile. On cherche des solutions. On ne s’attendait pas à devoir gérer une telle crise, c’est sans précédent. »
« On a une petite longueur d’avance qu’il ne faut pas perdre, il faut anticiper et garder son sang-froid »
Justement, pour répondre aux besoins cruciaux en eau courante, la préfecture a mandaté la Croix-Rouge, qui a installé dans l’agglomération de Mamoudzou (le chef-lieu du département) et de Koungou, vingt bornes-fontaines monétiques, des points d’accès à l’eau accessibles grâce à des cartes numériques. « Les familles viennent avec des récipients et font ainsi des stocks », explique Yassine Boinali, président de la Croix-Rouge à Mayotte.
« On profite de ce moment-là pour sensibiliser au lavage des mains, on montre comment le faire pour que ce soit efficace. On explique aussi les règles du confinement, car la plupart de ces populations vivent dans les banlieues où elles n’ont pas forcément accès à l’information collective. Elles n’ont ni télé ni radio et sont un peu exclues », précise Yassine Boinali. Des interventions que les salariés de l’association font en différentes langues selon leurs interlocuteurs : parfois en shimahorais (comorien), parfois en malgache.
Comme ceux de la métropole, les professeurs de Mayotte ont reçu pour consignes d’utiliser les plateformes numériques, « et les collègues jouent le jeu », assure Yacouba Galledou, professeur de mathématiques à Mamoudzou et secrétaire du syndicat SGEN-CFDT. « Le problème est qu’ici, 80 % des élèves n’ont pas d’ordinateur ou de connexion, donc, ça ne fonctionne pas.
C’est déplorable. On nous a conseillé d’imprimer les cours pour les mettre à disposition des élèves, mais avec une moyenne de 1.600 élèves par établissement dans le secondaire, multiplié par le nombre de matière et de jours, c’est impossible », s’agace le syndicaliste. Alors, c’est le système D : groupe WhatsApp, Facebook, appels téléphoniques... Les enseignants s’adaptent pour tenter, avant tout, de ne pas perdre le lien, mais certains, amers, qualifient la « continuité pédagogique » de mascarade.
D’autant que pour les élèves, la scolarisation a une autre vertu, celle de leur fournir au moins un — parfois le seul — repas par jour grâce à la collation distribuée. Cette Pars (prestation accueil et restauration scolaire) manque donc cruellement. Preuve que l’on navigue un peu à vue dans cette crise, la préfecture avait d’abord prévue une distribution alimentaire à destination des bénéficiaires de cette Pars pour vendredi matin, distribution annulée à la dernière minute par crainte d’attroupements et de non-respect des gestes barrières.
La préfecture a finalement choisi de confier cette mission aux mairies, aux centres communaux d’action sociale (CCAS) et aux associations, qui doivent désormais se réorganiser. « On est dans l’expérimentation », confie Ibrahima Hanima, la maire de Chirongui, qui a dû mobiliser ses équipes tôt hier matin pour confectionner 4.000 colis. « Nous ne le referons plus, le préfet a raison, il faut trouver d’autres solutions », et de plaider, à nouveau, pour la distribution au cas par cas de bons alimentaires.
À Mayotte, le coronavirus apparaît dans un contexte déjà très compliqué, une épidémie de dengue fait rage depuis plusieurs mois, causant la mort de cinq personnes et en contaminant plus de 2.000. Les tensions sociales aussi sont grandes depuis plusieurs mois, fin février la mort d’un homme tué par un policier a créé de nouveaux heurts.
Dans cette ambiance, le coronavirus apparaît comme la goutte de trop, prête à faire déborder le vase. Un habitant résume l’état d’esprit général : « On prend les choses avec philosophie mais les inquiétudes sont là. Tout cela fait partie d’un même système de manque d’attractivité. Pour être ici, il faut vraiment le vouloir. »
Un reportage de Reporterre
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