PERSPECTIVE. Avec les 9es réserves mondiales de gaz, le Mozambique est parti pour être un « Qatar africain ». D'importants investisse...
PERSPECTIVE. Avec les 9es réserves mondiales de gaz, le Mozambique est parti pour être un « Qatar africain ». D'importants investissements ont été engagés
Sans aucun doute, l'avenir du Mozambique va être redessiné par l'exploitation du gaz. Le pays abrite les plus grandes réserves des pays d'Afrique de l'Est, avec près de 5 000 milliards de mètres cubes. Soit presque autant que le Nigeria, sur deux blocs offshore dans la province de Cabo Delgado à l'extrême nord du pays. En une décennie, le Mozambique deviendra probablement le quatrième exportateur mondial de gaz derrière les États-Unis, le Qatar et l'Australie. « C'est énorme ce qui va se passer, commente le chercheur Benjamin Augé, lors d'une conférence en janvier sur le Mozambique en crises, à l'Institut français de relations internationales (IFRI). À terme, le Mozambique produira 60 millions de tonnes par an, soit les 3/4 de la production du Qatar. »
De gros investissements engagés
Les investissements prévus sont gigantesques : plus de 55 milliards de dollars pour les projets gaziers et 130 milliards au total. Pour donner une idée, « ces projets font partie des deux ou trois projets les plus chers au monde », souligne Benjamin Augé. En juin 2019, sur le bloc 1, l'américain Anadarko a lancé officiellement le projet d'exploitation « Mozambique GNL » pour un montant évalué à 25 milliards de dollars. Le gaz pompé sera acheminé par pipeline vers l'usine de liquéfaction implantée à Palma. Le gaz naturel liquéfié (GNL) produit sera alors exporté par bateau méthanier.
Entre-temps, Anadarko a été racheté par Occidental Petroleum et les actifs africains d'Anadarko sont en cours de rachat par le français Total. Fin septembre, Total a annoncé la finalisation de l'opération d'acquisition des parts d'Anadarko (26,5 %) dans Mozambique GNL, pour 3,9 milliards de dollars. Les premières cargaisons sont attendues pour 2024 avec une production annuelle de 12 millions de tonnes (Mt). Palma, qui n'était qu'un village de pêcheurs, se transforme en ville industrielle. La base de vie est déjà construite, mais il reste toutes les infrastructures liées au GNL (terminaux, trains de GNL, réservoirs, embarcadères, etc.).
Un important ballet d'acteurs impliqués..
Dans le bloc 4, trois gisements ont été découverts pour un potentiel estimé à 2 400 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Sur le gisement Coral, le projet « Romuva LNG », mené par la société ENI, prévoit d'installer une plateforme de liquéfaction flottante, baptisée FLNG Coral Sul, qui devrait être opérationnelle dès 2022. Les travaux de construction de la structure ont été lancés mi-janvier en Corée du Sud. La plateforme, reliée à six puits à 2 000 mètres de profondeur aura une capacité de traitement de 3,4 Mt par an. En outre, ExxonMobil et ENI ont lancé leur projet de construction d'une usine de liquéfaction du gaz onshore, avec deux trains de liquéfaction de 7,6 millions de tonnes chacun, pour un investissement de 30 milliards de dollars. La production devrait démarrer vers 2023-2025.
Sur le bloc 1, Total, après avoir racheté les parts de l'américain Anadarko (26,5 %), opère avec Mitsui (20 %), ONGC Videsh (16 %), Bharat Petro Ressources (10 %), PTTEP Mozambique (8,5 %) et Oil India (4 %) ainsi que ENH (la société d'État avec 15 %). Sur le bloc 4, l'italien ENI et ExxonMobil, qui détiennent tous les deux 35,7 % se sont associés au chinois CNPC (28,6 %) et à Kogas, Galp et ENH (10 % chacun). En dehors des grandes majors occidentales, le Mozambique a attiré d'autres partenaires issus de pays à la recherche d'approvisionnement en gaz naturel et souvent situés à proximité géographique.
...pour une production déjà en grande partie vendue
Avec ces projets en route, le Mozambique devrait produire à moyen terme environ 30 Mt/an de gaz liquéfié et 50, voire 60 Mt/an d'ici à 2030. Quoi qu'il en soit, la production future est déjà en grande partie vendue. Cette opération permet de sécuriser les investisseurs qui peuvent alors démarrer les travaux. Ainsi, BP s'est porté acquéreur des 3,3 Mt/an de la production du FLNG d'ENI. Du côté du projet Anadarko/Total, « près de 90 % de la production de Mozambique LNG est d'ores et déjà commercialisée dans le cadre de contrats à long terme à destination de clients en Asie et en Europe. En outre, une partie du gaz sera destinée au marché intérieur, afin de contribuer au développement économique du pays », détaille Total dans un communiqué.
Par Sylvie Rantrua ©️Le Point
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