Lettre ouverte Monsieur Azali Assoumani, La crise que traverse notre pays interpelle la conscience de tous nos compatriotes et ch...
Lettre ouverte
Monsieur Azali Assoumani,
La crise que traverse notre pays interpelle la conscience de tous nos compatriotes et chacun s’interroge sur le comment y mettre fin. À mon niveau, je suis sérieusement troublé et révolté par la démission de l’autorité judiciaire de notre pays et ses conséquences sur le respect des droits humains. Cette absence de pouvoir judiciaire ouvre la voie à toutes les formes d’abus, à l’arbitraire et à l’anarchie qui sont aujourd’hui érigés en système de gouvernance politique et économique.
Cette crise et cette léthargie judiciaires affectent sérieusement la situation de vos opposants maintenus en détention provisoire ou en résidence surveillée pour des raisons politiques car leur situation pénale n’a aucun fondement juridique. Des voix se sont élevées, des médiations des dignitaires de notre pays ont été engagées pour vous dire que l’atrocité et l’humiliation que vous faites subir à vos opposants politiques, l’illégalité de la détention provisoire et le maintien en résidence surveillée imposés à certains, le chantage que vous faites subir à d’autres et leur exil forcé ont des conséquences évidentes sur le climat de haine et d’intolérance qui prévaut en ce moment dans notre pays et dont les effets n’épargnent personne.
L’actualité immédiate caractérisée par ce qui s’est passé à Bouni Hamahamet et les circonstances qui ont accéléré la mort de l’ancien premier ministre, Ibrahim Halidi, prouve à quel point la situation est désastreuse. Eu égard à ce climat de terreur et en ma qualité de citoyen comorien, j’ai eu à demander officiellement l’intervention des chefs d’État africains et des pays partenaires et amis de notre pays pour mettre fin aux abus et l’arbitraire de votre régime.
Monsieur Azali Assoumani, depuis votre retour au pouvoir et de l’avis de tous, la justice n’existe que pour des illusions d’un État qui n’existe en réalité dans ses fonctions régaliennes que par la répression. Sinon, comment expliquer l’absence d’enquête judiciaire suite aux assassinats de :
Nail, tué le 30/9/19 des suites de sévices subis en prison à Mutsamudu
Ben Ahmed, tué par les militaires le 17 octobre 2018
John Male tué par les militaires le 17 octobre 2018
Hassan, enfant de 6 ans tué par obus militaire le 17 octobre 2018
Ali, décédé le 12/10 /19 suite à des tortures subies par la gendarmerie de Fomboni
Hamada gazon, assassiné par des militaires à Iconi le 9/12/18
Commandant Faissoil, major Nacerdine et Salim Nassor assassinés au camp militaire de kandani, le 28 mars 2019
ALI Ousseni assassiné, le 24 mars 2019.
Outre ces assassinats, nous devons ajouter l’emprisonnement et placement en résidence surveillée de vos opposants dans le cadre de la procédure ouverte suite à la plainte déposée par des citoyens dans l’affaire de la citoyenneté économique.
C’est regrettable de voir qu’au lieu de tirer les leçons des échecs de notre pays, ceux de votre génération et les vôtres surtout, vous vous enfoncez et continuez à enfoncer le peuple comorien sur une voie dont l’issue n’est autre que le chao.
Jusqu’à lors nos compatriotes ont fait preuve de patience, de maturité et de retenue en ce qu’ils n’ont pas succombé à vos provocations, à vos menaces et à vos appels publics aux meurtres de vos opposants.
Malgré ce climat délétère, je vous demande d’y mettre fin car je suis persuadé que les Comoriens injustement marginalisés, humiliés, exclus et méprisés par votre pouvoir ne toléreront plus longtemps cette situation. Vous savez très bien que je ne suis ni opportuniste ni courtisan raison pour laquelle, cette lettre est celle d’un homme libre de ses actions et de ses jugements et qui n’agit que pour sa conscience éveillée, indignée par l’injustice et l’inhumanité de l’arbitraire que vous faites subir à notre peuple.
Au nom de ce peuple qui vous a démontré un amour certain, monsieur le colonel, mettez fin à votre fin de non-recevoir que vous avez réservée à toutes les médiations et les recours légaux des avocats des personnes poursuivies. Mettez fin à votre opposition arbitraire et illégale à l’exécution de la décision rendue le 3 janvier 2020 par le juge d’instruction ordonnant l’évacuation sanitaire de l’ancien président Sambi à l’étranger pour y suivre des soins médicaux.
Monsieur Azali Assoumani, je vous demande de vous interroger sur la responsabilité qui est la vôtre quant à l’état de santé de l’ancien Président qui selon des médecins experts s’est détérioré. L’instrumentalisation politique de la procédure pénale liée à l’affaire de la citoyenneté économique s’observe à travers vos déclarations dans les médias et celles de vos collaborateurs notamment vos ministres des affaires étrangères, de la justice, de l’intérieur et votre directeur de cabinet ministre de la Défense.
Vous déclarez tous publiquement la culpabilité de Sambi et étalez publiquement des pièces et éléments soumis au secret de l’instruction alors que le juge d’instruction et le tribunal n’ont pas statué sur l’issue de cette affaire. Cela est aussi prouvé par votre refus abusif et arbitraire de laisser Sambi se faire soigner malgré la décision du juge. Je vous rappelle que seul un tribunal indépendant est habilité à juger les personnes impliquées dans le dossier de la citoyenneté économique afin d’éviter vos ingérences politiques.
Le rapport que vous entretenez avec vos semblables notamment ceux qui sont souffrants et malades et votre indifférence aux souffrances de notre peuple préviennent une crise encore plus grave et plus inquiétante pour la paix sociale dans notre pays. Pourtant, nous devons tous œuvrer pour préserver la concorde, la tolérance, la fraternité et la solidarité entre tous les Comoriens, valeurs que nous avons hérité de nos ancêtres. Une nouvelle fois, Monsieur le colonel, ressaisissons-nous, œuvrons tous ensemble pour la concorde et le vivre ensemble.
Je vous prie de croire en l’expression de mon patriotisme et ma fraternité à tous les Comoriens.
Très cordialement
Saïd Larifou
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