Captures d'écran d'une vidéo montrant un jeune homme sous l'emprise de cette drogue ©️France24 Saint-Pierre: Les premiers d...
Captures d'écran d'une vidéo montrant un jeune homme sous l'emprise de cette drogue ©️France24 |
Saint-Pierre: Les premiers dealers de chimique à la barre
Le premier procès d'envergure de trafiquants de drogue chimique s'est tenu hier à Saint-Pierre. "La drogue du pauvre", en provenance de Mayotte fait des ravages chez les jeunes "fragilisés".
Le phénomène est connu. Il se développe depuis deux ans dans le sud de notre île. La "chimique" est cette drogue à base de cannabis de synthèse, fabriquée en Chine et en Inde. Les bobos des classes moyennes et supérieures ont la coke ou l'héro. Les jeunes désoeuvrés, au RSA ou sans ressources, se contentent de la chimique, plus facile à se procurer, moins chère aussi. Les services judiciaires, les enquêteurs et les responsables de la santé publique découvrent et cherchent à comprendre. Les réseaux de deal sont entremêlés, les trafiquants volatiles, les circuits d'approvisionnement comme de distribution sont tentaculaires. Et contrairement à la traditionnelle "blanche", la "chimique" est aussi consommée par ses revendeurs.
"La dépendance est d'ordre psychique, expliquait dans ses réquisitions, la susbtitute Marie Simbille. Qui dit dépendance, dit besoin d'argent et ce besoin est satisfait par le trafic. Nous sommes confrontés à un problème de santé publique, qui repose sur un marché difficile à contrôler. Le profil de l'usager, on le connaît: un homme bien souvent, jeune, fragilisé socialement, qui devient incontrôlable quand il a consommé".
Le phénomène de la chimique dans le sud est en réalité parti de Mayotte, relayé par plusieurs membres de la communauté mahoraise de Saint-Louis. A la barre, hier Kassim, 30 ans dit être arrivé à La Réunion en janvier 2018. Il a été dénoncé par sa compagne de l'époque, qui ne voulait pas, selon elle, revivre ce qu'elle avait connu dans l'île Hippocampe. Kassim, lui, prétend avoir découvert la chimique ici, et qu'elle a agi par jalousie. A ses côtés à la barre, Mourchidi, 21 ans, père de trois enfants, qu 'il "va reconnaitre" ne concède que la consommation.
Et si ses empreintes digitales ont été relevées sur quelques-uns des 46 sachets saisis chez Kassim, c'est parce qu'il "donnait un coup de main au conditionnement". Sauf que les enquêteurs de la gendarmerie qui l'avaient pris en filature remarquaient l'affluence régulière de "clients" autour de sa 307. Jeannette, 26 ans, reconnait qu'elle fumait de la chimique "depuis un an et demi", lorsqu'elle a été arrêtée en mai 2018. "J'avais commencé à Mayotte". Et. que. des gens venaient chez elle, pour être "dépannés".
Dans ce procès, il ne fut pas question de dizaines de milliers d'euros. Une dose préparée comme une recette gastronomique, au goût de chacun-e, coûte entre 10 et 20 €. Les gendarmes ont saisi des doses. Mais pas de sommes d'argent astronoiques. Les adeptes de la chimique, dealers et consommateurs, sont en quelque sorte dans l'économie circulaire.
Kassim, Mourchidi et Jeannette ont été jugés de la même manière par le tribunal qui n'a pas fait de distinction dans les responsabilités de l'une et des autres: deux ans de prison, dont un an ferme, avec obligation de soins et de travail. Un jugement de moitié inférieur aux réquisitions.En détention provisoire depuis le 11 octobre 2018, les deux jeunes hommes devraient recouvrer la liberté tout prochainement.
Rapido et Bacou, eux, s'en sont allés pour toujours. Le premier a été retrouvé noyé après une prise de chimique. Le second n'est jamais sorti du coma dans lequel l'avait plongé le poison de synthèse. Leurs noms ont été évoqués, au détour des débats. Mais aucune enquête judiciaire n'a établi le lien formel entre leur décès, la chimique. Et encore moins leur circuit d'approvisionnement.
Jean-Noël Fortier
©JIR - clicanoo.re
Titre ©La rédaction
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