27 heures de garde à vue, menottés et arrêtés en plein cours devant nos étudiants par la Police Française à Mayotte... Avec mon collè...
27 heures de garde à vue, menottés et arrêtés en plein cours devant nos étudiants par la Police Française à Mayotte...
Avec mon collègue et ami Pascal Chombart de Lauwe, nous travaillons avec nos étudiants (3° cycle en architecture des risques majeurs) depuis plusieurs années dans les bidonvilles de Mayotte, en convention avec les collectivités locales. Mercredi 16 octobre dernier, alors que nous étions en travail de terrain avec les étudiants, nous avons vu la Police des Airs et des Frontières (PAF) rentrer dans les cours et les maisons dans lesquelles nous travaillions.
Un des propriétaires m'a appelé à l'aide car la police était rentrée chez lui sans son autorisation. J'ai alors appelé une amie avocate, Marja Kasi, pour lui demander ce qu'il convenait de faire. Elle m'a répondu qu'il fallait constater, prendre des photos, et essayer d'identifier les personnes interpellées pour pouvoir suivre juridiquement la situation.
Quand nous sommes rentrés dans la cour de la maison, nous avons assisté à des scènes dantesques (voir les photos ci dessous) : enfants en pleurs arrachés à leurs parents, bébé arraché à sa mère, et femme extraite physiquement de son domicile, etc... Après plusieurs minutes de cette violence extrême, deux personnes, un homme et une femme ont été arrêtés et amenés sur la route pour être emmenés dans les véhicules de la PAF pour des vérifications d'identité.
Nous avons suivi le mouvement. La PAF n'était visiblement pas contente que nous soyons là.
A un moment, un habitant excédé s'est dirigé d'un air énervé vers la police avec des pierres dans les mains. Je me suis interposé entre lui et la police jusqu'à ce qu'il laisse ses pierres à terre. Je n'avais pas vu que dans l'intermède, un policier m'avait tenu dans son champ de tir avec un LBD.
Après plusieurs minutes tendues, les véhicules de la police sont partis avec les personnes arrêtées.
Quelques minutes plus tard, alors que nous étions en train d'essayer de calmer la situation, avec nos 15 étudiants et les habitants du quartier de tous âges, la police est revenue, avec des casques, boucliers et matraques. Elle a d'abord arrêté mon collègue Pascal Chombart de Lauwe, lui a passé les menottes devant les étudiants, et l'a embarqué dans un véhicule. Puis ça a été mon tour.
Grâce à la médiation des étudiants, Pascal Chombart de Lauwe a finalement été relâché. Le fait que nous ayons un Ordre de Mission en bonne et due forme pour notre travail ne leur a fait ni chaud ni froid.
Quant à moi, j'ai été emmené en Garde à Vue au Centre de Rétention Administrative. Après des accusations vagues de rebellion, j'ai ensuite appris qu'un policier avait porté plainte contre moi, m'accusant de l'avoir bousculé trois fois et d'avoir cassé ses lunettes de soleil. La Garde à Vue a duré 27 heures, du mercredi 16 octobre à 13H00 au jeudi 17 octobre à 17H00.
35 degrés dans la cellule, lumière électrique aveuglante continue, bourdonnement assommant d'un ventilateur épuisé, aucune idée de l'heure, pas de vue du jour, isolement absolu, vue sur un couloir vide et à l'affut du moindre mouvement dans ce couloir.
20 heures plus tard, quand j'ai été confronté au policier, j'ai été présenté à une personne que je n'avais pas vue dans les maisons. Elle n'apparait d'ailleurs sur aucun des films et photos qui ont été faits sur place.
La confrontation a été assez curieuse car les accusations du jeune Adjoint de Sécurité semblaient assez vagues et il n'a pas vraiment su expliciter devant moi ce dont il m'accusait. Ses accusations étaient tellement incohérentes que j'ai appris hier le classement de mon affaire par le procureur.
J'ai donc finalement été libéré de GAV au bout de 27 heures, juste à temps pour attraper l'avion et mes étudiants qui rentraient en métropole.
Une des habitantes d'un banga avec laquelle mes étudiants avaient travaillé a elle aussi été placé en garde à vue pour des faits de violence sur le même adjoint de sécurité agissant pour le compte de la paf. Son fils également. A l'issue des 3 gardes à vue, aucune poursuite n'a été engagée contre moi alors Madame X et son fils sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou.
Il est reproché à Madame des faits de résistance violente lors de son interpellation et des violences au fils de celle ci...Je sais juste que le médecin a déclaré pour le policier plaignant une ITT de ....zéro jour.
En conclusion, je me contenterai de poser quelques questions sur le sens qu'il faudrait aujourd'hui donner à quelques unes de ces expressions datant d'hier :
Rafles ?
Chasses à l'homme ?
Justice coloniale ?
Justice de classe ?
...
Les photos sont extraites des films réalisés par Pascal Chombart de Lauwe et des étudiants.
Par Cyrille Hanappe
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