Un Airbus A340-313 d’Air Madagascar, en septembre 2018. Anna Zvereva / Creative Commons La compagnie aérienne, en difficulté financière...
Un Airbus A340-313 d’Air Madagascar, en septembre 2018. Anna Zvereva / Creative Commons |
La compagnie aérienne, en difficulté financière chronique, a été condamnée à verser 46 millions de dollars à Air France, qui lui avait prêté deux A340 en 2012.
C’est l’histoire d’une petite compagnie aérienne de Madagascar qui ne parvient pas à décoller. Chaque fois qu’elle prend de la vitesse, le sort s’abat sur elle avant le bout de la piste. Jeudi 17 octobre, Air Madagascar a été condamnée par le tribunal de commerce de Paris à verser 46 millions de dollars (environ 41 millions d’euros) à Air France. De quoi la clouer définitivement au sol.
Au cœur du litige, il y a deux Airbus A340. En juin 2012, Air France les prête à Air Madagascar en contrat de location-vente. La compagnie en a besoin pour se refaire une santé, mais n’a pas une solidité financière suffisante pour se les offrir. Selon David Rakoto, économiste à l’université d’Ankatso, à Antananarivo, « l’acquisition de ces deux A340 était une belle performance sur le papier, puisque les dirigeants espéraient devenir propriétaires des engins d’ici à la fin du contrat ». L’affaire s’est jouée différemment...
A l’époque, Air Madagascar a besoin de ces deux avions pour pouvoir atterrir en Europe. En 2011, soit un an avant le prêt controversé, l’Union européenne publie l’annexe B de la liste des compagnies interdites de voler dans son espace aérien, dans laquelle figurent les deux Boeing 767-300 d’Air Madagascar desservant à l’époque les aéroports de Paris et Marseille. Comme la compagnie elle-même n’est pas placée sur liste noire et que seuls le sont ses deux avions, l’idée d’en changer résolvait tout. Du moins, en théorie.
Jusqu’alors, l’inscription sur l’annexe B de cette liste obligeait en effet Air Madagascar à affréter des appareils d’autres transporteurs avec équipage, ce qui augmentait considérablement les coûts d’exploitation. Pour les dirigeants de la compagnie, sortir de cette liste signifiait donc renouer avec la rentabilité et espérer le redressement de l’entreprise. Une gageure, selon David Rakoto : « Il y a quand même une gestion chaotique de cette entreprise. Le problème d’Air Madagascar depuis sa création, ce sont des charges trop importantes, qui ne sont pas comblées par le chiffre d’affaires. »
Soupçons de corruption
En difficulté financière chronique depuis les années 1980, la compagnie, née en 1961 de la fusion entre la société privée Air Madagascar et le réseau local Air France, entre avec ce prêt dans une spirale dangereuse qui la maintient perpétuellement au bord de la faillite. Elle n’a pas les fonds pour payer son crédit, et les 46 millions de dollars réclamés aujourd’hui par Air France correspondent aux arriérés de loyer.
Société semi-publique depuis 2019, la compagnie plaide l’aspect « budgétivore » des engins. Bien décidée à se défendre, elle dit vouloir « exercer tous les recours légaux qui sont à sa disposition à l’encontre de cette décision ». Dans l’optique de la préparation de cette future bataille judiciaire, les cadres dirigeants n’ont pas souhaité s’exprimer, rappelant seulement que « cette situation n’a pas d’impact sur les opérations long courrier d’Air Madagascar ».
Ce dossier s’annonce comme l’un des plus délicats à gérer pour le pouvoir malgache. Il y a d’abord une forte suspicion de corruption qui pointe sous l’analyse des coûts, car, comme le souligne David Rakoto, « quand on voit la somme payée pour ces Airbus alors que le prix sur le marché, à l’époque, était d’environ 27 millions de dollars de moins, on a forcément des soupçons ». En outre, ce litige est d’autant plus embarrassant pour l’Etat que le plan Emergence de Madagascar, voulu par le président Andry Rajoelina, accorde une importance particulière au secteur aérien.
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