À Moroni, y’a-t-il, « en ce moment », un exécutif ? Il semblerait que non, en tout cas, pas juridiquement. D’abord, il est certain qu...
À Moroni, y’a-t-il, « en ce moment », un exécutif ? Il semblerait que non, en tout cas, pas juridiquement.
D’abord, il est certain qu’à l’heure où l’on écrit ces lignes, il n’y a personne pour exercer les prérogatives présidentielles. En effet, le Président dit nouvellement élu et irrégulièrement investi à voyager, ce qui est une situation d’absence équivalent à un empêchement provisoire. Mais voilà, la « Constitution » de 2018 ne prévoit pas de régime juridique de suppléance.
Elle ne connaît que l’intérim. La suppléance qui existait était celle strictement réservée au cas où le président d’alors participerait à l’élection prévue par les dispositions transitoires. Ce qui fut le cas. L’élection ayant été organisée, la disposition de la suppléance transitoire a épuisé ses effets.
Le président voyage mais aucune disposition de la Constitution de 2018 ne régissant l’empêchement provisoire, l’exécutif se trouve sur place bien dépourvu. Alors oui ce n’est qu’un voyage, ce n’est pas un empêchement très handicapant mais il faut imaginer les cas d’empêchement provisoire plus délicats : la maladie ou la disparition. Sans régime de suppléance, l’on se retrouvera comme le Gabon. Bongo hospitalisé, la constitution ne connaissant pas de suppléance, le pays paralysé. La Cour constitutionnelle gabonaise a dû se prendre pour le constituant et rajouter un alinéa à la Constitution pour écrire la suppléance.
Ensuite, l’exécutif en ce moment est aussi dépourvu de gouvernement de plein exercice. En effet, l’actuel a été nommé avant les élections. Disposant aujourd’hui d’un Président dit nouvellement élu et investi quoiqu’irrégulièrement, ce gouvernement est donc démissionnaire et n’expédie que les affaires courantes. Un autre doit être nommé pour se conformer à la temporalité constitutionnelle.
Imaginez, un président provisoirement empêché, avec le voyage, et un gouvernement démissionnaire qui ne peut prendre des mesures politiques qui engagent la nation. À l’instant T, ce 31 mai, à Moroni, le pouvoir exécutif est réduit à peau de chagrin.
La République n’est pas à une incohérence près. Les textes, les institutions, les procédures, la légalité, tout ça, on n’en pas cure tant que la République de l’apparence se donne à voir. Tant qu’on déroule les tapis rouge, fait sonner les trompettes, défile les armés, roule les cortèges, effectue des voyages officiels, met en scène la signature de décret, tout va bien. On dit au peuple : « dormez petit peuple, vous voyez bien, je suis le Président et tout fonctionne. Voyez...».
Par Mohamed Rafsandjani
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