La cour constitutionnelle malgache a confirmé ce mardi la victoire à l'élection présidentielle de l'ancien président de la Haute ...
La cour constitutionnelle malgache a confirmé ce mardi la victoire à l'élection présidentielle de l'ancien président de la Haute autorité de transition, porté à la tête du pays par l'armée entre 2009 et 2013.
Andry Rajoelina, le nouveau président malgache, dont l’élection a été confirmée mardi par la Haute cour constitutionnelle (HCC), ne manque pas de surnoms. Pour les uns, c’est «TGV», l’acronyme de son premier parti (Tanora malaGasy Vonona, les «jeunes Malgaches prêts») et clin d’œil à son ascension politique fulgurante. Pour les autres, il est «le DJ», en référence à l’époque où il était plus connu pour son talent d’animateur de soirées que pour ses idées politiques. Mais le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de ses adversaires est moins lyrique : putschiste.
En 2009, il accède pour la première fois au pouvoir à 33 ans, par des manifestations d’ampleur dans la capitale, Antananarivo, suivies d’un coup d’Etat militaire. L’armée le porte à la tête de la Haute autorité de transition, qui a remplacé le gouvernement de Marc Ravalomanana, contraint à l’exil. L’épisode marque le sommet de la rivalité politico-commerciale entre les deux hommes, qui continue à animer le pays.
Corruption généralisée
Entre 2009 et 2013, quand Rajoelina est à la tête du pays, l’économie s’effondre. La croissance chute alors que le taux de la population disposant de moins de 1,90 dollar par jour atteint 77% en 2012. L’insécurité augmente dans les rues de la capitale comme dans les zones rurales isolées, où sévissent les dahalos (voleurs de zébus). Pour le président de la transition, ce n’est que le résultat de la conjoncture économique compliquée par la suppression des aides internationales après le coup d’Etat.
«Quand Rajoelina était au pouvoir, la corruption et le pillage des ressources naturelles ont explosé, explique Ketakandriana Rafitoson, directrice de Transparency International Initiative Madagascar. Une grande partie des parlementaires non élus de la transition se sont enrichis avec le trafic de bois de rose. De la 85e place mondiale du classement de la perception de la corruption en 2008, le pays est passé à la 133e en 2014. Et la chute continue.» Sous la pression de la communauté internationale, Rajoelina finit par quitter le pouvoir en 2014, après des élections où, interdit de se présenter, il soutient le futur vainqueur Hery Rajaonarimampianina, son ancien ministre des Finances.
La HCC, chargée de valider les résultats du scrutin, a confirmé ce mardi que Rajoelina serait de retour au pouvoir, officiellement cette fois, dès le mois de janvier. Toutes les requêtes déposées par son rival Marc Ravalomanana, qui dénonçait des fraudes massives et demandait une annulation de l’élection, ont été rejetées par les juges. Sans faire disparaître les doutes et les tensions pour autant.
Depuis la semaine dernière, quelques centaines de partisans de Marc Ravalomanana manifestent quasi quotidiennement devant l’hôtel de ville d’Antananarivo, bravant les interdictions.«Une grande partie de l’opinion devrait tout de même accepter le verdict, par défaut, pour repousser l’éventualité d’une autre crise qui coûterait cher à la nation, estime Ketakandriana Rafitoson. Même dans les rangs des pro-Ravalomanana, la résignation se fait entendre. Les manifestants sont une faction minoritaire. Les gens sont fatigués des crises.» Olivier Vallée, auteur de la Société militaire à Madagascar (éd. Karthala, 2017), va dans le même sens : «Des pressions ont déjà commencé à s’exercer sur le camp Ravalomanana. Les bureaux d’un groupe de médias qui le soutient ont été incendiés il y a quelques jours. Cela devrait limiter les réactions au verdict de la HCC»
Programme flou
Dans un pays où la désillusion politique augmente au même rythme que l’abstention (52% au second tour), Andry Rajoelina a mené une campagne dispendieuse, à coups de distributions de tee-shirts et de feux d’artifice, plus portée sur la forme que sur le fond. Malgré le lancement en grande pompe début 2018 de son Initiative pour l’émergence de Madagascar, qui se présente comme une «plateforme de concertation rassemblant des experts nationaux et internationaux» et qui affirme vouloir rattraper en cinq ans le retard économique de l’île, son programme est flou.
Certaines de ses propositions, comme l’implantation de puces dans les zébus, pour en pister les voleurs avec des drones, ont suscité des railleries dans toute l’île. Le projet de suppression du Sénat est plus préoccupant. Officiellement, la suppression de cette «institution budgétivore» permettrait de dégager des fonds pour l’enseignement supérieur. Dans les faits, cela supprimerait un potentiel contre-pouvoir. «Pendant la transition, il n’avait pas les mains libres. Il était jeune, dépendant des militaires et de ses parrains dans les milieux économiques, explique Olivier Vallée. Aujourd’hui, il a bien plus de marge de manœuvre. Avec les risques d’autoritarisme que cela comporte.»
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