Justice bafouée, autorité de l’Etat piétinée...

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Justice bafouée, autorité de l’Etat piétinée... Les affaires judiciaires de ces derniers temps interpellent avec beaucoup d’introspec...

Justice bafouée, autorité de l’Etat piétinée...

Les affaires judiciaires de ces derniers temps interpellent avec beaucoup d’introspection et de consternation le juriste et l’invite à s’interroger sur l’office du juge et de l’indépendance de la justice comorienne par rapport au pouvoir exécutif. 

Si ce n’était que cela, on aurait peut-être des motifs fondés en droit ou fallacieux pour justifier cette hyper concentration insupportable des pouvoirs dans les mains du seul Chef de l’Etat. Mais ce qui est gravissime ce sont les violations manifestes de nos droits et libertés. C’est particulièrement l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique. 

Cette justice est consacrée par la Constitution du pays comme la gardienne des libertés et seul rempart pour les citoyens contre les abus de pouvoir de la part des autorités publiques. Pour tout cela, toute personne éprise de liberté devrait s’indigner, au mieux se soulever contre cette forfaiture qui s’accentue à chaque jour que dieu fait. Quand à moi, je cris mon indignation et ma révolte en ces quelques mots qui, je l’espère en appelleront d’autres pour stopper cette course folle vers un Etat sans foi ni lois. 

La Cour de sûreté de l’Etat, une autre illégalité 

Sur le plan de la légalité interne, Comoriennes et Comoriens, vous devrez savoir que cette juridiction est illégitime, illégale car officie en violation de la Constitution en vigueur. Cette justice exceptionnelle appelée aussi spécialisée à certains délits ou crimes… ne peut exister dans l’ordonnancement juridique du pays qu’en vertu d’une loi. 

Ceux qui justifient la forfaiture et les violations de l’Etat de droit, contre vous, invoquent la loi n°81-005/PR du 20 mars 1983 ayant institué une telle juridiction. Or, cette loi fut abrogée purement et simplement par la loi organique n° 05-016/AU relative à l’organisation judiciaire dans l’Union des Comores du 20 décembre 2005. Cette loi énumère toutes les juridictions compétentes sur le territoire national pour rendre la justice. Voyez-vous, cette Cour de sûreté de l’Etat ne figure pas sur cette liste. Cela signifie donc qu’elle n’existe pas dans l’organisation judiciaire du pays. 

Certains avancent l’idée selon laquelle la loi organique de 2005 ne dit pas qu’elle abroge expressément cette Cour de sûreté de l’Etat. Soit. Mais cette énumération des juridictions existantes à compter de la date d’entrer en vigueur, pour connaître des litiges aux Comores, montre que le législateur organique n’a pas entendu conserver d’autres juridictions et a fortiori la fameuse Cour de sûreté de l’Etat. Le législateur étant souverain, par cette nouvelle loi de 2005, il a implicitement abrogé la loi de 1983 et par voie de conséquence, il a purement et simplement supprimé ladite Cour. Pour être clair, la Cour de sûreté de l’Etat n’a pas d’existence légale depuis 2005. 

Des décisions nulles de nulle effet 

Messieurs les juges, et je le dis avec gravité, aucun citoyen comorien ne doit être trainé devant cette juridiction. Mais comme vous avez décidé de faire fi des règles de droit régissant cette République et au premier chef la norme fondamentale, la Constitution, les décisions que vous rendez et serez amenés à rendre dans les jours et mois à venir sous ce régime sont nulles de nullité absolue. Ainsi toutes les personnes poursuivies et condamnées à tort sont en droit de faire de la désobéissance civile un moyen de défense. Elles devraient refuser les peines prononcées par votre justice inique et en dehors de tout cadre légal. 

En effet, comme le fondement de cette juridiction tombe, les peines que vous prononcez violent un principe cardinal en matière pénale : celui de légalité des délits et des peines. Il signifie qu’une personne ne peut être poursuivie et condamnée pour un fait qui ne constituait pas une infraction au regard du droit au moment où il a été commis. Concrètement, nulle ne peut être condamnée que si une loi le prévoit avant la commission de l’infraction. En l’occurrence, la loi de 1983 n’étant plus inopérante puisque abrogées, les infractions et les peines prévues ont disparues avec elle… 

Ahmed ALI ABDALLAH 
Docteur en Droit public

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