L’évacuation sanitaire ne profite pas forcement à ceux qui en ont besoin. Or, 40 millions est le budget alloué au programme. 100 est le n...
L’évacuation sanitaire ne profite pas forcement à ceux qui en ont besoin. Or, 40 millions est le budget alloué au programme. 100 est le nombre de patients comoriens que l’État mauricien soigne gratuitement.
Cette année 2018, le quota est épuisé dès le mois d’octobre. Pourtant, seul 40 personnes ont fait le déplacement. Sur les 40 millions de prévisionnel, 8 millions ont été dépensés. Si la création de l’anamev pourrait changer la donne, jusqu’aujourd’hui l’agence ne joue que le service d’une boîte à lettres.
Cent est le nombre de malades que l’État mauricien a accordé la prise en charge à l’Union des Comores. Chaque année 100 patients comoriens devraient bénéficier de soins gratuits à l’île Maurice. Une prise en charge limitée aux frais médicaux.
En 2018, le quota d’évacuation est atteint en octobre. Pourtant, 40 personnes seulement sont parties à Maurice pour se soigner. Ce qui veut dire que 60 autres, après accord, n’ont pas fait le déplacement, privant d’autres d’en bénéficier.
Avec la création de l’agence des médicaments et de l’évacuation sanitaire (anamev), ce n’est plus la direction de la santé, ni le ministère qui s’occupe des évacuations sanitaires (Evasan). Mais cette mission tombe sous la responsabilité de l’anamev à moitié. En effet, pour le moment, il ne sert que de l’aspect «technique». Selon son Directeur, docteur Fazul, «l’anamev, ne fait rien d’autre que d’envoyer le dossier à Maurice pour la prise en charge et recevoir la réponse». Actuellement, l’agence n’est qu’une boite à lettres entre la commission Evasan des Comores, le patient, et l’Evasan mauricien, seul pays qui a cette coopération médicale avec les Comores.
Selon Fazul, il n’y a que la commission composée de 6 spécialistes exerçant à l’hôpital El-Maarouf, qui attribue l’attestation d’évacuation. C’est sur leur déclaration que le dossier est déposé auprès de l’anamev. Cependant, aucun feed-back n’existe entre l’agence et la commission. «Nous n’avons aucun moyens de savoir, si les personnes que nous accordons les attestations d’évacuation partent ou non. Nous n’avons aucun retour, ni auprès de l’anamev, ni du ministère de la santé ni d’Evasan mauricien. La seule information que nous avons, c’est lorsque le quota est épuisé. On nous envoie une lettre pour nous mettre au courant» affirme le Docteur Moundhir membre de la commission.
A Maurice, les Comoriens se font soigner pour 18 pathologies, comme le cancer, la neurologie, les maladies cardiaques, intestinales, la chirurgie réparatrice, et autres.
Un manque cruel de matériel
Le docteur Moundhir explique que la plupart des bénéficiaires le font parce que les structures médicales du pays manquent cruellement d’équipements. Cependant, il affirme que «les dossiers que nous traitons nécessitent évidement une évacuation». Et d’expliquer, même si certaines pathologies peuvent être traitées par les praticiens comoriens. Mais «dès fois, nous nous heurtons, à l’instrumental. Ce qui est une évidence. Donc, nous sommes dans l’obligation d’accorder l’évacuation».
Les données de l’agence démontrent que la plupart des patients évacués sont atteints par des cancers. La plupart sont des femmes. En 2018 sur les 40 malades évacués, 16 femmes souffraient d’un cancer; soit du sein ou du col de l’utérus.
Tout sauf les nécessiteux
Dans la loi de finances, l’Etat comorien prévoit un budget alloué à l’évacuation sanitaire qui entre dans les dépenses du ministère de la santé publique. 40 millions est le montant prévisionnel de ces déplacements pour les patients qui n’ont pas les moyens de se prendre en charge. Néanmoins, l’État comorien n’offre que le billet, et rien de plus. L’hébergement, le visa et toute autre dépense en dehors du billet et des soins reviennent aux patients ou à la famille.
C’est un parcours de combattant qui attend quiconque sollicitant bénéficier des «sous» de l’État dans ce domaine. Entre l’attestation du ministère de la santé, le bordereau de décaissement des finances et le décaissement au budget. Pour ce faire, il faut avoir le cœur bien accroché. Selon le Ministère de la santé, certains perdent patience et choisissent de partir par leurs propres moyens et espérer le remboursement au retour. D’autres abandonnent totalement à force de faire des va et vient. Ils expliquent cette lassitude par «c’est l’administration, il faut être patient».
Pour preuve, l’année dernière, 67 personnes ont obtenu la fameuse attestation, donnant droit au billet au frais de l’Union. 28 ont pu récupérer l’argent auprès du ministère du budget. Selon le chef des services «dépenses» Chadhulie Maoulida, ce n’est pas tout le monde qui peut avoir accès à cet argent. Parce que «la plupart du temps , ce sont juste des personnes qui ont besoin d’argent. Dès fois ont leur donne. Dès fois, l’argent n’est pas disponible et dès fois, on rejette le dossier» explique-t-il. Et d’ajouter, «c’est un budget prévisionnel, ce n’est pas forcement de l’argent disponible».
Le quota de l’année dernière était épuisé dès le mois d’octobre. Le coût des 28 billets est de 8 million 960 mille, sachant que le déplacement Moroni-Maurice aller-retour revient à 320 mille francs comoriens. Au total, 40 personnes détentrices des attestations accordées par le ministère de la santé n’ont pas perçu les fonds pour le voyage.
Un constat accablant
Si l’anamev s’accorde à dire qu’il ne joue que le rôle de boite à lettres, le docteur Moundhir parle d’obligation due au manque d’équipements médicaux, le Ministère de la santé publique et le budget estiment que les personnes qui demandent l’Evasan ne sont pas vraiment dans le besoin, pourquoi ne prennent-ils pas les mesures adéquates?
Car le constat reste accablant. L’aide à l’Evasan, ne bénéficie pas à ceux qui sont dans le besoin. Certaines sources parlent même d’un marché lucratif, qui permet à certains fonctionnaires d’arrondir les fins du mois.
Non seulement, mais comment des ministres peuvent-ils bénéficier de l’évacuation sanitaire?
En effet un ancien ministre de la justice en a déjà bénéficié selon une source du ministère de la santé. C’est dans l’incompréhension totale, qu’elle nous raconte, «je n’en revenais pas lorsque j’ai vu ça. Un ministre qui demande l’évacuation sanitaire. Pire on la lui a accordé. Une fois à Maurice, il a demandé à être mis dans une chambre VIP. Mais l’hôpital a refusé. Normal, il a bénéficié de l’Evasan» s’insurge-t-elle.
Beaucoup de questions subsistent. D’abord silence radio, lorsqu’il s’agit d’obtenir le montant débloqué durant l’année sur l’évacuation sanitaire. Ni le Ministère de la santé, ni le Ministère de l’Économie ni celui du Budget n’ont voulu divulguer le chiffre exact, devenu subitement sensible. Chacun se trouvant des excuses. Et d’autres de déclarer, «le ministère de la santé qui peut vous donner les comptes». D’autres plus inventifs affirment que «ses chiffres doivent avoir l’autorisation pour être publiés au journal officiel du ministère de la santé».
Comment se fait-il qu’un service du budget peut se donner l’autorisation de choisir qui doit en bénéficier ou pas? Comment savent-ils si la personne est malade ou pas? «Nous sommes des comoriens, on se connaît» telle est la laconique réponse.
Aucune confiance, ni partage, ni travail collaboratif ne lie ces institutions compétentes. Chacun garde ses données jalousement, sans que les autres soient au courant. Pire, certains s’accusent mutuellement, que pour que l’argent soit déloqué la corruption doit se faire en chemin.
Toutefois, le plus ahurissant reste l’attitude de ceux qui font le serment de guérir. En effet selon une source anonyme, certains médecins bien placés se permettent d’effacer des patients pour inscrire d’autres.
Certes, l’anamev vient d’être créée, mais c’est une question de santé, pourquoi ne pas lui accorder les pleins pouvoirs? Et espérer ainsi que l’aide des évacuations sanitaires aille bien aux nécessiteux, vulnérables qui manquent de moyen.
Par Hayatte Abdou ©Masiwa komor
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