Malade en convalescence au Maroc, Ali Bongo, absent du Palais du bord de mer depuis deux mois, a peut-être prêté le flanc à la possibilit...
Malade en convalescence au Maroc, Ali Bongo, absent du Palais du bord de mer depuis deux mois, a peut-être prêté le flanc à la possibilité d'un coup d'Etat. Mais le président est bien en place après le «coup d’Etat le plus bref au monde», avorté par l’intervention des forces de sécurité. Avant lui, d’autres présidents encore en exercice sont passés à côté du renversement. La Tribune Afrique en retrace le récit de quelques-uns.
A la suite du coup d'Etat avorté au Gabon, le «plus bref au monde», La Tribune Afrique retraçait, dans une première partie (à lire ici), le destin de présidents africains encore au pouvoir après avoir échappé à une tentative. Avant Ali Bongo, voici la deuxième partie de ces homologues, toujours en place après avoir été à deux doigts de perdre définitivement le pouvoir..
Idriss Deby, la main invisible de la Libye
Il est arrivé au pouvoir en 1990 à la tête de troupes rebelles. Ceux qui nourrissaient l'ambition de le renverser lui ont emprunté sa technique. Le 1er mai 2013, Idriss Deby, alors en déplacement dans le nord du pays, échappe à une tentative de coup d'Etat. Celui est vite déjoué par les services de sécurité qui étaient sur la trace des insurgés depuis décembre 2012.
Tout commence par une brusque interruption des programmes de la radio-télévision tchadienne lorsque la présentatrice du journal cède le plateau au ministre de la communication. A 21 H, un jour férié et demi-finale de la Ligue des Champions, les Tchadiens sont tirés des écrans auxquelles ils sont scotchés.
«Aujourd'hui, 1er mai [2013], un groupe d'individus animés de mauvaises intentions ont tenté de mener une action visant à déstabiliser les institutions de la République. C'était sans compter les vaillantes forces de sécurité qui les surveillaient depuis décembre 2012 et les ont neutralisés ce matin», affirme Hassan Sylla Bakary, le ministre de la Communication dans une déclaration pesé au trébuchet lue à la télévision publique. Un calme apparent qui tranche avec l'agitation quatre heures plus tôt à quelques kilomètres de là.
Peu avant 17 heures, des échanges de tirs ont opposé des soldats de l'armée tchadienne à des insurgés aux abords de la caserne de Gassi, la base logistique des blindés de la Garde républicaine, mais aussi dans un quartier résidentiel de N'Djamena. Bilan de cette sérénade de tirs: huit morts et une quinzaine de blessés. De ce qui revient comme information dès les premières heures, les officiers envisageaient de partir de ces deux points pour tenter de renverser le régime en vain.
Le projet, suivi de près par les redoutables services secrets, est un échec pour les insurgés. Près d'une demie douzaine de personnes dont deux députés d'opposition notamment Saleh Makki sont arrêtés en violation de leur immunité parlementaire. Dans la foulée, des journalistes, des activistes sont également mis aux arrêts. La liste s'allonge les jours suivants. Muré dans un silence de marbre, Idriss Deby finit par accuser la Libye d'héberger des mercenaires tchadiens sur son sol. Ce que Tripoli dément avec véhémence.
Moussa Tao Mahamat, cerveau présumé de la tentative de déstabilisation, est en fait un rebelle multicarte, qui a écumé tous les mouvements insurrectionnels du pays. Lui et Ngaro Ahidjo, gouverneur de la région de Salamat ainsi que Khalil Alio, l'ex-recteur de l'université de Ndjamena, ont plus tard bénéficié d'un non-lieu. Beaucoup de commentateurs voyaient dans le coup de force, un faux coup d'Etat destiné à justifier la purge au sein de l'opposition et de la presse.
Salva Kiir, longue nuit dans le plus jeune Etat d'Afrique
Tout dans l'annonce de la tentative déjouée de coup d'Etat a été théâtralisé pour rendre compte de la gravité de l'heure. Ce lundi 16 décembre 2013 vers 07 H du matin, à peine les armes se sont que le président Salva Kiir, apparaît en commandant de troupes dans sa tenue militaire de camouflage. Les yeux rougeoyants de fatigue, il annonce avoir déjoué un coup d'Etat directement imputé à des forces fidèles à son rival et premier ministre révoqué en juillet, Riek Machar.
La nuit du 15 au 16 décembre 2013 fut sans doute l'une des plus longues du plus jeune Etat d'Afrique. Pendant 4 heures, Juba, la capitale du Sud-Soudan est pilonnée par les affrontements aux tirs de mortiers. Dans l'obscurité de la nuit, un groupe d'insurgés alliés à Riek Machar a tenté de s'emparer du QG de la SPLA», l'ex-rébellion sud-soudanaise devenue armée nationale à l'indépendance du pays en 2011.
A Juba, les habitants, calfeutrés, souvent cachés sous leur lit ou réfugiés dans l'enceinte des sièges d'institutions internationales, écoutent les chargeurs de mitrailleuses se vider entre les belligérants de cette guerre fratricide pour le pouvoir. Particulièrement meurtriers, les combats font 73 morts. Du côté des insurgés, c'est la débandade face à la riposte des loyalistes. L'armée sud-soudanaise lance la traque des rebelles. La tension est loin de retomber.
Un climat de terreur s'installe dans le pays avec l'arrestation d'une dizaine d'anciens ministres limogés en même temps que Riek Machar. La traque des rebelles nourrit la guerre civilo-ethnique entre les Dinkas et Nuers, groupes ethniques respectifs du président et de son rival. Les Occidentaux entament des opérations d'exfiltration de leurs ressortissants tandis que près de 120.000 Sud-Soudanais empruntent les routes du refuge vers les pays voisins. La guerre continuera malgré la signature d'un accord en mai 2014, sous la médiation de l'Ethiopie.
Les plaies du passé ne seront pansées qu'après un premier accord de cessez-le-feu signé en juillet 2018 à Khartoum, par laquelle, Salva Kiir accorde l'amnistie aux rebelles, après une guerre qui n'aura que trop duré. Cet accord sera le prélude à un partage du pouvoir qui restaure Riek Machar, connu pour ses renversements d'alliance, au poste de vice-président. La paix est scellée définitivement dans un accord de paix signé à Addis-Abeba en septembre 2018.
Mahamadou Issoufou, la deuxième houle qui secoue la barque du pouvoir
Dans la fraîcheur des nuits de décembre 2015, à moins de deux mois d'une présidentielle prévue en février, la barque du pouvoir a tangué à nouveau comme en 2011. Ce 17 décembre 2015 à la veille des festivités du 57ème anniversaire de l'indépendance, le président Mahamadou Issoufou est le visage qui apporte, dans une allocution télévisée, la nouvelle d'une tentative déjouée de coup d'Etat.
«Alors que toutes les institutions, qui en ont la charge préparent activement les élections [de mars 2016] afin que le peuple nigérien puisse faire son arbitrage dans la transparence, une poignée d'individus qui ont la tête dans les années 1960 ont décidé de substituer leur propre arbitrage à celui du peuple souverain», affirme le président, face caméra. Lui-même avait échappé à une autre tentative de putsch en 2011, révélée dans les mêmes circonstances
Dans la nuit du 14 au 15 décembre 2015, un important arsenal militaire et ainsi que des officiers ont été déplacés sans autorisation de la hiérarchie militaire. Mais les conjurés sont arrêtés avant de passer à l'acte. Parmi la dizaine d'officiers -et autant de civils- arrêtée, figurent Souleymane Salou, ex-chef d'état-major des armées sous le régime Salou Djibo, le lieutenant-colonel Idi Abdou Dan Haoua, commandant de la Base aérienne de Niamey ou le Commandant Naré Maidoka, chef du 1er Bataillon d'Artillerie de Tillabéri.
«L'objectif de ces individus animés par je ne sais quelle motivation était de renverser les institutions démocratiquement élues en utilisant les moyens mis à leur disposition par le peuple pour assurer sa sécurité», précise toujours le président qui devait se rendre à Maradi pour un anniversaire d'indépendance dans la sobriété. Le 18 décembre 2015, les putschistes envisageaient de profiter du retour du président pour procéder à son arrestation et à celui du chef de la Garde républicaine, les éliminer si en cas de résistance.
Le procès des putschistes qui s'est terminé en janvier 2018, s'est soldé par des peines de cinq à quinze ans de prison contre trois officiers de l'armée dont Souleymane Salou et le lieutenant Ousmane Awal Hambaly déjà impliqué dans un projet similaire en 2011.
Azali Assoumani, l'épreuve des assassinats ciblés
Pour parer la multiplication des coups d'Etat qui jalonne son histoire depuis les années 70, l'Archipel des Comores avait une recette anti-instabilité. Le pays avait instauré une présidence tournante entre les trois îles tous les 5 ans, sans possibilité de faire plus de deux mandats. Une règle balayée en juillet 2018 par une révision constitutionnelle contestée du président Azali Assoumani, revenu au pouvoir depuis 2016 après une présidence entre 1999 et 2002.
La contestation des résultats d'un référendum se fait dans une ambiance délétère à coup d'arrestations d'opposants au projet du président Azali Assoumani et même d'assignation à résidence contre les pourfendeurs de sa politique jugée « dictatoriale». Le décor est campé pour un renversement de pouvoir mais celui-ci échoue.
Tout commence avec l'arrestation le 9 juillet par des interpellations touts azimuts de personnalités de l'archipel. Dans le lot, plusieurs militaires du rang mais aussi l'écrivain Said Ahmed Said Tourqui dit Sast, Bahassane Said Ahmed, frère de l'ancien vice-président Djaffar Said Ahmed tombé en disgrâce. Sans lien prouvé, ils sont accusés d'avoir conspiré pour renverser le président comorien pour s'emparer du pouvoir.
Plus tard, août 2018, le Bureau du Procureur révèle que le projet de tentative de coup d'Etat présentait tous les traits d'une une «entreprise terroriste, organisée pour tuer, assassiner, certaines autorités de l'Etat, afin de pouvoir s'accaparer le pouvoir». Toujours selon le procureur, une liste de personnalités à neutraliser avait déjà été préparées parmi lesquelles, le ministre de l'Intérieur, le ministre des Finances, le chef d'état-major ainsi que le chef de corps de l'armée.
« Des banderoles avaient été déjà confectionnées en cas de victoire, et vous voulez dire qu'il n'y avait pas un coup en préparation», précise même le procureur. Au sein de l'opposition, on dénonce un projet préparé par le gouvernement pour tenter de faire passer la colère des manifestations contre le référendum qualifié de «retour en arrière constitutionnel».
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