Le procès des pauvres...

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Ils sont jeunes, Ils sont Anjouanais, Ils sont vendeurs à Volovolo, Ou le long des rues de la capitale, Certains sont peut-être m...

Ils sont jeunes,
Ils sont Anjouanais,
Ils sont vendeurs à Volovolo,
Ou le long des rues de la capitale,
Certains sont peut-être membres de Juwa,
Ils sont donc coupables.

A la barre, ces jeunes accusés, peut-être même présumés coupables, ont du mal à établir leur âge. 
Lui sait qu’il est né en 1968 et pense avoir 40 ans en 2018. 
L’autre affirme être venu au monde en 1982 et se donne 30 ans. Voilà qui décrit ceux qui se trouvent aux bancs des accusés. 

Ces jeunes lève-tôt, qui n’ont comme repère temporel que la cadence de leur labeur quotidien, au mieux le chant du coq et l’appel du muezzin, doivent entrer dans les détails de leur emploi du temps de ces jours qui ont précédé cette matinée du 30 juillet 2018.

Ce jour là un scrutin contesté se déroule dans l’archipel de la lune qui vit sans doute une des périodes les plus sombres de son histoire. Ce matin-là le régime craint des incidents. Il déploie donc gendarmes, policiers et militaires. 

Ce matin-là, à l’aube, Sanfil est tendu. C’est l’un des quartiers populaires d’une capitale en ébullition. 
Une bande de jeunes envahissent un bureau de vote. Du matériel de vote est saccagé et s’en suivent des heurts. 

Un gendarme aura la main coupée à l’arme blanche.

Le coupable est vite désigné, peut-être même pré-désigné: c’est le parti Juwa. Celui-ci aurait préparé le coup. Il s’opposait à l’organisation du référendum en plus son siège n’est qu’à quelques pas du bureau de vote saccagé: une preuve irréfutable pour ces enquêteurs qui très vite deviendront des véritables inquisiteurs d’Etat.

Des arrestations s’en suivent. 

Le profil des coupables est vite co-établi entre le ministère de l’intérieur et le parquet de Moroni.
« Anjouanais, marchands de rue ou vendeurs à Volovolo, membre du Juwa », sont les principales caractéristiques des coupables désignés. 

L’affaire « Radjabou » du nom de ce gendarme mutilé, est tristement exploitée. C’est une « aubaine » pour le gouvernement qui guettait le moindre prétexte pour décapiter les partis adverses. 

Ici c’est la tête du Secretariat Géneral du parti ami d’hier qui doit tomber. Ahmed Hassan Barwane, sans doute, l’un des plus virulents opposants au régime en place est vite placé aux arrêts. 
D’autres leaders du Juwa le suivront. Ce sont eux qui auraient organisé le coup, en sont convaincus les enquêteurs sur injonction du gouvernement. 

Du côté de la communauté Anjouanaise de la capitale, une véritable rafle s’opère. 
Des arrestations brutales se succèdent. Par dizaines ils sont entassés tantôt à la gendarmerie, tantôt dans les locaux du ministère de l’intérieur. Là bas on les frappe. Ici on leur arrache des dents. Il faut qu’ils avouent être membres du Juwa. C’est l’élément qui semble intéresser en priorité les enquêteurs. Certains craquent et dénoncent d’autres amis. 

Au milieu de ces jeunes qui atteignent désormais la vingtaine, les témoignages s’accumulent pourtant autour d’un homme. Le « coupeur de main » est formellement identifié par certains jeunes. 

Mais l’appartenance au parti Juwa semble plus préoccupante pour les enquêteurs que l’identité de celui qu’on appelle « Capitaine ». Il est pourtant présent dans la cellule mais ne sera jamais présenté au juge d’instruction, lui. 

Il disparaîtra curieusement et cruellement de la procédure !

Mais l’affaire Radjabou ne s’arrête pas à Sanfil. Elle ratisse large. On y accroche des arrestations de toutes sortes. Une seule critique à l’égard du président ou de régime et vous êtes inculpés dans « l’attentat » de Sanfil.


Debout, devant ces juges de la honte Cour de Sûreté de l’Etat, face au redoutable et détestable Commissaire du gouvernement, les pauvres jeunes hommes, successivement, se défendent. 
Seuls car leurs avocats ont déserté l’audience. Ces derniers ne veulent pas cautionner l’illégalité de ce procès. Ils fondent leur position sur l’illégitimité de cette Cour, mise en place immédiatement après l’acte de Sanfil. Une cour, disent-ils, de circonstances dont l’existence même est juridiquement illégale.


Alors les jeunes Anjouanais se débrouillent, certains maladroitement mais avec une sincérité qui émeut.


Leurs voix raisonnent du fond de ces hauts parleurs installés à l’extérieur d’un palais de justice, incapable de contenir toute cette foule venue nombreuse, suivre le procès des pauvres. 


Chacun de ces jeunes accusés y va de sa façon de s’exprimer. 
Ils se défendent tant bien que mal. 
Ils décrivent les horreurs de la torture subie, ou plutôt ils tentent de le faire car le président de la cour qui mène l’interrogatoire ne veut pas les laisser mettre à nu cet horrible traitement dont ils ont fait l’objet. 
Il ne veut pas laisser Soular, un des jeunes accusés, raconter comment il s’est fait arracher une dent. 
Il ne veut surtout pas qu’un autre décrive le goût de jus de pisse qu’on lui a fait boire. 
Il empêche un autre encore de dévoiler comment on l’a obligé à patauger dans ses propres excréments. 


Le président ne veut rien savoir qui ne concerne l’appartenance ou non au parti Juwa. 
Ce qui l’intéresse c’est de savoir s’ils sont vendeurs à Volovolo. 


Oui, dans cette discrimination rampante à l’égard de la jeunesse anjouanaise vivant dans la capitale, sans doute la tranche de la population la plus active de l’archipel, ces jeunes vendeurs de rue, que le président de la République désigne, non sans dédain, « pousseurs de brouettes », ne sont pour certains que des voyous, des barbares, des tueurs potentiels. 


Voilà en tout cas comment le régime azaliste remercie leurs villes d’origine: Niamboimro, Bimbini, Mjimandra, Mrijou, Boungoueni..., ces villes qui ont qualifié Azali au 3ème tour de cette élection de 2016. 


Dehors la compassion des auditeurs est palpable. 
Elle atteint le degré des larmes quand le jeune Bacari Bouroi, raconte son arrestation. 
Lui était parti acheter des médicaments pour sa femme malade. On lui tend un piège digne des méthodes de la Gestapo. 
Il se retrouve à la gendarmerie. 
Il subira une torture qui veut le faire appartenir au parti Juwa. 
Il ne cédera pas, tout au plus il tentera de se faire passer, en vain, pour un membre du CRC, le parti au pouvoir. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour sauver sa tête? 


Il passera comme les autres quatre mois en prison. Quatre mois qui furent d’autant plus longs pour Bacari Bouroi que sa femme était enceinte. « Ma femme vient d’accoucher pendant que j’étais au Magobani (en prison) lance-t-il la voix émue face à un juge impassible qui n’hésite pas à l’interrompre sans le moindre ménagement. 


Bacari Bouroi sera relaxé ainsi que huit ou neuf autres à l’issue du procès. 


Tous auront passé quatre longs mois en prison alors que « kawahiba , kawarapva, kawa wuwa » (ils n’ont ni volé, ni tué ).


Certains poursuivront leur détention qui n’est plus provisoire. 
Ils prendront entre douze mois et vingt ans. 
Vingt ans pour Soular, ce porteur de couteau. 


Mais en attendant le coupeur de main désigné, court toujours, protégé par une immunité inexplicable ou plutôt inexprimable si ce n’est inavouable...


Par Said Idriss

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