Nos parlementaires, de piètres négociateurs Proposition ambitieuse pour Mayotte La France et les Comores tiennent à affirmer leur...
Nos parlementaires, de piètres négociateurs
Proposition ambitieuse pour Mayotte
La France et les Comores tiennent à affirmer leur volonté d’engager, ensemble, une nouvelle dynamique de partenariat. A ce titre, des mesures arrêtées d’un commun accord feront l’objet d’un document-cadre qui sera signé à la fin du mois de novembre 2018.
Afin d’atteindre cet objectif, qui impacte le département de Mayotte, le dialogue se déroule en concertation avec les parlementaires mahorais. Le cadre des discussions est donc tripartite, aussi les élus mahorais doivent veiller à ne pas être embarqués dans un marché de dupes où ils seraient au final les dindons de la farce.
Afin d’atteindre cet objectif, qui impacte le département de Mayotte, le dialogue se déroule en concertation avec les parlementaires mahorais. Le cadre des discussions est donc tripartite, aussi les élus mahorais doivent veiller à ne pas être embarqués dans un marché de dupes où ils seraient au final les dindons de la farce.
C’est le risque pourtant qui se dessine au regard du communiqué diffusé conjointement par les ministères des affaires étrangères français et comorien. Dans ce texte rédigé par les diplomates du Quai d’Orsay, on y parle du développement des Comores, nullement de celui de Mayotte. De ce fait, et pour beaucoup d’observateurs mahorais, la négociation paraît avariée, « il y a un ver dans le fruit » comme on dit. Ce qui semble bien être le cas si l’on se rapporte aux écrits des spécialistes de l’art de la négociation. Les experts du domaine font en effet la distinction entre deux approches que voici.
Négociation de positions versus négociation raisonnée
D’une part, la « négociation de positions » : ce qu'expriment les parties. On examine dans ce cas le passé. D’autre part, la « négociation raisonnée » : ce que désirent réellement les parties. On se focalise dans ce registre sur l'avenir. Or, d’après le témoignage du député Mansour Kamardine (LR), publié sur les réseaux sociaux, l’objectif du conclave serait l’élaboration d’une « feuille de route » visant à régler « le contentieux de la souveraineté française sur Mayotte ».
On peut dire dans ce contexte, que la France et l’Union des Comores veulent régler un compte avec le passé colonial. Objectif louable entre deux nations qui partagent une histoire commune, mais qui, en l’occurrence, ne concerne pas spécifiquement Mayotte. Les élus mahorais abordent, eux, la discussion dans un tout autre état d’esprit. Ils veulent assurer la sécurité sur leur territoire maintenant et durablement, ils s’inscrivent donc dans le présent et regardent vers l’avenir.
On peut dire dans ce contexte, que la France et l’Union des Comores veulent régler un compte avec le passé colonial. Objectif louable entre deux nations qui partagent une histoire commune, mais qui, en l’occurrence, ne concerne pas spécifiquement Mayotte. Les élus mahorais abordent, eux, la discussion dans un tout autre état d’esprit. Ils veulent assurer la sécurité sur leur territoire maintenant et durablement, ils s’inscrivent donc dans le présent et regardent vers l’avenir.
Selon les experts, la négociation de positions n'aboutit généralement pas à un bon accord, car elle encourage « l'obstination et nuit aux relations entre les parties ». La négociation raisonnée, aussi appelée « gagnant-gagnant », vise, en revanche, à ce qu'un accord jugé équitable par tous soit adopté sans avoir recours à « des moyens de pression ou à des astuces particulières », au terme d'un processus d'écoute mené dans le respect des personnes. Puisque l'un cherche à gagner et l'autre à ne pas perdre, comment pourraient-ils gagner tous les deux en même temps ?
La base du gagnant-gagnant est de trouver une solution qui apporte à chacun plus que ce qu'elle ne lui coûte. En négociation commerciale, on ne cherche pas à faire gagner l'autre, on cherche à gagner soi-même. On le fait sans complexe parce que l'on sait que notre interlocuteur fait la même chose de son côté et que le résultat de cette double démarche sera forcément un accord du type gagnant-gagnant.
Défendre les intérêts supérieurs de Mayotte
Un accord proportionné est un accord par lequel chaque partenaire se préoccupe aussi de l'intérêt de l'autre, d'une façon également favorable à son propre intérêt. La France et l’Union des Comores veillent dans cette discussion à leurs intérêts respectifs. Ceux de Mayotte sont curieusement absents.
Le présupposé de l’accord-cadre franco-comorien est d’affirmer que la lutte contre l’immigration clandestine apaisera le climat social à Mayotte et les tensions intercommunautaires. Cela est vrai. Elle améliorera la coexistence pacifique et le vivre-ensemble. Mais le département a des intérêts supérieurs qui méritent de figurer aux pourparlers.
Des intérêts vis-à-vis de la France : souveraineté, sécurité, développement, rayonnement international.
Des intérêts vis-à-vis de l’Etat comorien : échanges inter îles, coopération régionale, codéveloppement.
Ces thématiques doivent figurer dans l’accord-cadre, avec des mesures spécifiques pour Mayotte.
Vis-à-vis de la France, trois mesures doivent être actées :
- abrogation du titre de séjour territorialisé pour les ressortissants comoriens et application du droit commun :
- financement des investissements structurants (port, aéroport, énergie, base navale, contournement de Mamoudzou…) ;
- changement de l’indicatif téléphonique 0269 ;
- pouvoir conféré au président du Conseil départemental pour signer des accords de coopération et des conventions d’entraide avec les pays frontaliers.
Vis-à-vis de l’Union des Comores :
- renonciation à la revendication territoriale sur Mayotte,
- retrait de la mention de Mayotte dans la Constitution comorienne :
- arrêt des résolutions de l’ONU, de l’OUA et de la Ligue arabe condamnant la présence française à Mayotte :
- , levée du véto comorien sur l’intégration de Mayotte dans la Commission de l’océan Indien :
- participation de la délégation de Mayotte aux jeux des îles avec les couleurs de la France :
- relance de la coopération transfrontalière.
Ils ont choisi les moyens, choisissons les buts
Négocier, c'est s'affronter sans violence...
Le premier conseil utile qu'il faille donner à tout négociateur est simple : n'entrez jamais en négociation avant de savoir quelle sera votre position si celle-ci échoue et quelle solution de repli vous allez choisir à ce moment-là. Négliger ce conseil équivaut à sous-estimer vos interlocuteurs et peut amener certaines situations très inconfortables tout simplement parce que vous ne les avez pas prévues.
Le deuxième conseil est fondamental : ne confondez jamais tactique et stratégie ! La tactique est la science des moyens ; la stratégie, la science des buts. Ne confondez pas les buts et les moyens. Vous avez un but et, pour l'atteindre, vous pouvez employer plusieurs moyens, dont la négociation. Fixez-vous toujours des buts, car ne pas savoir ce que l'on veut est une des plus sûres manières de ne jamais l'obtenir.
Choisir les buts, c'est définir une stratégie. Choisir les moyens, c'est élaborer une ou plusieurs tactiques.
L’Etat comorien a choisi les moyens de peser dans la négociation : instrumentaliser l’immigration clandestine pour déstabiliser Mayotte et obtenir en retour des engagements de la France ; ressusciter le contentieux colonial pour raviver le sentiment patriotique dans une nation comorienne menacée par les mouvements séparatistes ; menacer la France de poursuites pour occupation illégale de Mayotte devant les instances onusiennes, européennes, arabes et africaines afin de s’assurer du soutien des partenaires bilatéraux, de la communauté internationale et des bailleurs de fonds. Cette tactique de négociation rituelle a fait ses preuves dans l’histoire et les autorités comoriennes n’entendent pas en changer car elle rapporte en termes financier, d’unité nationale et d’influence diplomatique.
La France elle aussi a choisi les moyens cyniques pour parvenir à ses fins de domination : instrumentaliser l’immigration clandestine et la libre circulation des biens et des personnes pour des raison diplomatiques; freiner le développement de Mayotte pour ne pas creuser le fossé avec les Comores; renforcer la politique de naturalisation des ressortissants comoriens dans un esprit de recolonisation de l’Union des Comores. Ces tactiques éprouvées par les gouvernements successifs s’avèrent déstabilisantes à la fois pour les Comores et pour Mayotte, elles ont montré leurs limites et leurs effets nocifs pour le progrès des quatre îles, d’où un nouveau round de négociations scellées par un énième « accord-cadre ».
Ils ont choisi les tactiques, choisissons la stratégie
Les parlementaires mahorais savent que la négociation est un des moyens prioritaires pour parvenir à un but. Mais ils sont partis discuter sans munirions, sans dossier ficelé à l’avance. D’où leur handicap face à deux états conscients de leur supériorité relative. Entrer en négociation signifie déjà que des concessions seront admises de part et d'autre afin de parvenir à un accord, et pour ces raisons certains refusent de négocier. Cette attitude doit toujours être considérée comme négative et il est normal de la rejeter.
Nous l'avons déjà dit, une négociation se prépare avec soin. Préparez les faits, les chiffres, les arguments, les objections, les réponses aux objections. Bien négocier, c'est bien prévoir et souvent la partie qui s'en sort à son avantage est celle qui a le mieux prévu le futur déroulement d'une négociation.
Si vous désirez progresser dans l'art de négocier, exercez-vous à la pratique. Un habile négociateur affine et travaille ces techniques, apprend de nouveaux « coups », de nouvelles « parades » et les met en pratique. Le parallèle le plus judicieux est celui du jeu d'échecs.
N’ayant pas les moyens de pression, de rétorsion et de coercition d’un état machiavélique, en dehors des manifestations populaires contre l’immigration clandestine qui paralysent l’économie mahoraise, mettent l’île sous tensions intercommunautaires et donnent une image honteuse de la France, il ne reste à Mayotte que les buts pour affirmer sa singularité et la stratégie pour défendre le territoire et ses intérêts propres.
Les buts, c’est la reconnaissance internationale du statut de l’île ; la maîtrise des flux migratoires ; la sécurité des biens et des personnes ; le progrès contant.
La stratégie, c’est l’émergence de Mayotte et l’ouverture au monde, ce qui implique à la fois la prise en compte des intérêts mahorais dans les négociations de l’accord-cadre franco-comorien et le vote au Parlement français d’une loi de développement économique, social et culturel de Mayotte, seul moyen de stabiliser l’île, de renouer avec l’attractivité, d’attirer les investissements, de créer des emplois dans tous les secteurs d’activités (industrie, commerce, agriculture, pêche, aquaculture, BTP, artisanat, numérique), d’aménager le territoire avec les concours des financements européens, de construire la paix sociale.
Notre ambition, faire de Mayotte un phare dans l’océan Indien, la sentinelle de la France et de l’Union européenne dans le canal du Mozambique et l’Afrique australe, un territoire de l’innovation, porteur des valeurs universelles.
Par Zaïdou Bamana
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