Lettre à mon frère Sast Tourqui Je pense à toi. Je ne le dis pas assez. Par peur. Par peur de la moto. Par peur des représailles. Tu ...
Lettre à mon frère Sast Tourqui
Je pense à toi. Je ne le dis pas assez. Par peur. Par peur de la moto. Par peur des représailles. Tu es dans un coin de mon coeur. Tout le temps. Tu n'as plus peur de la moto, toi, n'est ce pas?
Dehors, on a peur. Tout le temps. On s'active comme on peut mais on est bien peu de choses. Bien peu de choses face à l'arbitraire, à ces chaînes qui te tiennent éloigné de nous.
Dehors, on a honte d'avoir peur. Honte de se cacher pour murmurer ton nom. Honte de se dire qu'il vaut mieux ne pas citer ton nom au téléphone parce qu'il pourrait que l'on soit sur écoute.
Sast, la vie est bien triste. Toi qui aimais faire de la moto, toi qui aimais affronter le vent en roulant à tombeau ouvert, tu vis confiné dans une cage. C'est triste. C'est d'une tristesse.
Toi, si proche mais finalement si insaisissable ( à mes yeux ) est privé de l'air de Moroni, de Bahani, de Mitsamihuli. Et de Moheli et d Anjouan et de Mayotte. De l'air de l'homme libre que tu n'as jamais cessé d'être.
Et cette obscurité dans laquelle tu es plongé, qu'il fasse soleil ou lune est intolérable. Intolérable pour nous qui sommes dehors. Toi tu es fort, tu survis à cela comme tu l'as fait pour pleins d'autres choses.
Je sais que dans ta tête, en attendant la rame de feuilles et du stylo et la lumière , tu écris le roman de ta vie. Cette expérience douloureuse, déshumanisante, tu en feras quelque chose de bon, j'en suis convaincue.
Mon frère, je pense à toi tout le temps. Espère te voir. Libre et insouciant. Avec ton sourire en coin. Encore plus libre qu'aujourd'hui.
Pardonne mon silence. La moto. Pardonne mon absence. La moto.
Par aïza Soulé Youssouf
COMMENTAIRES