Il y a quatre ans, en mai 2014, les prisonniers de la maison d'arrêt de Moroni avaient protesté contre leur condition de détention. I...
Il y a quatre ans, en mai 2014, les prisonniers de la maison d'arrêt de Moroni avaient protesté contre leur condition de détention. Ils avaient publié une lettre qu dénonçaient la surpopulation carcérale, l'insuffisance des toilettes et des repas servis...La maison d'arrêt de Moroni, a une capacité d'accueil de près de 80 détenus. Ces capacités sont de nos jours largement dépassées. La plupart de ces détenus sont en détention provisoire pour des simples délits.
Cette population carcérale, essentiellement jeune et masculine est mélangée avec des dangereux criminels qui sont parfois condamnés à mort. Elle est victime de menaces, d’agressions physiques et parfois de viols. Les détenus sont entassés par centaine sur des locaux non aérés et dorment á même le sol. Certains n'arrivent même plus à dormir faute de place. Les conditions de vie de cette maison d'arrêt de Moroni sont inhumaines et doivent interpréter la conscience de nos autorités et de chacun d’entre nous. Comment notre société peut-elle accepter que des êtres humains soient réduits à l'état sauvage par ce qu'ils ont juste le malheur d'avoir été incarcéré parfois sans jugement ?
La maison d'arrêt de Moroni, est une vieille bâtisse qui date de la période coloniale. Elle est située à Moroni à côté du camp de la gendarmerie à l'entrée du quartier de Dawedju. Depuis plusieurs années, les taches de gardiennage de ce bâtiment vétuste sont assurées par une société privée SECURICOM. Cette société, assure la surveillance de la maison d'arrêt 24h sur 24. Elle a un contrat avec le Ministère de la Justice. La responsabilité de la maison d'arrêt est assurée par un Gardien en chef assisté d'agents pénitentiaires recrutés au sein de la police.
La Maison d'arrêt comporte deux quartiers situés côte à côte et dotés de deux entrées distinctes. Le premier quartier est réservé aux détenus dangereux condamnés pour crimes ou délits. Il comporte trois chambres repartis entre les personnes âgées et des jeunes dont quelques mineurs, mélangés avec des adultes. A l'entrée de ce quartier se trouvent les cachots exigus à l'odeur nauséabonde qui ne disposent pas de fenêtres. Ces cachots accueillent depuis quelques semaines, certains prévenus accusés de tentative de coup d’état. Ce quartier comporte deux « toilettes ». Plusieurs détenus utilisent des sachets en plastique pour faire leurs besoins le soir et ces sachets sont empilés dans un coin qui jouxte l'unique espace des jeux de la maison d'arrêt.
L'autre quartier comporte les détenus les moins dangereux avec à l'intérieur de la cour une mosquée. Juste à côté, avec une entrée distincte, un petit local qui sert de cellule pour les détenus VIP. Au bout de la prison, se trouve le quartier pour femme qui comporte une seule pièce et des toilettes non éclairées. Tous ces bâtiments sont en état de [next] délabrement total avec des fuites d'eau partout qui fragilisent les fondations et les toitures de ces bâtiments construits avec de la chaux et du sable de mer. La maison d'arrêt ne dispose pas de parloir. Les détenus se tiennent debout à l'entrée des quartiers, derrières les grillages pour les visites rituelles.
C'est un scandale pour notre pays, une insulte pour notre conscience collective et notre foi. Nos dirigeants doivent avoir le courage d'engager très rapidement des travaux de réfection pour éviter la déshumanisation et la mort lente de nos détenus. Le Chef de l’Etat doit promulguer le nouveau code pénal de 2014 qui a prévu des sanctions alternatives à la prison, comme les travaux d'intérêt général. Nos prisonniers sont avant tout des êtres humains.
Pour rappel, l’ ancien Ministre de la justice et actuel Président de l’ Assemblée de l’ Union avaitprésenté en Conseil des Ministres le 9 juillet 2014, le déroulement de l’Examen Périodique Universel (EPU) de l’Union des Comores pour la période 2014.L'Examen périodique universel est un mécanisme qui permet au Conseil des droits de l'homme d’examiner, sur une base périodique, si chacun des 193 États membres des Nations Unies respecte ses obligations et engagements en matière de droits de l'homme. L'EPU se fonde sur trois documents :
- · un rapport national établi par l’État soumis à l’examen ;
- · une compilation de renseignements, dont dispose l’Organisation des Nations Unies sur l'État soumis à l'examen, établie par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) ; et
- · un résumé des contributions écrites soumises par d'autres parties prenantes (y compris des membres de la société civile), également établi par le HCDH.
L’examen a lieu à Genève lors d’une session du Groupe de travail sur l’EPU qui est composé des 47 États membres du Conseil des droits de l’homme. L’examen prend la forme d’un dialogue entre l’État soumis à l’examen et les États membres et observateurs du Conseil.
Les Comores ont établi un rapport pays et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH a élaboré un autre rapport basé sur les informations fournies notamment par le Groupe Thématique Genre et Droits Humains du Système des Nations Unies aux Comores pour le compte de l'équipe pays.
Selon la note en conseil des Ministres présentée par le Ministre de la justice le 9 juillet 2014, sur 134 recommandations formulées lors de l’EPU des Comores en janvier 2014, 9 seulement ont été refusées et 123 ont été acceptées au final à l’issue de la validation finale de ces recommandation le 19 juin 2014 à Genève.
Plusieurs recommandations ont été acceptées par les Comores notamment celles qui concernent les conditions de détention :
- · Prendre des mesures pour améliorer les conditions de détention et renforcer l’indépendance des mécanismes de contrôle. Il faudrait s’attacher en particulier à définir des solutions de rechange à l’incarcération et privilégier la réinsertion sociale des détenus (Allemagne);
- · Prendre des mesures pour améliorer les conditions carcérales, en particulier dans les domaines de la nourriture et de l’assainissement, et veiller à ce que les droits des prisonniers soient respectés conformément aux normes du droit international (Mexique);
- · Améliorer les conditions de détention afin qu’elles soient compatibles avec le respect de la dignité des prisonniers (Madagascar);
- · Améliorer les conditions de détention conformément aux obligations internationales et faire preuve d’une plus grande souplesse pour autoriser l’accès des organisations de défense des droits de l’homme et des organisations humanitaires aux centres de détention (États-Unis d’Amérique);
- · Réexaminer les droits des détenus et les conditions dans les prisons locales et les centres de détention afin qu’ils soient conformes aux normes internationales, en particulier en ce qui concerne les délinquants mineurs (Australie);
- · Étendre les mesures destinées à améliorer les conditions de détention des mineurs à la maison d’arrêt d’Anjouan ainsi qu’aux établissements de Moroni et Fomboni, et mettre en place des équipements pour la prise en charge des enfants victimes de sévices sexuels (Djibouti);
Ces recommandations acceptées par le pays, n’ont pas été suivies d’effet. Le prochain Examen Périodique Universel (EPU) de l’Union des Comores est programmé au début de l’année 2019.
Publié par ComoresDroit
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