[On est mercredi. Mercredi, c'est au nom du droit. Voici "Armageddon", la chronique du jour. Celle qui n'a pas été publ...
[On est mercredi. Mercredi, c'est au nom du droit. Voici "Armageddon", la chronique du jour. Celle qui n'a pas été publiée. La chronique que vous ne lirez jamais. Ma dernière, peut-être...]
ARMAGEDDON
Détrompez-vous, dès le début, c'était nous contre nous. D'ailleurs demain, ce le sera encore. De ce simulacre, ne cherchez pas de vainqueur ! S'il en est un, il n'est pas dans le peuple souverain. Celui-ci n'était même pas là. Mais il a suffi de quelques unités pour défaire la Constitution de tous. Le pacte social a volé en éclat. Les institutions ont rendu l'âme et la raison a quitté nos gouvernants et les opposants. Pire, de ce chaos a surgi la barbarie.
Il faut condamner. Cagoule et arme blanche n’ont rien à faire dans un bureau de vote. Gageons qu’elles n’ont rien à faire nulle part. Ce n'eut jamais été le cas si le droit avait été observé. Pour cause, c'est sa mission première. Le Droit pose des règles communes à tous, il pacifie les rapports politiques, atténue les compétitions électorales et oriente les ambitions personnelles dans le sens de l'intérêt général. Retirez le Droit et la violence des relations humaines reprend le dessus. C'est la République qui tangue. Elle tangue jusqu'à rompre. La République supporte mal la loi du plus fort.
Pourtant notre Constitution, celle de l'Union, avait mis tout en place pour éviter une telle dérive. Elle n'était pas parfaite, mais du moins n'était-elle pas mauvaise. Le peuple choisissait ses dirigeants et la représentation nationale avait un droit de regard fut-il minime. Le pouvoir législatif en été vraiment un. Il proposait et votait les lois. Il contrôlait et sanctionnait les membres du gouvernement. La Constitution placée sous la protection du juge constitutionnel et l'autorité judiciaire érigée en gardienne des libertés individuelles. Mais à y regarder de près, les grands signes de cette apocalypse institutionnelle étaient clairs pour quiconque est animé de bonne foi.
Le juge constitutionnel rendait des arrêts, mais l'exécutif [next] refusait de les exécuter. Un conseil de l'île était amputé d'un membre déchu, mais le président n'a pas cru bon d'organiser une élection de remplacement. La cour constitutionnelle non renouvelée, le chef de l'État a trouvé plus expédient de précipiter sa fin. L'Assemblée a ouvert une session, l'a fermé sans qu'elle ne trouvât à siéger. Les inquiétudes exprimées sévèrement muselées au mépris des droits et des libertés. On a même vu l'administration prendre le dessus sur l'autorité judiciaire, jusqu'à ordonner des mesures privatives de libertés. L'opposition n'est pas en reste, aveuglée par la politique, elle a oublié le droit. Sa place était dans l'hémicycle, elle n'a fait que battre le pavé. Ça ne suffit pas.
Tout ceci, deux années durant sans discontinuer. Le référendum de lundi étant le dénouement. Le train d'enfer que rien n'a pu dérailler a atteint sa destination finale. Nous voici désormais dans une République du paradoxe. C'est un article de l'ancienne constitution qui a servi à en faire une nouvelle. C'est une minorité qui a défait le contrat social de la majorité. C'est la même cour constitutionnelle qui a validé l'élection du Président de l'Union actuel mais qui est jugé incompétente par ce dernier. C'est la victoire d'un oui qui ne se fête nulle part. Et la défaite d'un non, au gout amer chez ceux qui prônaient le boycott. C'est surtout une nouvelle République avec une constitution très peu républicaine, clivante et exclusive.
Mais gardez en tête que c'est aujourd'hui la Constitution de la République. Alors, restez des républicains. Prônez l'ordre et réclamez la justice. Ne cédez pas aux sirènes de la division de cette nouvelle constitution. Nous sommes une nation de la diversité. Soyez tolérant face à qui l'on vous dit venir d'une autre île, nous sommes tous comoriens. Soyez le face à qui l'on vous dit croire en Dieu différemment, personne ne sait lire les poitrines. Un jour, l'occasion vous sera redonnée de corriger le tir. De toute façon, l'on ne peut jamais faire l'État contre le peuple. Ne perdez pas l'espoir de l'État de droit.
Armageddon a bien eu lieu. Mais du bon côté du front, on ne perd jamais. On se repli mais on ne se rend jamais...
Par Mohamed Rafsandjani
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