Certifié copie conforme à la constitution capverdienne Pendant plusieurs jours, comme beaucoup de mes collègues juristes, j’ai décorti...
Pendant plusieurs jours, comme beaucoup de mes collègues juristes, j’ai décortiqué, pesé et soupesé, le projet de révision de la Constitution de l’Union des Comores qui sera soumis au vote le 30 juillet prochain.
L’édition du 9 juillet de Massiwa vous présente d’ailleurs la première partie de l’analyse textuelle du projet constitutionnel, la seconde devant paraître prochainement. Au moment de sa relecture, j’ai subitement pris conscience d’un fait : ce texte m’était familier.
En effet, la première partie du projet dit de révision de la Constitution n’est qu’un vulgaire plagiat de la Constitution de la République du Cap-Vert du 14 février 1981, révisée en 1992.
Quelques extraits choisis nous permettent de nous en apercevoir assez facilement.
Ainsi, l’Article 1 du projet de révision dispose que : « L’Union des Comores est une République souveraine, unitaire et démocratique qui garantit le respect de la dignité des personnes et reconnaît l’inviolabilité et l’inaliénabilité des Droits Humaines comme fondement de toute communauté humaine, de paix et de justice ».
C’est à la virgule près que ce premier article est une copie de [next] l’Article premier de l’ancienne constitution de la République du Cap-Vert. Celui-ci dispose également que : « Le Cap-Vert est une République souveraine, unitaire et démocratique qui garantit le respect de la dignité des personnes et reconnaît l’inviolabilité et l’inaliénabilité des droits de l’homme comme fondement de toute la communauté humaine, de la paix et de la justice ».
On pourrait croire à une simple coïncidence, n’eût été la suite.
Le deuxième article du projet comorien nous informe que : « L’Union des Comores reconnaît l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction de race, de sexe, de religion, de conviction politique, et assure la pleine jouissance des libertés fondamentales pour tous les citoyens ».
Revenons à version originale cap-verdienne :
« La République du Cap-Vert reconnaît également l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction de race, de sexe, de religion, de conviction politique ou d’idéologie, indépendamment de leur origine sociale et de leur situation économique, et assure la pleine jouissance des libertés fondamentales pour tous les citoyens ».
Vous n’êtes pas encore convaincus ? Poursuivons donc. L’article 4 de la version comorienne nous énonce que : « L’État se soumet à la Constitution, s’appuie sur la légalité démocratique, respecte et fait respecter les lois.
Le Cap-Vert énonce quant à lui dans l’article 3 alinéa 2 de sa Constitution que: “L’État se soumet à la Constitution et s’appuie sur la légalité démocratique, il doit respecter et faire respecter les lois”.
Vous souvenez-vous de l’article 5 de la proposition de constitution comorienne ? Il édicte le principe selon lequel “Sont citoyens comoriens tous ceux qui sont considérés comme tels par la loi ou en vertu d’une convention internationale”.
Étrangement, l’article 5 du texte cap-verdien pose le même principe :[next] “Sont citoyens capverdiens tous ceux qui sont considérés comme tels par la loi ou en vertu d’une convention internationale”.
Si cela ne suffit pas à démontrer le plagiat, poursuivons la présentation.
L’article 7 de la version comorienne dispose que : "L’Union des Comores détient des droits souverains en matière de conservation, d’exploitation et de mise en valeur des ressources naturelles vivantes ou non dans sa zone contiguë, dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental tel qu’elles sont définies par la loi, et a compétence sur ces régions, en vertu du droit interne et des règles du droit international.
L’État ne peut aliéner aucune parcelle du territoire national ni aucun des droits souverains qu’il exerce sur celui-ci”.
La version cap-verdienne dispose en son article 6 : L’État du Cap-Vert détient des droits souverains en matière de conservation, d’exploitation et de mise en valeur des ressources naturelles vivantes ou non dans sa zone contiguë, dans la zone économique exclusive et sur la plate-forme continentale telles qu’elles sont définies par la loi, et a compétence sur ces régions, en vertu du droit interne et des règles du droit international.
L’État ne peut aliéner aucune parcelle du territoire national ni aucun des droits souverains qu’il exerce sur celui-ci ».
Et ainsi de suite. Il est, à présent inutile de poursuivre ce copier-coller. Relisez l’article 8 sur les missions fondamentales de l’État, l’article 9 sur les symboles de l’État, le [next] Chapitre sur les relations internationales, le contenu du titre II sur les droits et devoirs des citoyens, toutes les dispositions de l’article 1 à l’article 51 sont non pas une simple inspiration, mais bien une copie d’un texte constitutionnel qui posait les jalons d’un autre État.
Joseph de Maistre disait : « Une Constitution qui est faite pour toutes les nations n’est faite pour aucune ». Il contestait ainsi l’universalisme en matière constitutionnelle.
La Constitution est la carte d’identité de notre Nation, de notre Peuple, de notre État. Elle ne saurait être une copie d’une autre identité. S’il existe des principes qui sont certes fondamentaux et universels, il n’en demeure pas moins que le peuple comorien mérite davantage que ce qui nous est servi. Si on devait noter votre copie, Monsieur le Constituant, nous dirions : cessez de copier sur votre voisin et revoyez votre copie.
Maliza Saïd Soilihi, Doctorante en droit constitutionnel ©Masiwa komor
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