Mohamed Ali Mmadi communément connu par le surnom Digera était un des ces hommes que l’histoire s’offre le devoir d’illustrer dans ses plus...
Mohamed Ali Mmadi communément connu par le surnom Digera était un des ces hommes que l’histoire s’offre le devoir d’illustrer dans ses plus belles pages.
Je l’ai vu pour la première fois à Fomboni en 1976, assis sous un manguier avec une allure imposante. Je faisais partie d’un groupe des jeunes révolutionnaires invités à Mwali par le président Ali Soilihi pour suivre une formation en communication de développement. C’était à la résidence du Directeur de la société coloniale Bambao devenue Présidence de la toute jeune République à Fomboni. Aussitôt descendus du véhicule militaire venu nous chercher à Bandar Salam, nous avons remarqué qu’un petit groupe d’adultes était assis sous le manguier l’air très sérieux.
Nous sommes allés les saluer avant d’être reçus par le président qui avait fini de s’entretenir avec des paysans sur la réforme agraire qui allait être mise en œuvre. On nous a appris que c’était un groupe d’officiers militaires français d’origine comorienne rentrés au pays pour participer à l’édification de l’Etat Comorien en chantier. Mohamed Ali Digera était donc rentré au pays pour contribuer à l’édification de l’Etat.
Très discret, je l’ai rencontré quelques années après la chute de la révolution et dans la clandestinité. Il nous organisait avec une conscience impressionnante pour mener la lutte contre les mercenaires par une technique de combat qu’il appelait
« Combat par Vases communicantes». C’est cette technique efficace qui nous a évité d’être pris souvent par l’armée des mercenaires et par dénonciation des mapitsi ( les indicateurs de la police).
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Mais Digera menait en même temps, une vie de dirigeant militant sur plusieurs fronts organisationnels. Il a initié le mouvement scout avec une discipline qu’on pourrait dire militaire en inculquant des valeurs d’altruisme, de volontariat et d’éducation au développement. Il a réussi à porter ce mouvement à l’international avec brio tout en l’enracinant dans la spécificité comorienne.
Comme il débordait d’énergie, il s’était mis à l’organisation des sports et s’était fait distinguer entraîneur de l’une des plus belles équipes de football de la capitale, Avenir des Comores qui évoluait de victoire en victoire.
C’était compliqué de pouvoir rencontrer Fundi Digera, non pas parce qu’il était inaccessible car son domicile était tout un lieu d’échanges et de rencontres. C’était parce que ses multiples activités étaient si immenses qu’on se demandait comment il arrivait à tout faire. À côté de ses activités d’encadrement de la jeunesse, il avait créé et dirigeait le premier centre de formation en mécanique automobile SELECO où sont sortis plusieurs mécaniciens professionnels. C’était le lieu où il y avait beaucoup de chance de le rencontrer avec son ami Mirza occupé à former et à réparer.
En 1990, des l’avènement de la démocratie, la naissance du parti politique Mayesha Bora a été un événement salué par les milieux populaires du pays. Le parti a su mobiliser l’enthousiasme politique souhaité mais, il se posait un réel problème pour désigner un dirigeant capable d’incarner les valeurs révolutionnaires et l’exigence démocratique.
Les responsables du parti et les militants ont été unanimes pour proposer Fundi Digera au poste de secrétaire général. Malgré sa résistance farouche, il a été élu premier dirigeant de ce parti et a su nous mettre ensemble pour travailler et faire du terrain jusqu’à avoir l’un des partis politiques les mieux organisés et à tel point que des cellules étaient mises en place dans tous les localités de trois îles libres des Comores. Il a gagné brillamment sa première bataille en faisant élire deux députés dès la première participation à des élections.
En tant que faisant partie de son cercle d’actions, je garde en lui un dirigeant honnête, ouvert, exigeant et intraitable sur les principes. Il a démissionné de son poste de secrétaire général au moment où le parti sortait de sa vocation de défense des intérêts populaires pour une tentation de pouvoir, disant que c’était une démarche suicidaire. L’histoire lui a vite donné raison, Mayesha Bora a été anéanti par les ambitions pouvoiristes de ses nouveaux dirigeants.
Fundi Digera a été marqué par cet échec d’avoir un grand parti populaire de progrès. Il s’était donc remis au développement local dans deux localités qui l’appréciaient plus qu’il ne s’attendait. Shuani, la ville de sa mère et Nkurani ya Sima la ville de son père. Ces deux villes l’honoraient, l’aimaient et l’écoutaient tendrement. Nkurani s’était d’ailleurs fait l’honneur de le conduire à un deuxième tour d’une élection législative dans la circonscription de Mbadjini Ouest et a fini par l’élire Maire.
Fundi Digera, nous sommes nombreux au pays et au-delà à avoir appris de toi. Nous avons appris le pouvoir de l’effort, l’efficacité de l’organisation, le sens du devoir, la force de l’humilité et la richesse de la fraternité. La patrie t’est reconnaissante, repose en paix Fundi, ta vie a été une lueur d’exemplarité patriotique. DINI Nassur