Déclaration du vice-président en charge de l’économie de l’Union des Comores, Djaffar Ahmed Said, à l’occasion des vœux de l’eid el-fitr, l...
Déclaration du vice-président en charge de l’économie de l’Union des Comores, Djaffar Ahmed Said, à l’occasion des vœux de l’eid el-fitr, le 16 juin 2018, au siège du gouverneur de Ngazidja.
Excellence Monsieur le Gouverneur de l’île autonome de Ngazidja
Chers Comorienne et Comoriens,
L’honneur m’échoit aujourd’hui de m’exprimer devant vous pour dire ce que je pense après deux ans que vous nous avez confié les hautes responsabilités de ce pays. M’exprimer pour condamner la situation qui prévaut actuellement dans le pays, ne me fait aucune peur. Personne ne peut rien me faire en dehors de la volonté d’Allah.
Le 26 mai 2016 vous nous avez élus à la tête du pays. Vous nous avez élus sur un ticket de quatre candidats pour un mandat de cinq ans. Nous avons hérité d’un pays stable. Nous sommes élus pour cinq ans dans le cadre de la loi fondamentale de 2001. Et nous gouvernons à cet effet. Prendre l’initiative de changer la constitution n’est pas chose aisée. Surtout une constitution qui garanti l’unité nationale. Une constitution issue d’une crise séparatiste qui avait miné le pays. Nous avons toutes et tous subi de plein fouet les conséquences du séparatisme. Qu’on ne l’ignore, chers compatriotes, cette constitution a permis à notre nation de redorer son blason sur la scène internationale parce qu’à juste titre le pays a retrouvé sa stabilité. Ainsi, nous nous devons de conserver jalousement cette stabilité.
Chers toutes et tous, qui d’entre vous oserait confirmer que depuis l’annonce de cette initiative de la révision constitutionnelle, le pays est stable ? Vous êtes tous témoins oculaires des manifestations hebdomadaires. Je ne peux pas rester indifférent. Au sein du gouvernement dont je fais partie, j’ai essayé de m’opposer à cette initiative, sans succès. C’est ainsi qu’aujourd’hui j’ai pris l’initiative de dénoncer solennellement que le processus de révision constitutionnelle est anticonstitutionnel.
Mes chers compatriotes, notre loi fondamentale a établi la Cour constitutionnelle, laquelle « est le juge de la constitutionnalité des lois de l'Union et des îles. Elle veille à la régularité des opérations électorales tant dans les îles qu'au niveau de l'Union, y compris en matière de référendum ; elle est juge du contentieux électoral. Elle garantit enfin les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques ».
Vous l’aurez malheureusement remarqué, chers compatriotes, depuis maintenant deux ans la Cour constitutionnelle n’existe pas. Alors, comment l’Etat fonctionne si les lois adoptées à l’Assemblée ne sont pas validées par la Cour constitutionnelle ? C’est une question que chacun de nous se pose. Ainsi, nous devons impérativement rétablir la Cour constitutionnelle sinon, comment pourrait-on prétendre organiser des élections ?
Les compétences de la Cour constitutionnelle sont transférées à la Cour suprême. Cette dernière n’a pas vocation à assurer ces prérogatives. Admettons toutefois qu’on est des humains. Si quelque fois on pourrait se permettre de passer outre les lois quoique cela ne soit pas élégant, la Constitution d’un pays, elle, elle est sacrée. Elle ne se viole pas. Ce qui est en train de se passer mes chers compatriotes, c’est un mépris à la Constitution. C’est une chose qui n’est jamais arrivé dans aucun autre pays. C’est une grande première. Et c’est inadmissible.
Avant, nous nous enorgueillissions d’avoir un Etat de droit. Aujourd’hui hélas cette valeur chère est mise à mal. Certaines personnes se trouvent interdites de voyager. D’autre sont causées délibérément de torts. Ce n’est pas normal. Il n’est pas normal non plus que des personnes telles les anciens présidents Ikililou Dhoinine et Sambi soient empêchées de quitter le territoire, encore plus l’île sur laquelle elles se trouvent. Plus pire encore, cet ordre d’empêchement pris à leur encontre ne respecte aucune norme juridique. Je ne peux pas omettre de dénoncer ce traitement indigne réservé à nos chers députés, ou encore ces compatriotes condamnés pour avoir manifesté.
Mesdames et messieurs, j’appelle tous les comoriens à refuser d’être embarqués dans ce péril qu’est la modification constitutionnelle. Que la Constitution soit respectée, et nous en sortirons tous gagnants. Je lance un appel solennel à toutes et à tous à former un bloc. Nous qui sommes au pouvoir, la société civile, comme l’opposition, unissons-nous pour demander au président de revenir sur ses décisions. Car oui, il faut reculer pour repartir sur des bonnes bases. Reculer pour rétablir la Cour constitutionnelle. Reculer pour rétablir l’Etat de droit. Ce n’est qu’après que ce conditions seront réunies qu’on peut soumettre des propositions au peule souverain.
Mes chers compatriotes, rien ni personne ne peut m’intimider quant il faut dénoncer ce qui ne va pas. Vous non plus, ne soyez pas intimidés. N’ayez pas peur. C’est notre patrie à nous tous. On ne peut pas ne pas lever la voix pour dénoncer ce qui ne va pas, advienne que pourra.