Alors que la France administre – contre l'avis de l'ONU – Mayotte comme un département français, la gestion de cette île de l'O...
Alors que la France administre – contre l'avis de l'ONU – Mayotte comme un département français, la gestion de cette île de l'Océan Indien est en fait typiquement coloniale.
A Mayotte, les eaux usées se jettent dans la mer © Damien Gautreau |
L'île de Mayotte – administrée par la France mais revendiquée par l'Union des Comores – est gérée comme au temps des colonies. Vestige de l'empire colonial français, ses habitants souhaitent rester sous le giron de la France à l'époque des décolonisations. Les Mahorais espèrent ainsi bénéficier d'un développement semblable à celui de la métropole. Il n'en est rien et Mayotte cumule de biens tristes records.
Plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté ; le PIB/habitant, trois fois inférieur à celui de la Réunion, est le plus faible du pays ; les investissements publics, en rapport au nombre d'habitants, y sont les plus faibles de France ; les résultats aux épreuves du baccalauréat sont, là encore, les plus faibles … La liste est longue et montre bien que dans les faits, Mayotte n'est pas un département français. L’État ne se sert de l'île que pour asseoir sa géostratégie dans l'Océan Indien.
Plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté ; le PIB/habitant, trois fois inférieur à celui de la Réunion, est le plus faible du pays ; les investissements publics, en rapport au nombre d'habitants, y sont les plus faibles de France ; les résultats aux épreuves du baccalauréat sont, là encore, les plus faibles … La liste est longue et montre bien que dans les faits, Mayotte n'est pas un département français. L’État ne se sert de l'île que pour asseoir sa géostratégie dans l'Océan Indien.
Quand on vit à Mayotte on remarque vite cette ambiance de colonie africaine qui y persiste. Ce qui n'empêche pas pour autant les Mahorais de revendiquer haut et fort leur attachement au drapeau tricolore. Pourtant, la réalité est sans appel. Tous les postes stratégiques sont occupés par des mzungus, du préfet à la vice-rectrice, en passant par le directeur du centre hospitalier, le commandant de la gendarmerie ou encore le directeur du centre universitaire. Les emplois de responsables échappent donc majoritairement aux locaux comme c'était traditionnellement le cas dans les colonies.
Les investissements de la métropole sont ici réduits au minimum, l'île manque d’hôpitaux, d’établissements scolaires, d’infrastructures de transport, d'un véritable réseau de distribution et d’assainissement de l'eau. La production d’électricité est insuffisante, le port – pourtant récent – est déjà obsolète, la piste atterrissage est trop courte et le centre universitaire est plein. Ce tableau du tiers-monde n'a rien à envier aux voisins africains et ne correspond pas aux standards européens.
De plus, la corruption est omniprésente et la Cour régionale des comptes vient d'épingler la gestion catastrophique du Conseil Départemental. Ce dernier semble salarier des gens qui n'y travaillent pas et on dénombre pléthore d'agents inoccupés, à l'image de ces 50 responsables du parc automobile. Ce parfum de clientélisme n'est pas sans rappeler une gestion paternaliste des affaires.
Mais surtout, ce qui enfonce le clou est la législation spécifique à Mayotte. L'île ne dépend pas des lois de la République dans de nombreux domaines. Outre un régime dérogatoire en matière de gestion de l'immigration, on note aussi un code du travail spécifique. En effet, Mayotte n'est pas aux 35 heures et le salaire minimum1 est inférieur à celui pratiqué en France. Ce qui n'empêche pas les fonctionnaires, majoritairement métropolitains, de bénéficier de salaires majorés. En matière de prestations sociales aussi les inégalités sont frappantes. Le RSA n'est que de 268 euros mensuel dans l'île au lagon contre 551 euros en métropole. De plus, la prime à la naissance n'existe pas à Mayotte2. Enfin, la TVA ne s'applique pas ici, elle est remplacée par un octroi de mer de 30%. Tout est donc fait pour entretenir la misère locale et marquer la différence avec les autres départements français. Ces particularités de traitement font nécessairement penser à ce qui se faisait en Algérie durant la colonisation française.
La récente crise à Mayotte a pointé du doigt les insuffisances du département. Alors que certains s’empressent d'accuser la population immigrée de tous les maux de l'île c'est en réalité l’État français le responsable de l'important retard de développement de Mayotte. Tant que celui-ci continuera d'administrer l'île comme une colonie et non un département, les problèmes ne sont pas prêts de se résorber.
1 7,46 euros brut de l'heure à Mayotte contre 9,88 euros en France.
2 Elle est de 941 euros en France métropolitaine.
PAR DAMIEN GAUTREAU
ÉDITION : MÉMOIRES DU COLONIALISME