Entretien avec Maître Abdoulbastoi Moudjahidi, avocat au barreau de Moroni (capitale des Comores) et défenseur des droits de l'homme. S...
Entretien avec Maître Abdoulbastoi Moudjahidi, avocat au barreau de Moroni (capitale des Comores) et défenseur des droits de l'homme. Spécialiste en Droit des affaires.
Le 28 septembre 2017, Maître Moudjahidi Abdoulbastoi publie une tribune libre sur Habarizacomores.com ayant pour titre « l’homosexualité n’est pas un délit aux Comores ». Dans ce cours article, l’avocat dénonce une interprétation abusive de l’ancien code pénal comorien, notamment l’article 318 qui a été abrogé depuis la révision du code pénal en 2007.
Le 04 mars 2018, il m’accorde un entretien pour nous en dire plus sur la situation des LGBT et l’homophobie d’état dans l’archipel des Comores.
Bonjour, vous l’avez dit mais soyons clairs, l’article 318 est-il toujours d’actualité aujourd’hui ?
L’article qui prétendument réprimait l’homosexualité a été abrogé lors de la révision 2007 du Code pénal. Je crois que cette abrogation a été faite par inadvertance. Mais sur le plan légale, l’article n’existe plus.
Quelle est la place des homosexuels aux Comores ?
Nous vivons dans une société homophobe et hypocrite qui oblige les homosexuels à faire des mariages hétérosexuels ou à s’afficher avec le sexe opposé pour être acceptés. Je ne connais que deux homosexuels et une transgenre qui s’assument en public, et une vingtaine qui se cachent.
Parleriez-vous d’homophobie d’état ?
Oui, on peut parler d’homophobie d’état. On emprisonne les homosexuels sous d’autres qualifications pénales : agression sexuelle ou attentat aux bonnes mœurs. L’État n’a jamais caché ses intentions d’éradiquer ce qu’il appelle un « fléau ». Personnellement, je reçois des menaces de la part des chefs religieux et les politiques durcissent le ton vis-à-vis des homosexuels pour avoir la bénédiction des « hommes de Dieu ». Pour tout vous dire, la principale menace contre les LGBT provient des hommes religieux conservateurs, souvent formés chez les saoudiens.
Malmenée par la police, que se passe-t-il si une personne « LGBT » porte plainte ?
D’abord, vous devez comprendre que les LGBT sont toujours persécutés chez nous, avec ou sans loi. Ils ont du mal à se montrer et à assumer leur orientation sexuelle, ce que je comprends. Maintenant, s’ils portent plainte pour coups et blessures, je ne vois aucune raison pour que le policier ne soit pas jugé. Nous avons une ONG qui milite pour les droits de tous, y compris ceux des minorités religieuses et sexuelles. Tout le monde doit avoir le droit de vivre sa sexualité en toute liberté.
Dans un rapport en date du 23 mai 2016, l’OFPRA (office français de protection des réfugiés et apatrides) indique qu’il n’y a pas d’association LGBT au niveau local, confirmez-vous cela ?
Il n’y a pas d’association LGBT aux Comores. En tout cas, pas à ma connaissance ; en revanche l’ONG SHAMAK n’a jamais caché sa volonté de défendre les droits des LGBT et des chiites qui sont deux minorités persécutées aux Comores.
Pouvez-vous nous en dire plus sur SHAMAK ?
Pouvez-vous nous en dire plus sur SHAMAK ?
Je suis le secrétaire de cette ONG. Nous ne communiquons pas tellement sur internet. Ce que je peux vous dire c’est que cette ONG a attaqué la loi comorienne sur les pratiques religieuses en 2012 devant la cour constitutionnelle. C’était notre baptême du feu.
Vous avez eu énormément de courage d’écrire cette tribune libre en 2017, pourquoi l’avez-vous fait ?
Je ne sais pas pourquoi je l’ai fait, peut-être pour dénoncer une hypocrisie et aussi parce que je crois vraiment en la liberté. Ce n’est pas la première fois que je prends un risque pareil, je ne suis ni chiite, ni LGBT, pourtant j’incarne mieux ce combat qu’une partie d’entre eux qui préfèrent se cacher. Pour moi, le sexe doit relever du domaine privé, comme la religion.
Article publié dans Visibilité lgbtqi+ dans l'océan indien (page facebook). Image: Zanele Muholi
Vous avez eu énormément de courage d’écrire cette tribune libre en 2017, pourquoi l’avez-vous fait ?
Je ne sais pas pourquoi je l’ai fait, peut-être pour dénoncer une hypocrisie et aussi parce que je crois vraiment en la liberté. Ce n’est pas la première fois que je prends un risque pareil, je ne suis ni chiite, ni LGBT, pourtant j’incarne mieux ce combat qu’une partie d’entre eux qui préfèrent se cacher. Pour moi, le sexe doit relever du domaine privé, comme la religion.
Article publié dans Visibilité lgbtqi+ dans l'océan indien (page facebook). Image: Zanele Muholi