Aux Comores, la librairie Au Paradis des livres oeuvre au bien commun

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ENTRETIEN – « Je suis entrée en librairie il y a quarante ans, un peu par hasard, c’était en 1977 », raconte Echat Soulaimana du Paradis de...

ENTRETIEN – « Je suis entrée en librairie il y a quarante ans, un peu par hasard, c’était en 1977 », raconte Echat Soulaimana du Paradis des livres (Moroni, Comores). À l’époque, ses enfants étaient à l’école française et en tant que parents d’élèves, il était difficile de se procurer des livres sur place. « L’idée de la librairie m’est donc venue très naturellement. » 
Echat Soulaimana, CC BY SA 2.0
Avec une associée, elle va ainsi créer la Maison du Livre. Quinze ans après, suite à une mésentente sur les choix stratégiques, la société a été liquidée. En 2004, elle choisit alors d’ouvrir seule la librairie Au Paradis des livres. « Les années m’ont donnée raison, aujourd’hui elle est devenue la librairie de référence de Moroni », raconte-t-elle aujourd’hui à ActuaLitté.

ActuaLitté : Quelles sont les spécificités du marché du livre aux Comores ?

Echat Soulaimana : Il faut considérer le faible revenu des Comoriens, le PIB est à 739 $/an/hab. De ce fait, le libraire comorien ne peut pas faire des offres de livres qui collent à l’actualité, suivre les nouveautés, valoriser ses coups de cœur comme le font ses confrères à La Réunion, à Maurice ou même à Mayotte, îles dans lesquelles les lecteurs ont plus de moyens. Aux Comores, il faut prendre en considération beaucoup d’éléments avant de commander un livre et réfléchir en amont au prix final, en calculant transport et taxes. Je dois aussi être prudente par rapport au taux de rotation de mon stock qui est très faible et me poser la question de savoir si, malgré l’étroitesse de ma marge, je dois faire une commande.

Je pourrais bien sûr recourir à l’office, mais le problème des retours se pose, car le livre importé est ici taxé à 19,25 %, auxquels il faut ajouter le coût du transport. Si je retourne des livres en France, j’aurai tout de même perdu la valeur de la taxe et le prix du transport déjà payés. Je dois donc m’adapter à ce marché très spécifique qui est de répondre aux demandes des jeunes, obligés de lire, d’approvisionner les écoles qui inscrivent les livres dans leurs programmes et d’avoir un petit choix pour les catégories aisées que sont les quelques intellectuels qui lisent, auxquels s’ajoute le marché des expatriés et des missionnaires de passage aux Comores.

Contrairement à d‘autres libraires, nous privilégions les achats à compte ferme, en pariant sur certaines collections de livres susceptibles d’être achetées à moyen ou long terme. À ce point, intervient bien entendu le problème de la trésorerie : si le livre reste trop longtemps en stock, il érode notre marge.

À ce jour, à quelles problématiques faites-vous face ?

Echat Soulaimana : Le livre ne fait pas partie des préoccupations essentielles du consommateur de notre pays. Pour le Comorien, il faut avant tout répondre aux besoins fondamentaux que sont la nourriture, le logement ou la santé. Notre clientèle a un niveau de vie très faible.

Les problèmes du livre ne sont pas uniquement liés à ces questions d’ordre socio-économique, il faut aussi intégrer d’autres facteurs comme l’éloignement géographique des Comores par rapport à son principal fournisseur, la France. Cet éloignement engendre des délais d’acheminement importants qui ne font que renchérir le coût du transport.

L’autre handicap de notre marché réside dans le fait que les Comores n’ont pas ratifié la Convention de Florence, ce qui oblige le libraire à acquitter des frais de douane importants.

Comment établissez-vous votre sélection d’ouvrages mis en avant ?

Echat Soulaimana : Nous essayons tout de même de suivre l’actualité et les temps forts du calendrier. C’est ainsi que nous mettons en avant des livres qui traitent des sujets spécifiques aux différentes fêtes, le ramadan par exemple ou la période de Noël, et nous faisons des tables thématiques régulièrement, parfois en mettant en exergue un titre ou un écrivain du pays, à l’occasion d’une dédicace dans la librairie.

Mais il faut l’avouer, les questions de rentabilisation des achats demeurent une forte préoccupation. 

Quelles sont vos relations avec les distributeurs ?

Echat Soulaimana : Nous avons de très bonnes relations avec les quelques confrères que nous avons sur place. Nous nous dépannons très souvent. Des distributeurs locaux, nous n’en avons pas. Il y a évidemment quelques petites librairies qui exercent le métier en période de rentrée scolaire. Ensuite, en dehors de celle-ci, elles préfèrent vendre autre chose, ce qui leur permet de couvrir leurs frais.

Nous avons de très bonnes relations avec toutes les maisons d’édition avec lesquelles nous travaillons. Nous trouvons dommage qu’elles livrent directement les projets financés par les institutions internationales, notamment la Banque Mondiale, l’Union Européenne, l’UNICEF, la coopération française, l’Alliance française. En effet, ce sont les clients qui nous permettraient d’augmenter notre chiffre d’affaires.

Enfin, nous déplorons qu’aucun commercial ne vienne nous rendre visite, ceci nous pénalise quelque part, car ces représentants ne réalisent pas vraiment nos difficultés sur place, nous ne pouvons pas non plus bénéficier de leurs conseils, de leurs expériences vécues dans des pays semblables au mien, je trouve cela bien dommage.

Que vous apporte le réseau de l’AILF ?

Echat Soulaimana : Je fais partie des premiers libraires qui ont adhéré à l’association, depuis sa création. Je participe tous les ans à l’assemblée générale, je prends part aux différentes études et enquêtes organisées par l’AILF. J’ai beaucoup appris au sein de cette association, à travers les échanges entre les confrères pendant « la matinée des libraires » organisée au CNL, à travers les discussions tout au long du Salon du Livre.

J’ai pu participer à des séminaires qui m’ont permis de me former, d’acquérir plus de connaissances et une certaine expérience dans le métier, moi qui suis autodidacte. L’AILF m’a donné la chance d’être en relation avec des libraires qui sont dans d’autres pays où ils rencontrent plus ou moins les mêmes difficultés que moi, et avec qui nous partageons nos expériences. Oui, je peux le dire, l’AILF m’a beaucoup appris.

Quel regard portez-vous sur l’industrie du livre ?

Echat Soulaimana : L’industrie du livre aux Comores en est à ses balbutiements. Ce n’est que récemment que se sont créées des maisons d’édition Komedit, Cœlacanthes, Kashkazi… Il faut d’ailleurs souligner que parfois leurs ouvrages ne sont même pas édités aux Comores. Il est donc trop tôt pour porter un jugement dans ce secteur tant il est nouveau.

Votre fille a commencé à travailler avec vous à Moroni, la librairie serait-elle dans une logique de transmission ?

Echat Soulaimana : Ma fille Naima Soulaimana est rentrée aux Comores pour s’installer avec son mari et ses trois enfants. C’est une opportunité pour moi et pour la librairie qu’elle ait accepté de venir y travailler. J’ai commencé à lui léguer les rênes petit à petit. J’essaie de lui transmettre mon expérience de 40 ans de métier bientôt. La librairie a besoin de sang neuf et jeune pour rénover, développer et assurer sa place de librairie de référence à Moroni et pourquoi pas dans les Comores dans un futur proche. Oui la librairie est dans une logique de transmission et j’en suis fière.

En partenariat avec l'AILF
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