LETTRE AU COLONEL YOUSSOUF IDJIHAD, CHEF D’ETAT-MAJOR DE L’AND Monsieur le Chef d’Etat-major, J’ai l’honneur, par la présente, de ...
LETTRE AU COLONEL YOUSSOUF IDJIHAD, CHEF D’ETAT-MAJOR DE L’AND
Monsieur le Chef d’Etat-major,
J’ai l’honneur, par la présente, de vous faire part des faits suivants :
Une journaliste du quotidien Al-Fajr, Halima Hamada, s’était rendue, samedi 3 février dernier, au Lycée de Moroni pour couvrir une marche pacifique annoncée de l’intersyndicale des enseignants. Un dispositif de sécurité composé d’éléments du Peloton d’intervention de la Gendarmerie nationale (PIGN) avait pris d’assaut les lieux deux heures avant la manifestation.
La jeune femme, avec son matériel, se prépare à faire son travail. Des éléments du PIGN se dirigent vers la foule et commencent à tabasser les citoyens présents. Les forces de l’ordre agressent la jeune femme sans état d’âme et sans le moindre remord. Sa carte déchirée, son corps roué de coups de matraque et jeté à l’arrière du pick-up du PIGN (…).
Monsieur le Chef d’Etat-major,
Je voudrais exprimer ici notre profonde indignation suite à cette agression d’une grande incivilité qui discrédite l’image de l’armée nationale de développement (AND). Sous votre responsabilité, ces gendarmes écrivent des pages noires de votre histoire à la tête de l’armée dont vous servez avec rigueur et abnégation. Ne rien dire, ne rien prendre de sanctions, vous légitimerez des bavures qui colleront à votre peau en tant que patron de l’institution.
Les journalistes tout comme de nombreux citoyens sont victimes d’abus de la part de certains éléments des forces de l’ordre. Notre collègue Elidine Djouma d’Al-Watwan a été violement pris à partie au stade de Moroni. Le photographe Said Hassane Elpadré fait partie de cette triste liste des gens de la presse agressés par les gendarmes en 2017. Que dire si ceux qui devraient assurer la sécurité des citoyens, protéger les journalistes sont ceux-là même qui les agressent sans sanctions aucune ?
Notre consœur, Halima Hamada, va se relever et reprendra son métier qu’elle exerce avec fierté et détermination. Mais que restera-t-elle dans ses relations avec les forces de sécurité censées la protéger ? Comment des éléments de forces de l’ordre peuvent-ils se permettre d’agresser une jeune femme journaliste sans moyens de défense ? Seules des sanctions exemplaires soulageront le véritable choc qu’elle a subi.
Monsieur le Chef d’Etat-major,
Si je me permets de vous adresser cette missive, c’est parce que je connais votre bravoure, votre sens d’engagement et votre rigueur professionnelle. Et surtout parce que vous avez engagé un chantier courageux et honorable visant à réhabiliter l’image de l’AND et restaurer la confiance entre l’armée et la population.
On sait très bien que, depuis les années 2000, le processus de recrutement des éléments de l’AND, y compris au niveau de la police nationale, obéissent aux procédures classiques mais les nouvelles recrues, pour la plupart, brillent, à chaque intervention, par leur fureur à l’égard des citoyens. Des actes délibérés et des bavures se comptent par centaines. Il est temps de mettre fin à « cette école de la violence » où on enseigne les forces de sécurité comoriennes.
Aux Comores, en Afrique d’ailleurs, les forces de sécurité se permettent de tout et entretiennent une culture de violences dans leur propre ADN. Vous le savez très bien que moi que l’armée n’est pas synonyme de violences, de haine, d’agression, elle est plutôt synonyme de paix, de fraternité et de protection.
Les Comoriens veulent une armée exemplaire, capable d’assurer la sécurité de tous dans le respect des droits élémentaires de citoyens. Une armée qui respectera les normes internationales de sécurité et notamment le Droit international humanitaire (DIH). Bref, une armée qui inspirera respect et confiance.
Je vous prie d’accepter, Monsieur, l’expression de ma très haute considération.
A.S.KEMBA
JOURNALISTE