C'est la panique sur la Grande Île depuis un mois alors qu'une épidémie de peste s'est déclarée, faisant plus de 20 morts et de...
C'est la panique sur la Grande Île depuis un mois alors qu'une épidémie de peste s'est déclarée, faisant plus de 20 morts et des centaines de cas suspects.
Infos, intox, désinformations sur les réseaux sociaux, rumeurs : au lendemain de l'annonce officielle de la déclaration d'urgence d'épidémie urbaine, c'est la panique dans la ville d'Antananarivo, Toamasina et leurs environs.
C'est un scénario que connaissent bien les Malgaches. Depuis de très nombreuses années, la Grande Île vit au rythme des épidémies de peste à la même période : du mois d'août à février-mars. C'est alors la panique et tous se ruent vers les pharmacies à la recherche d'antibiotique. Mais cette année, le bilan annoncé samedi 30 septembre par le Premier ministre Olivier Mahafaly Solonandrasana a fait l'effet d'une petite bombe. Vingt-quatre patients déjà ont succombé à la peste depuis la fin août dans le pays. Les formes de peste décrites dans la Grande Île sont pulmonaires. Elles sont contagieuses entre les êtres humains.
Dr Manitra Rakotoarivony, directeur de la promotion de la santé, donne les chiffres de 116 malades, 25 morts, 70 cas suspects, 58 cas probables, 13 cas confirmés. Dans la capitale, le même médecin avance le nombre de 5 morts, 28 malades, 9 cas probables, 1 cas confirmé.
Pourquoi est-ce inquiétant ?
Avec un rapprochement, on peut être contaminé et voir la maladie évoluer très rapidement entre trois heures et deux jours. « Elle existe sur les hauts plateaux de Madagascar. Le temps qu'une personne arrive dans un aéroport, prenne un aéronef ou un bateau, les symptômes se seront déclarés. Avec des symptômes bruyants : la personne est en détresse respiratoire, va avoir des expectorations rosées et une fièvre importante », explique le directeur de la veille et sécurité sanitaire de l'ARS océan Indien, le docteur François Chieze, à la télévision réunionnaise où l'on craint une propagation du fléau.
Plus précoce, elle « touche les grandes zones urbaines, contrairement aux précédentes épidémies », selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Qui fait quoi ?
L'organisation sanitaire mondiale annonce son inquiétude et intensifie sa riposte alors que l'épidémie s'est propagée « dans la capitale et les ports, avec plus d'une centaine de personnes infectées en quelques semaines seulement ».
« L'OMS est inquiète de la possibilité de propagation ultérieure de la peste parce qu'elle est déjà présente dans plusieurs villes et que c'est le début de la saison épidémique, qui va normalement de septembre à avril », a déclaré le Dr Charlotte Ndiaye, représentante de l'OMS à Madagascar.
« Nos équipes sur le terrain à Madagascar donnent des orientations techniques, mènent des évaluations, soutiennent la surveillance et s'engagent auprès des communautés », a-t-elle ajouté. « Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir les efforts du gouvernement, y compris en coordonnant les intervenants du secteur de la santé. »
Comment réagit le gouvernement ?
Un peu pris de court, il faut le dire, le gouvernement veut montrer qu'il est sur le front. D'abord en faisant de ce nouvel épisode sa priorité, lors du conseil des ministres de ce 3 octobre. Ensuite, le palais de Mahazoarivo vient d'annoncer des mesures inédites. Notamment en décrétant l'interdiction jusqu'à nouvel ordre de toutes les réunions publiques dans la capitale.
Dans le même temps, le gouvernement doit à tout pris ramener l'ordre et le calme dans les esprits. Pour cela les autorités multiplient les démonstrations de poses de pièges à rats ou les opérations de pulvérisation d'insecticides. L'idée est aussi d'inciter les gens à réagir autrement que par l'achat des masques, dont les prix se sont envolés, passant de 300 à 600 ariarys (10 à 20 centimes d'euros).
Quels gestes adopter maintenant ?
Plutôt que de porter un masque, le Dr Manitra Rakotoarivony conseille à la population de ne pas se parler en face à face et surtout d'aller vers l'hôpital le plus proche aux premiers symptômes. Et « on concentre nos efforts à combattre Facebook, car il y a trop de désinformation qui circule sur les réseaux sociaux et ça crée la panique », ajoute le Dr Manitra Rakotoarivony. « On peut soigner la peste, on en a les moyens », répète-t-il.
Mais les messages radiodiffusés ou les numéros d'appel gratuits mis à la disposition du public n'ont, semble-t-il, pas suffi jusque-là à rassurer la population.
Est-ce qu'il y a vraiment lieu de paniquer ?
Oui et non. Car la peste est endémique à Madagascar. Chaque année, ce sont environ 400 cas qui sont dénombrés, principalement sous la forme bubonique. Comme précisé par l'OMS et le gouvernement, contrairement aux flambées passées, celle-ci touche de grandes zones urbaines, ce qui accroît le risque de transmission. « Le nombre des cas identifiés jusqu'à présent est donc beaucoup plus élevé que ce qui est normalement attendu à cette période de l'année », écrit l'OMS dans un récent communiqué.
La peste bubonique est transmise par les piqûres de puces à partir de rats infectés. La forme pulmonaire se transmet d'une personne à l'autre. On observe dans la flambée actuelle les deux formes. Près de la moitié des cas identifiés jusqu'à présent ont eu une peste pulmonaire.
La peste est une maladie de la pauvreté. Elle se développe dans les milieux où les conditions sanitaires sont mauvaises et les services de santé insuffisants. Elle est mortelle en l'absence de traitement, mais peut être guérie avec des antibiotiques courants s'ils sont administrés rapidement. La dernière flambée de peste, principalement sous forme bubonique et sévissant dans des zones reculées, a été notifiée en décembre 2016.
Madagascar, pays le plus touché avec 37% des décès
Plusieurs épidémies de peste ont décimé des populations humaines dans l'Histoire, dont surtout "la peste noire" qui tué environ 25 millions de personnes, soit un tiers de la population européenne, au Moyen-Age, entre 1347 et 1353. Aujourd'hui elle est considérée comme une maladie réémergente par l'OMS. Entre 1987 et 2009, la bactérie a tué en moyenne 117 personnes par an. 95 % de ces cas provenaient d'Afrique, et notamment de Madagascar, le pays le plus touché avec 37 % des décès à l'échelle mondiale. Publié par ©Le Point Afrique