Interview exclusive avec Mr Chabane Mohamed, membre de la Coordination du Mouvement du 11 août
Ortega: Bonjour M Chabane Mohamed Vous êtes coordinateur du mouvement du 11 août, principal initiateur du projet des assises. Quelle a été votre objectif principal en 2015 au moment du lancement de l'idée ?
Chabane Mohamed : Bonjour M Ortega, Je tiens tout d' abord à vous remercier.
Le 11 août 2015, quatre organisations de la société civile avaient appelé à un rassemblement populaire, Place de l'indépendance, pour honorer nos sportifs, pour le patriotisme dont ils avaient preuve aux 9 èmes Jeux des Îles de l'Océan Indien, pour avoir quitté les Jeux, en guise de protestation contre le fait que nos frères athlètes mahorais avaient défilé avec le drapeau français. Ce jour là, l'ancien Ministre Ali Bazi Selim avait pris la parole et a eu la clairvoyance de lancer l'idée d'Assises nationales. C'est ainsi qu'est né le Mouvement du 11 août, qui s'est fixé, depuis, l'objectif de réunir tous les comoriens de l'intérieur comme de l'extérieur, pour faire le bilan de plus de 40 ans d'indépendance, dans la perspective de poser les bases d'une gouvernance du pays dont les comoriens soient satisfaits.
Deux ans après, cet objectif demeure le même.
Ortega: On voit aujourd'hui le président Azali qui s'y était opposé devient le principal parrain, certains disent qu'il s'est substitué au mouvement pour mener la dense, qu'est ce que cela vous indique?
C M: On dit souvent que les comoriens ont la mémoire courte. Votre question prouve que non. Tout le monde se souvient en effet que certains partis politiques, et pas des moindres, n'avaient pas adhéré à l'initiative des Assises. L'argument avancé était qu'il fallait donner la priorité aux élections et que donc le moment n'était pas approprié pour organiser les Assises. Mais il convient aujourd'hui, à mon humble avis, de relativiser. Car, même les partis politiques qui avaient signé notre Mémorandum avaient tous tourné le dos au Mouvement, au profit des élections.
Par conséquent, je ne pense pas que cela nous avancera beaucoup d'indexer qui que ce soit. L'important aujourd'hui c'est que tout le monde puisse contribuer à ce que ces Assises soient un succès. Nous avons foi en l'intelligence des comoriens. Permettez-moi cependant de vous réctifier : le Mouvement du 11 se réjouit de l'adhésion du chef de l'État à l'initiative des Assises. Mais Azali n'est pas le chef des Assises, il est le chef de l'État, le chef du gouvernement. Ne faisons pas d'amalgame, ne confondons pas adhésion et accompagnement. accord et main- mise. C'est faux, notre Mouvement n'est pas éclipsé.
Par conséquent, je ne pense pas que cela nous avancera beaucoup d'indexer qui que ce soit. L'important aujourd'hui c'est que tout le monde puisse contribuer à ce que ces Assises soient un succès. Nous avons foi en l'intelligence des comoriens. Permettez-moi cependant de vous réctifier : le Mouvement du 11 se réjouit de l'adhésion du chef de l'État à l'initiative des Assises. Mais Azali n'est pas le chef des Assises, il est le chef de l'État, le chef du gouvernement. Ne faisons pas d'amalgame, ne confondons pas adhésion et accompagnement. accord et main- mise. C'est faux, notre Mouvement n'est pas éclipsé.
Au contraire, il est plus que jamais présent et joue pleinement son rôle dans le processus qui va conduire aux Assises.Pour l'instant, tout se passe bien. Notre vision des Assises demeure intacte et collaboration ne signifie pas dépossession. Depuis 2 ans, notre Mouvement est indépendant et le restera à jamais.
Ortega: On a appris que le mouvement du 11 août a reçu récemment le document préparé par Beit Salam, si cela est vrai comment vous le trouver? Et quels sont les thèmes principaux?
C M: Le Document auquel vous faites allusion et que tout le monde a découvert sur les réseaux sociaux, n'est pas le Document des Assises. L'on se demande d'ailleurs qui l'a mis en ligne et pourquoi? Ce que je peux vous dire, c'est qu'après 2 semaines de travail intense entre notre Mouvement et le Gouvernement, un Projet de Document d'orientation des Assises a été remis au chef de l'État. Comme il se doit, on attend ses observations et le Projet final sera rendu public, il aura un caractère officiel.
Mais comprenez bien: il s'agit d'un Projet d'orientation, lequel projet sera soumis à la structure qui pilotera les Assises. Cette structure est nommée CNP (Comité National de Pilotage) et sera composée de tout le monde (Société civile, Institutions de l'État, Partis politiques, Jeunes, Femmes, Sportifs, ...). C'est cette structure qui, sur la base du Document projet, élaborera le Document final qui servira d'orientation finale pour les Assises. En amont, il n'y avait pas d'autre choix que de travailler en Comité restreint mais en aval, la démarche inclusive pour laquelle nous militons depuis 2 ans sera au rendez-vous. Les thèmes définitifs des Assises, le format et tout le reste seront définis par le CNP. Voyez-vous, tout ce qui peut être dit en ce moment n'est que pure spéculation et parfois même un excès de zèle de la part de certains. Seul le CNP vous dira des choses sur les Assises qu'il conviendra de considérer comme définitives. Vous connaissez la chanson de Jacob Desvarieux du groupe Kassav en featuring avec Jocelyne Labyl? Elle dit ceci: "Laisse parler les gens".
Ortega: Aujourd'hui le projet des assises divise profondément l'opinion à cause de sa politisation, n'avez vous pas peur justement d'un détournement de votre objectif par le gouvernement ?
C M: Je ne sais pas ce que vous entendez par politisation des Assises. Ce sont des Assises nationales inclusives, ce n'est pas un séminaire gouvernemental. Notre Mouvement, je vous l'ai dit, est un Mouvement indépendant et qui a travaillé dans une parfaite collaboration avec des délégués du chef de l'État pour l'avant Projet des Assises. Le CPN dont je vous ai parlé sera une structure qui travaillera en toute indépendance. Dites moi alors de quoi et pourquoi nous devrions avoir peur? Nous n'allons pas tomber dans une espèce de paranoïa mais en même temps, c'est de notre devoir et de notre responsabilité d'appeler tout le monde à la retenue et d'oeuvrer pour la préparation et la tenue des Assises, dans un climat apaisé et de sérénité.
Ortega: Pourquoi doit on a tout prix faire des assises bilan de 42 ans d'indépendance, tout le monde sait que le bilan est négatif, non?
C M: Sachez qu'on ne fait jamais un bilan pour un bilan. Le bilan est comme un diagnostic. Et après le diagnostic suivent les préscriptions, les remèdes. Si ces Assises nous paraissent indispensables c'est parce que nous avons la conviction qu'elles produiront des recommandations utiles pour le pays, dans divers domaines.
Ortega: Les sorties médiatiques du président, de ses vice président et des membres de son cabinet parle directement de la fin de la tournante a l'issue des assises, cela ne vous fait pas peur?
C M : On ne le dira jamais assez: c'est une déformation de l'orientation des Assises que de les limiter à la question de la Tournante. Mais comme c'est le point qui fait couler le plus d'encre, qui domine les débats. Pré-Assises et nourrit toutes les passions, je vais me permettre moi aussi quelques commentaires:
a) Les Assises ne sont pas une Assemblée constituante. Elles n'ont pas une légitimité constitutionnelle. Le seul recours pour réviser la Constitution (et pas la Tournante) c'est le Congrès ou le référendum. Il me semble donc que ceux qui s'opposent aux Assises et accusent à tort le Mouvement du 11 de fournir à Azali le cadre idéal pour mettre fin à la Tournante, devraient comprendre que les Assises ne seront habilitées qu'à formuler des recommandations sur tous les sujets, y compris sur la Tournante. Et le gouvernement aura l'obligation de les mettre en oeuvre, sinon à quoi cela aura servi qu'il soit partie prenante aux Assises?
b) Rien ni personne ne peut imposer aux comoriens ce qu'ils ne veulent pas. Les comoriens sont suffisamment intelligents pour éviter, lors des Assises, de formuler des recommandations susceptibles de menacer la paix et l'unité du pays. Et même si on devait les consulter par référendum, je suis certain qu'il sauront quoi décider pour éviter de plonger le pays dans les abîmes. Ne croyez vous pas que le pouvoir de changer quoi que ce soit appartient plus aux comoriens qu'au chef de l'État et son gouvernement?
c) Au sujet de la Tournante, on peut s'accorder à dire qu'il ne doit pas y avoir de tabous mais cela n'autorise personne à tomber dans des dérapages susceptibles d'envénimer la situation et d'affecter la bonne marche du processus qui va nous conduire aux Assises. En ce moment crucial, le chef de l'État a le devoir, selon moi, d'appeler à la retenue, car certaines déclarations sont inadmissibles, créent des tensions et provoquent des appréhensions, alors qu'il faut de l'apaisement pour pouvoir aborder les Assises dans un esprit fraternel.
Propos recueillis par Ortega Abdou Hassani
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