Le chiisme et le comorien sunnite: Peuvent-ils cohabiter ensemble ?

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Le chiisme et le comorien sunnite: Peuvent-ils cohabiter ensemble ?

La tradition orale nous apprend beaucoup sur l’introduction de l’islam aux Comores. Etant situées loin de la Mecque, les Comores n’ont pas connu l’islam du temps du prophète (PSL). C’est après sa mort que l’islam s’est installé lentement. Ayant à la fois d’origine africaine (Bantou) et arabo-perse (Chiraz), le comorien était jadis animiste. Nous allons nous focaliser sur le Chiisme et le Sunnisme. Il faut savoir que ces deux branches de l’islam peuvent parfois être source de tensions étant données les pratiques différentes.

La percée du Chiisme dans le pays nous interroge sur l’éventualité d’une cohabitation avec la pratique sunnite chez nos croyants comoriens. Croire en l’unicité d’Allah, de son messager, prier en direction de la Kaaba à la Mecque, jeûner pendant le mois de ramadan, payer l’aumône et effectuer le pèlerinage à la Mecque sont les cinq piliers de l’islam. Celui qui croit en cela est donc un musulman. Le comorien doit-il se sentir menacé par son frère qui comme lui croit en ces mêmes principes ? 

L’objet de cette note vise à réfléchir sur la possibilité ou non du vivre ensemble des croyants suivant les rites sunnites et chiites. Ainsi nous ferons en premier lieu une brève introduction sur l’islam aux Comores, puis en second lieu nous détaillerons ce qu’est la croyance Chiite, ensuite nous décrirons en troisième lieu certaines nuances entre le Sunnisme et le Chiisme, en quatrième lieu nous donnerons une définition du vivre ensemble dans la paix et enfin nous conclurons.

Introduction de l’Islam aux Comores

Dans son livre, intitulé PAIDEUMA, l’anthropologue français Pierre Vérin, rapporte que l’islam s’est installé aux Comores au XVIe siècle. Se basant sur des études archéologiques et sur l’histoire racontée par les anciens. C’est une tempête qui avait forcé un voilier de riches marchands arabes à ancrer dans l’anse de la baie de Ntsaoueni. Une fois sur la terre ferme, les marchands furent conviés au palais de Ntsaoueni où au cours de leurs entretiens avec le Beja (roi), ils lui furent part de l’évènement en Arabie qu’un Prophète de Dieu nommé MUHAMMAD (PSL) enseignait une religion révélée : l’Islam. 
C’est de là que Mtsoimhindza et Fé Bedja Mwambé ont pris chemin vers la Mecque pour suivre les enseignements de la nouvelle religion. Seul Mtsoimhindza a pu terminer son voyage et a passé près d’une vingtaine d’année en Arabie Saoudite avant de rentrer aux Comores et enseigner l’islam. Au fil de temps et durant plusieurs siècles, la religion de l’islam s’est propagée à travers les îles. Dans la pratique, tous les filles et les garçons, dès leur plus jeune âge, ont fait leur premiers pas au SHIWONI (l’endroit du livre) : école coranique. On y apprend la culture musulmane, la lecture du Coran, et comment faire la prière. Ainsi, cette religion est transmise dans toutes les familles comoriennes. Elles suivent des enseignements essentiellement sunnites de rite chaféite.

La croyance chiite

Dans les années 90, des mouvements islamiques apparaissent aux Comores à l’initiative des jeunes arabisants formés à l’étranger. Ces jeunes, ont été formés en Arabie Saoudite (avec un courant Wahhabite) ou en Iran ou bien ont été inspirés par la Révolution de la République Islamique d’Iran (chiite). Le chiite comorien ne s’exprime pas autant que ceux du courant wahhabite. Ces derniers, remettent en cause quelques pratiques ancestrales religieuses, longtemps observées par le comorien. On peut citer en exemple le MAWOULID (fête de commémoration de la naissance du prophète), le SAHA MWEDJA ou Mi-raj (deuxième jour de l’ISRA ou « voyage nocturne ») où le comorien observe un jeûne. 

Pour ces derniers, ces pratiques sont une innovation dans l’islam, ce qui est formellement interdit dans la religion. Donc, dans cet islam, le Coran n’est pas interprété et ne le sont les hadiths. Ils sont suivis tel quel. Le chiite lui, se définit comme étant un croyant suivant les cinq piliers de l’Islam. Mais remettant en cause les compagnons du prophète hormis Ali. Selon lui, ce dernier devait être le premier à succéder le prophète (PSL) après sa mort et non Abû Bakr, Uthmân ibn ‘Affân. Il faut noter que le chiisme est présent dans plusieurs pays mais qu’il est essentiellement majoritaire dans quatre pays dont : Iran [(religion d’État) : 90-95 %], Azerbaïdjan [75- 85 %], Irak [65-70 %], Bahreïn [65-75 %]. 
Cependant, il se divise en plusieurs sectes, dont les plus connus sont les Rawafidhs ou imamites croyant aux 12 imams (Ali, Hassan, Hussayn, Ali al-Sajjad, Muhammad al-Baqir, Ja`far al-Sadiq, Musa al-Kadhim, Ali al-Redha, Mohammad al-Taqi, Ali al-Naqi, Hassan al-`Askari, Mohammad al-Mahdi). Ils sont aussi surnommés les chiites duodécimains ou la secte des douze. Leur croyance se base sur l’obéissance à Ali. Ils disent que : « l’obéissance à Ali est la véritable humilité et sa désobéissance est de la mécréance ». Et leur croyance concernant le dogme prêché par les imams et l’obligation de le suivre : « Les imams ont la science de tout ce qui a été révélé aux anges et aux Prophète ».

Sunnite et Chiite : nuance

Après la mort du prophète, la succession du prophète dans la religion a divisé les musulmans. Deux branches sont apparues. Aujourd’hui, certains se nommant musulmans sunnites disent que la succession d’Abû Bakr, Uthmân ibn ‘Affân est logique alors que d’autres se réclament de partisans d’Ali : les chiites. Au niveau de la pratique, pour les sunnites, l’islam c’est le Coran et les hadiths (sunnas), alors que pour les chiites ce ne sont pas les hadiths mais la parole portée par les imams qui est important. Ils croient cependant que les compagnons du prophète sont tous à respecter sans exceptions. Qu’ils se soient battus et se soient entretués à cause du malentendu pour la succession du prophète les compagnons restent les compagnons. 

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Dans la pratique chiite, d’autres rituels sont observés. On peut citer en exemple l’autoflagellation ou la prière avec une petite pierre d’argile de Karbala. Ainsi, cela ne veut pas dire que le Chiisme se résume à l’autoflagellation comme on nous le présente le plus souvent. Cette autoflagellation est pratiquée par certains chiites, le jour du Achoura, (dixième jour du premier mois de mouharram). Une fête symbolisant la commémoration du massacre de l’imam Hossein, des 72 membres de sa famille et des partisans par le califat omeyyade à Karbala en Irak. C’est interprété comme une lutte contre l’oppression et les injustices par référence à cet événement historique. Chez les sunnites, d’autres rituels sont à noter. En exemple, les sunnites wahhabites, de la Mecque, qui ont une vision littéraliste du Coran et de la Sunna. Puis, les sunnites salafistes ont une vision plus radicale vis-à-vis d’autres croyances.

Le vivre ensemble dans la paix

L’islam ne se résume pas au halal et au haram, l’islam signifie Amour et surtout la Paix. Ainsi comme disait Martin Luther King « Une vérité paix n’est pas l’absence de tensions mais la présence de la justice ». Ainsi, chacun de nous doit cultiver les enseignements de l’islam et non s’opposer à une stabilité presque acquise méritant d’être préservée. Le 27 juillet 2011 avait eu lieu une organisation scientifique du premier colloque à la faculté Imam Al-Chafi de l’Université des Comores. Un événement à saluer comme écrivit dans son article le célèbre imam d’Ivry et chercheur en linguistique, Mohamed Badjrafil. Cependant l’imam s’est posé certaines questions. 

N’y-a-t-il pas plus grave que cela dans le pays qui mériterait l’attention de cette faculté ? Et si on parlait, par exemple, de la violence meurtrière qui sévit ces derniers temps dans le pays ? Ne menace-t-elle pas plus la sécurité et la stabilité du pays que l’entrée du chiisme aux Comores ? Un questionnement logique puisque la thématique et le ton utilisé dans le colloque ne reflétait en rien un travail scientifique : « La propagation du chiisme et son danger pour la sécurité et la paix dans le pays ». Bien évidemment, l’analyse de cette thématique peut être interprétée comme une déclaration de guerre. 
Diverses autres problématiques sont à traiter par les imams comoriens mais ils parlent peu ou presque pas. La solution se traduira par un vrai débat sur les problèmes sociaux et économiques auxquels l’état doit s’y résoudre. Il semble d’ailleurs, que parmi ceux qui vont vers le chiisme aux Comores, peu y vont par conviction. C’est plus le gain d’argent que la conviction qui les y ramène. Le comorien doit mener un débat de fond sur la définition du vivre ensemble en paix.

Recommandations

La religion est un sujet sensible partout dans le monde. L’islam comme toute religion révélée a ses ambiguïtés. L’islam interdit de faire mal à son voisin qu’il soit croyant ou non. Il nous enseigne en même temps que la différence entre un musulman et un autre c’est de croire en l’unicité d’ALLAH, la foi aux anges créés par ALLAH, aux livres célestes, aux messagers d’ALLAH, au jour du jugement dernier et au Destin. La spiritualité et la dévotion restent des actes privés et profonds entre l’homme et Dieu. Alors, ne nous précipitons pour nous insulter, nous mépriser, nous provoquer et nous condamner. Cherchons plutôt une solution pacifique. Ainsi, les recommandations à faire sont les suivantes :
  • Que les chiites sur place restent à leur stade initiale, celui d’avoir la liberté de pratiquer librement mais sans faire une propagande condition sine qua non de garantir une paix toujours vu.
  • Organisation d’un débat de fond sur la question entre les Ulémas (un débat et non une campagne d’intimidation)
Mot clés : Islam aux Comores, le chiisme, le sunnisme, paix et stabilité Source : mohamedbajrafil.com chiite.fr comores-online.com/ wikipedia.org/wiki/Achoura
  • Aperçu sur les croyances des chiites_ Par Abdallah ibn Mohamed Al salafi
  • L’introduction de l’islam aux Comores selon les traditions orales_ Par PIERRE VERIN
  • Wahhabisme et salafisme _Par Pontaut Jean-Marie, publié le 22/05/2003 à l’express.fr
Copyright © 2016, Comores2016-2021: Cette note peut être reproduite en totalité ou en partie, et sous n’importe quelle forme, à des fins éducatives ou non lucratives sans autorisation spéciale du propriétaire du copyright à condition que sa source soit mentionnée.
Par Idrisse Ahamada
Publié en janvier 2016 par comores2016-2021.org
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