Obligation d'alternance
Le peuple comorien vient de donner une dernière chance à son bourreau de système qui, depuis 1978, règne sans partage. Les élections de 2016, sonnent-elles le glas pour les insatiables prédateurs de pouvoir?
Photo d'archives: Un meeting pour le présidentielle de 2016 aux Comores |
La lutte pour l'indépendance, a engendré une formidable prise de conscience sur l'amour de la patrie, non pas comme enseigné à l'école coloniale, mais inspiré de l'enthousiasme des pays africains, asiatiques et latino-americains fiers de leur liberté durement acquise. Les mots d'ordre uhuru na hazi, ungwana ko fu mali faisaient de la génération des années 70, le fleuron du politiquement convenant admiré et soutenu par tout un peuple assoiffé de liberté et de mieux être. Une pression populaire sans précédant a obligé la classe politique à assumer une mission historique pour déclarer l'indépendance unilatérale, c'est à dire sans la tradition françafricaine de « l'indépendance dans l'amitié et la coopération avec la France ». Les tergiversations intrinsèques des dirigeants de l'époque, les tentatives d'abdication de l’establishment et le volte face d'une puissance colonisatrice humiliée ont poussé les partis progressistes du Front National Uni à prendre pacifiquement le pouvoir.
Le Conseil Exécutif National issu du coup d’État du 3 août 1975, dirigé par le Prince Said Mohamed Djaffar a vite orienté la politique nationale vers un patriotisme engagé pour construire une nation souveraine et le peuple a vivement soutenu cette démarche inédite. La tendance révolutionnaire du Front National Uni, conduite par Ali Soilihi a anticipé l 'évolution, dès 1976, par une politique hardie de développement socio-économique dans un contexte de rupture totale avec l'assistanat néocolonial. Cette rupture brutale a fait émerger des formes de solidarité avec les pays en voie de développement appelés à l'époque tiers monde avec comme leadership la Chine populaire, elle aussi engagée dans une démarche de faire la politique autrement. Hormis les violences regrettables constatées, notre pays a su se prendre en charge et se transformer en véritable chantier de développement.
Cependant, la reprise du pouvoir par les conservateurs grâce à la force armée de la France, a remis le pays dans la voie de l'immobilisme. Le pouvoir est redevenu la vache à lait pour qui est soutenu par la France et lui reste fidèle. S'installe alors et durablement le système d'enrichissement illicite, de corruption systématique, d'abrutissement de l'esprit et de l'acte patriotiques, de terrassement du progrès socio-économique et de branle-bas de la souveraineté nationale. La politique devient tactique ya umezi et le pouvoir est une fin en soi, un aboutissement pour assouvir une faim d'orgueil et une arme de destruction passive. Ce système se passe le relais et arrive à son summum de l'impuissance. Il vient de voir son cycle se rétrécir en une courte chaîne aux maillons asthmatiques Azali-Sambi-Mamadou-Azali-Sambi en fait, un craquement qui fait dérailler cet ordre établi en fin de règne. Que ce soit l'un ou l'autre le dernier serviteur, il ne fera que les derniers soubresauts d'un fauve à l'agonie délirante de 5 ans.
L’alternance, ce n'est pas celle qu'ils croient en pensant à eux, c'est celle des forces du progrès qui attendent que les vautours se dévorent pour que les colombes couvent la paix et le progrès. La troisième république se construit par ces acteurs anonymes qui aiment leur pays non pas pour le pouvoir jouisseur mais par le vouloir besogneux. L'alternance n'est pas une question d'un messie sans force de croyance et en besoin de déification, c'est une obligation pour une nouvelle dynamique collective avec une redoutable force de conviction pour le pays. ©DINI Nassur