Portrait et parcours de l'artiste Salim Ali Amir
Le plus grand artiste comorien de tous les temps, Salim Ali Amir, sera en concert en banlieue parisienne, le samedi 29 avril 2017, à 21h, au Centre Culturel Sidney Bechet, 10 Place Henri Barbusse, à Grigny, 91350.
C’est une occasion de refaire un portrait de ce baobab de la musique comorienne. De ce fait, pour mieux cerner et appréhender le parcours de cet immense artiste, nous mettons l’accent sur sa genèse et son art au service des causes nobles.
Descendant des familles prestigieuses des Bobah et des Wadaane, Salim Ali Amir est né au centre de la médina de Moroni, dans le quartier Badjanani. Dès son jeune âge, son père, le Cheikh Amir Bobah lui initie, avec rigueur et affection, à l’apprentissage des fondamentaux de l’islam. A l’école coranique, l’adolescent découvre les Kasuda (chants arabes qui glorifient le Prophète Mouhammad) et le firimbi ou flûte. Enthousiaste et curieux, il s’approprie la flûte en la transformant en un instrument fétiche. Avec sa voix mélodieusement envoûtante, cet enfant de la balle épate et attire ses maîtres ainsi que son entourage familial. Et une de ses interprétations sera enregistrée et diffusée tous les matins sur les ondes de la Radio Comores.
Mais c’est à partir des années 80 qu’un tournant majeur va s’opérer dans sa carrière artistique. Il accompagne le maître Cheikh Izdini Ben Said Massound (originaire de Domoni d’Anjouan, il fut l’un des rares Comoriens à maîtriser l’instrument appelé gambusi) dans une tournée musicale en France et au Canada.
En 1982, il participe, avec ses amis (Boul des Iles, Adina, Sef, Walker, Mohamed Ali Mohamed, etc.), à la création du groupe musical Ngaya. Entre temps, il milite politiquement dans le mouvement des jeunes révolutionnaires Front Démocratique.
En 1985, il se présente, en tant qu’auditeur libre, à l’examen du bac. Le bac en poche, l’artiste en herbe part, en 1987, pour la France afin de faire des études en musicologie.
En France, il sort, avec l’aide de son ami Daniel Yvon (fils d’un député communiste, Daniel est un amoureux des Comores), son premier album appelé Mdjeweri (l’arrogant). Dans cet album, l’artiste manifeste davantage sa lutte contre le système corruptible et la défaillance de l’autorité politique. Ensuite, il enchaine les albums (ils sont onze à son actif) avec des morceaux très engagés, notamment «Wa pambe»(la situation des jeunes filles des jeunes qui étaient domestiquées dans les grandes villes), «Henye»(il dénonce les conditions pénibles des jeunes désœuvrés qui sont malmenés par les détenteurs du pouvoir), «Usiwu» (il passe au pilori ceux qui détournent les biens et prie pour que Dieu leur réserve un jument sévère le Jour de la Résurrection), "Siyasa Bodjo" (il met en lumière l’imposture des hommes et prédit l’arrivée des « barbus» au pouvoir, dix ans avant l’élection de Sambi), «Ripvirwa» (il démontre, avec un sentiment de déception et de mélancolie la faillite et le manque cruel d’imagination de la classe politique comorienne), "Visa" (il pointe du doigt l’ambigüité et la prosternation caractérisant les relations entre la France et les Comores, «sihura mzungu bahata mo hatru»), «Utsitsehe»(il tourne au ridicule ceux qui ont eu la destinée)et «Trawaadjali »(avec des métaphores, il montre l’immaturité d’un nain, «mna irasi »).
Le grand mbadzi est aussi un homme de grands rendez-vous pour des causes nobles.
En 1988, il interprète, avec brio, «Convention», une chanson consacrée sur les droits des enfants.
En juin 19990, comme un Baye Fall (une branche de la confrérie des Mourides qui est fondée au Sénégal par Cheikh Ibrahima Fall) qui erre dans les rues de Dakar en priant, Salim compose la fameuse chanson du Président Mitterrand en se promenant dans les ruelles de Moroni. Dans son œuvre, cet architecte de mots interpelle le président français sur la question de Mayotte en lui rappelant ses engagements lorsque ce dernier était dans l’opposition. Antérieurement, ce grand militant infatigable compose et interprété deux chants emblématiques rendant hommage à la personnalité de Mandela et à la cause palestinienne.
En été 1991, cette bête de scène organise un méga concert au stade mythique de Misiri (Mutsamudu, Anjouan) où il met le public en transe avec des rythmes endiablés. Au grand festival africain de Massa(1993), le mbandzi remporte son premier prix international devant jury, composé des grands artistes dont un certain Manu Dibango (saxophoniste et chanteur camerounais).
Enfin, ce kuhani waho upvandzi (l’astrologue de la composition des chants), fait un retour à ses sources culturelles et artistiques en adoptant le rythme du toirab (musique qui est importée de l’Égypte vers la côte swahilie, notamment Zanzibar).
En 2014, il sort son dernier album, intitulé «Mka Ayetche » (celui qui reste seul). Cet album connait un succès car il fait chanter et danser un public intergénérationnel. Ces détracteurs qui prédisent sa fin artistique ignorent que le mbandzi a plusieurs cordes à son arc. Ils oublient aussi que le mbandzi est le premier Comorien qui a montré que la musique est un métier en créant, avec ses amis Abdallah Chihabidini, Abou Cheikh et Abou Oubeidi, le fameux Studio1 (fin des années 80) à Moroni.
Etablit par Ibrahim Barwane