Anacm-AB Aviation : démagogie ou manipulation ?
Depuis plusieurs semaines, un tapage politico-médiatique s’est organisé contre L’ANACM et son directeur général, Jean-Marc Heintz, qui exigent le strict respect de la réglementation par toutes les compagnies aériennes opérant en Union des Comores, notamment AB Aviation. Une situation qui risque de mettre le pays en difficultés avec l’OACI (Organisation internationale de l’Aviation civile).
G à D: Ayad Bourhane et Jean Marc Heintz |
L’ANACM peut paraître exigeante avec AB Aviation, mais il s’agit à la fois de la sécurité des passagers et de l’image des Comores auprès des compagnies aériennes étrangères et des organisations internationales. Justement, dans un rapport adressé, la semaine dernière, aux autorités comoriennes par la mission de l’OACI qui assiste l’ANACM depuis le 26 août 2016, celle-ci met en garde contre la délivrance de permis d’exploitation aérienne(PEA) à une compagnie sans respecter les normes et pratiques recommandées par l’OACI.
« Les conséquences engraineraient le pays dans une situation de problème grave de sécurité (PGS)», lit-on dans la note d’information de la mission qui date du 13 mars dernier. En clair, les Comores pourraient se voir inscrites dans la liste noire de l’aviation avec toutes les conséquences que l’on connait : toutes les compagnies locales seraient impactées par une telle mesure qui les empêcherait de desservir d’autres pays ; plusieurs compagnies étrangères pourraient également s’éloigner des Comores.
A Moroni depuis août dernier, à la demande des autorités comoriennes, La mission de l’OACI a pour objectif « d’aider les Comores à sortir de la liste des Etats de faibles progrès dans la mise en œuvre de leur plan d’action correctrice établie par le bureau de suivi et d’analyse des audits de l’OACI et d’éviter l’émission d’un PGS(Problème grave de sécurité) ».
Re-certification des compagnies existantes
Dans la note d’information signée par le coordonnateur de la mission, Tidiane Bah, il est clairement indiqué que « la certification des exploitants (compagnies aériennes) a été faite de façon non conforme aux normes de l’OACI » et qu’aucun inspecteur de l’ANACM « ne détient les qualifications requises pour être conforme aux normes de l’OACI ».
C’est la raison pour laquelle, dans son plan de travail, il a été prévu la re-certification des compagnies existantes détenant un PEA comorien, à savoir AB Aviation et Inter Îles Air, et l’entrainement des inspecteurs de l’ANACM durant le processus de certification.
Pour les cas d’AB Aviation dont le PEA est arrivé à échéance le 3 mars 2017, la mission est très explicite. « Compte tenu des difficultés d’exploitation que AB Aviation a eues ces derniers temps, l’ANACM avec notre assistance est obligée en tant que superviseur de la sureté aérienne de se pencher sur le dossier de AB Aviation », prévient la note d’information avant de préciser : « Quand un exploitant aérien arrête ses opérations à cause de problèmes financiers, l’Aviation civile doit revoir les conditions de son PEA afin de s’assurer que toutes les conditions d’obtention sont toujours respectées pour le conserver ». Voilà ce qui arrive à AV Aviation.
AB Aviation n’a jamais fourni un plan financier
D’abord son problème était « d’ordre financier », avance la mission de l’OACI rappelant que la condition de lever sa suspension était de présenter un plan de redressement financier prouvant qu’elle « dispose d’une capacité financière lui permettant d’assurer au moins trois mois d’exploitation ininterrompue et sans recours aux recettes », comme le prévoit l’article 4 alinéa ix de l’arrêté N°13-127 MTPNTICCTT portant modalités de délivrance, de renouvellement, de modification de retrait ou de suspension du Permis d’exploitation aérienne et la surveillance continue des exploitants détenteurs de PEA. Et selon ce même article, « cette capacité financière est calculée sur la base du coût d’exploitation mensuel multiplié par 3 ».
Du côté de l’ANACM, on atteste que AB Aviation n’a jamais fourni un plan financier pouvant répondre à la condition de la suspension de son PEA jusqu’à ce que celui-ci expire le 3 mars dernier. Passé cette date, l’ANACM ne peut pas délivrer à la compagnie un nouveau PEA qui ne soit pas conforme aux normes de l’OACI. Et pour ce faire, il faut attendre le retour des inspecteurs de l’ANACM en formation à l’étranger justement pour pouvoir délivrer des PEA conformes. Il faut préciser que le PEA de la compagnie Inter Îles Air arrive aussi à expiration le 31 octobre 2017. Celle-ci devra également remplir toutes conditions d’obtenir un permis d’exploitation aux normes OACI.
Et quand on prétend ici et là que la question financière de AB Aviation était déjà réglée, l’ANACM précise que « sur une dette de 134 millions sans compter les dettes des années 2012, 2013 et 2014, la compagnie n’a versé que 20 millions depuis le début de cette histoire ».
Que les autorités gouvernementales et les députés de la nation comprennent la position de l’ANACM et de son directeur général, Jean-Marc Heintz. La sécurité des passagers d’abord, puis l’image du pays vis-à-vis des compagnies aériennes étrangères. Il faut abandonner la démagogie et la manipulation. Contrairement à ce qui se dit ici et là, Jean-Marc et ANACM n’ont jamais défié le gouvernement, ni la représentation nationale.
Les conséquences de la délivrance de PEA sans suivre la procédure normalisée
1. Un problème grave de sécurité (PGS ou SSC) est constitué par une situation où l’Etat délivre une licence, un certificat ou une autorisation sans pour autant que les exigences réglementaires nationales ne soient pas respectées, entraînant ainsi un risque immédiat pour la sécurité aérienne.
2. Dès que l’OACI est au courant d’une telle pratique, elle émet à l’encontre de l’Etat un problème grave de sécurité(PGS) : aucune activité USOAP CMC comme un audit n’est requis pour cela. Il suffit que l’OACI émette une demande d’information obligatoire(MIR) pour requérir les justificatifs. Une réponse non satisfaisante suffit pour que le PGS soit généré et communiqué à tous les Etats.
3. Les risques relatifs à la sécurité des vols s’en trouvent élevés.
4. Les autres Etats mettent les Comores sur la liste noire
5. Les assureurs augmentent les coûts d’assurance des avions et des compagnies qui desservent ce pays.
6. Le niveau de trafic s’en trouve affecté car les passagers internationaux perdent leur confiance sur le niveau de sécurité assurée par les Comores
7. Les autres compagnies comoriennes qui sont en règles seront affectées négativement car le PGS frappe l’Etat comorien dans sa globalité.
8. Les Etats desservis par les compagnies comoriennes peuvent restreindre les droits de trafic qu’elles détiennent.
9. L’OACI ne sera pas en mesure de délivrer un code OACI à trois lettres à aucune nouvelle compagnie comorienne pour le démarrage de ses activités
10. Le PGS aura un impact négatif sur l’image des Comores en matière d’aviation civile
11. Il est très difficile de résoudre un PGS car cela requiert une remise à niveau important du système de supervision de la sécurité et requiert par conséquent et en particulier des ressources humaines et financières importantes.