L'armée nationale du développement (AND)
Elle s'appelait « la Garde Comores » pendant la révolution soilihiste. Garde présidentielle (Gp) ou gourmands paresseux, selon es jeunes opposants de l'époque, sous le régime d'Abdallah. Puis force comorienne de défense (fcd) sous le régime de Taki Abdoulkarim. En fin, l' And, ou armée nationale du développement. Certes, les appellations mutent d'un pouvoir à un autre et d'un régime à un autre mais l'idéologie et la pratique restent les mêmes. Hier dirigée par des mercenaires puis par des vieux retraités de l'armée française, aujourd'hui, ce sont les fils de ces vieux condors maladroitement formés qui ont le rênes à Kandani. Presque la moitié des officiers que compte l'armée nationale sont des enfants des familles très aisées ou très influentes. Des enfants dont leurs parents, et tontons ont fait carrière dans cette boui-boui institution et qui les ont legués leurs biens. À quoi sert une armée qui n'a jamais répondu aux multiples attentes de la population en temps de paix comme pendant les invasions ? Qui la profitent ?
Aujourd'hui aux Comores, chaque famille souhaite avoir un de ses enfants parmi les officiers de l'armée. Oui c'est normal car ça paie par rapport aux autres institutions étatiques. En plus, avec leurs armes, au moindre retard de payement de leurs salaires, ils peuvent s'emparer du pouvoir directement comme ça passent en Afrique continentale. En suite, avoir son rejeton parmi ceux qui coiffent, c'est plus qu'une assurance car avant d'être le gardien des institutions il se voit gardien de ses proches, de son village voire de ses amis malfaiteurs.
Mais saviez vous combien perçoit le petit soldat de rang originaire de Sadapoini ou de la région de Nioumakélé ? Chaque fin de mois, il perçoit 40.000cfa, soit 80euros. Et son supérieur originaire de Moroni, Iconi, Mutsamudu, Mitsamihouli ou de Mitsoudjé empoche la somme de 250.000cfa, soit l'équivalent de 500euros sans compter les indemnités de logement, de véhicule de service qui devient la chose de sa famille, les tickets d'essence, à la gratuité pour dédouaner leurs colis et voitures et les autres pourboires qui tombent du haut du ciel ou de Beit-salam. Un tel traitement misérable et une telle injustice fatiguent et poussent beaucoup de jeunes militaires à la désertion et préfèrent se retrouver dans les rues de Moroni plutôt que de risquer leurs vies car ils se sentent léser par le système. Les gradés d'hier ont légué à leurs fils les rênes de l'armée et leurs arrières-petits-fils viendront leur succéder. Oui, noblesse oblige. Je cite à titre d'exemple, le jeune officier « Foukara »(1), qui succéda à son père qui s'est auto-proclamé colonel de l'armée chargé du pétrole pendant la dictature d'Abdallah. Ou bien Ahmed Abdallah, l'ex-dictateur, animé par les rêves de s'éterniser au pouvoir avait envoyé ses enfants au Maroc pour devenir officiers quelques temps après sa mort. Ou l'actuel président qui prépare son fils pour prendre la relève une fois dégoûté du pouvoir.
Beaucoup de ces officiers sont devenus des grands commerçants. Les uns monopolisent le marché très lucratif du ramassage des ordures de la capitale, les autres ont ouvert des magasins de vente des pièces de voitures d'occasions, ou investissent dans la restauration...etc. Aucune différence entre l'armée nationale des Comores avec celle d'Egypte qui monopolise et gère tous les affaires du pays. Ou celle de Madagascar considérée comme l'armée la plus étoilée du monde avec ses milles généraux qui font le commerce des bois précieux ou des pières précieuses. On avait cru un moment au changement pendant le premier mandant du colonel Azali mais rien n' a était fait et certainement vous savez pourquoi. Et ce n'est pas aujourd'hui qu'il va apporter le changement au sein de sa famille. Attendons voir son fils Loukman aujourd'hui commandant de la gendarmerie ce qu'il va apporter comme merveille. Je rêve car le dicton comorien dit « letrindi mbé ya hala, ye tso lissa ye moina ». Formés à Saint-cyr en France, à l'académie militaire de Meknès au Maroc ou à l'academie militaire d'Antsirabé à Madagascar pour la jeune génération, ils n'ont qu'un seul dénominateur commun : gagner plus et ne rien servir.
Une grande reforme s'impose afin de rédorer le blason de cette armée et la donner ses lettres de noblesses et surtout répondre aux attentes de la population. Faire de ce corps, une armée de métier comme l'avait voulu le Mongozi Ali Soilihi est une parmi les solutions. Instaurer dans un avenir proche, le service militaire obligatoire pour tous les enfants du pays pour former des vrais citoyens, des vrais patriotes connaissant les valeurs de l'Etat et des citoyens. La seule parade militaire du 06 juillet ne doit pas rester le seul jour où les militaires sortent de leurs casernes pour saluer leurs compatriotes. Le travail des militaires ne doit pas se focaliser sur le matraquage des enseignants grévistes, ni au syndicat des chauffeurs qui réclament leurs droits. Mais leurs armes doivent lutter contre notre seul ennemi, le sous-développement, l'injustice et le détournement des biens publics. Mais, sommes-nous prêts pour un vrai changement ou bien sommes-nous animés comme d'habitude « nele botsi » et au népotisme qui mine notre société?
Je suis convaincu que le pays a tout pour être prospère. Mais il faut des politiques qui aient l'amour du pays et du peuple pour espérer le vrai changement. Je me rallie à l'idée de maître Abdilah Wade lorsqu'il dit dans son ouvrage « Destin pour l'Afrique » je cite :« l'avenir d'un pays est inscrit dans sa jeunesse ». Le temps des miracles est révolue. Place aujourd'hui à la mérite, aux hommes intègres pour espérer sortir le pays de la misère. Place aux actes et laissons les discours léniniens dans les placards car disait Mitterand : « la dictature du micro est aussi celle des idiots. »
-(1) pseudonyme qui désigne un haut gradé de l'armée comorienne du développement.
Soilihi AHAMADA MLATAMOU