La pertinence de l'opération du déguerpissement des marchands ambulants à Moroni
On se demande si le déguerpissement de ces braves marchands ambulants par le maire de Moroni est l’issue la plus appropriée et durable pour pouvoir désencombrer les artères de la capitale !!
Il est bel et bien du ressort de la police administrative de maintenir l’ordre public qui donc est traditionnellement défini à partir d’une trilogie à savoir la sécurité publique, la salubrité publique (protection de la santé et de l’hygiène) et la tranquillité publique (prévention des perturbations de la rue, du tapage nocturne...etc.). Ce pouvoir de police est donc reparti entre plusieurs titulaires (au niveau national, régional, communal..) conformément à l’ordonnancement juridique régissant les modalités d’exercice des pouvoirs de police administrative.
C’est justement sur la base de ces considérants et particulièrement celui de la salubrité publique et de la sécurité publique (celle-ci comprend tout ce qui intéresse la sureté et la commodité du passage dans les rues et voies publiques ce qui inclut entre autres l’enlèvement de l’encombrement, le nettoiement, l’éclairage ….etc.), que se fonde la décision du maire de Moroni, qui demande justement que les marchands ambulants qui se sont installés dans les trottoirs de la capitale déguerpissent. Il les reproche de créer du désordre en bloquant soit le passage des piétons soit celui des véhicules sans compter qu’ils salissent les rues de la capitale.
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Par ailleurs, il me parait si opportun de porter une analyse systémique de la pertinence de l’opération entreprise par Monsieur le Maire. Je tiens donc à rappeler que cette réflexion ne constitue point un réquisitoire contre la décision prise qui, à mon humble avis, est bel et bien fondée mais plutôt un décorticage de sa pertinence. Sur ce, on se demande si le déguerpissement de ces braves marchands ambulants est la solution la plus appropriée et durable pour désencombrer les artères de la capitale ?
Ne faudra t-il pas envisager une politique à long terme permettant de désencombrer les artères de la capitale de manière définitive toute en faisant en sorte que ces dignes personnes qui, pour la plupart sont des jeunes diplômés, puissent travailler dans de bonnes conditions et subvenir à leurs besoins ? Telles sont les questions dont il faudra mettre en évidence pour pouvoir jauger la pertinence de la décision prise par Monsieur le maire.
En effet, ce phénomène de déguerpissement des marchands ambulants dans les artères de la capitale existe depuis toujours mais les autorités peinent à trouver une solution durable à ces personnes qui ne demandent qu’à gagner dignement leur vie. il ne faut surtout pas perdre de vue sur le fait que ces braves marchands ambulants sont généralement des soutiens de famille et les faire déguerpir sans pour autant proposer d’autres alternatives ne qu’une solution palliative qui ne peut absolument pas perdurer et cela ne fera qu’envenimer la situation, cela va sans dire.
Sur ce, ce qu’on aurait dû faire en premier lieu, est de chercher un endroit où ils pourront s’installer définitivement et travailler en toute quiétude (comme le font certains pays tel que le Sénégal qui a mis en place des marchés dédiés aux marchands ambulants) puis procéder au recasement de ces derniers ce qui aurait pu éviter que des troubles sociaux ne viennent se greffer sur l’opération entreprise. Certes une telle opération ne pourra se faire du jour au lendemain car elle est effectivement une opération de longue haleine mais c’est celle-là qui serait à mon humble avis la plus appropriée et la plus durable.
En outre, cette manière dont il a fallu y procéder aurait pu être bénéfique, me semble-t-il, en ce sens que ça aurait dû permettre d’encadrer ces activités de commerce qui se pratiquent généralement en dehors de tout cadre réglementaire et de pouvoir également prélever des taxes pour le compte de l’Etat. Il faut également se rappeler que Les marchants ambulants n'en sont pas moins un maillon essentiel du secteur informel, ceux ci peuvent contribuer effectivement dans le Produit Intérieur brut d’un pays et on pourra exemplifier cela en citant le cas du Sénégal où l'économie informelle emploie entre 3 à 4 millions de personnes exerçant principalement dans des activités marchandes non agricoles» et contribue globalement dans le Produit Intérieur brut pour près de 50%. Selon le mot de Mamadou Lamine Niang, président de la Chambre de commerce, d’industrie et d'agriculture de Dakar (Cciad) décédé très récemment.
Pour tout dire, les prémisses de cet encombrement des artères de la capitale sont à chercher dans la politique sociale qui ne répond malheureusement pas aux besoins de la population. Le taux de chômage des jeunes ne cesse de grimper, des jeunes diplômés se convertissent de plus en plus dans le commerce informel, plus de 50% des jeunes diplômés en chômage en 2014 et il touche actuellement 52% des jeunes de 15 à 24ans.
Et donc il est du ressort de l’Etat, si l’on veut vraiment sortir de l’ornière, de poser les jalons de la lutte contre le chômage en commençant par éviter que ceux qui essayent tant bien que mal à travailler ne se découragent pas et en faisant en sorte qu’ils puissent travailler dans la dignité et dans des bonnes conditions. Enfin, il convient donc d’offrir une alternative surtout aux jeunes diplômés en promouvant leur réinsertion socioprofessionnelle et en explorant des nouvelles opportunités d’emploi pour les jeunes. Telles sont les mesures les plus appropriées pour lutter à longue terme et définitivement à ce phénomène.
Jamel Issa, juriste de formation
stagiaire à la RADDHO