Des Hôtels et avions et non des mosquées et des tapis
Interview SAID AHMED SAID ABDILLAH Président du Parti Comores Alternatives (P.C.A)
www.lemohelien.com: Après la «diplomatie du tamtam et du tambour», la «diplomatie des nattes de mosquées». Pour rappel, le Vice-président Fouad Mohadji, de passage dans une capitale d’une monarchie du Golfe, avait reçu des nattes pour la grande mosquée de sa ville de Fomboni. Ikililou Dhoinine piqua une crise de jalousie, demanda des nattes pour la grande mosquée de sa ville de Djoiezi, poussant les dirigeants arabes en présence à se poser la question de savoir quand les autorités comoriennes vont sortir de leurs enfantillages et de leur infantilisme. Vous qui êtes un agitateur d’idées, vous posez-vous cette question?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Je vous remercie, d’abord, vous et vos collaborateurs qui gérez ce site d’informations sur les Comores. Je ne connaissais pas l’histoire de ces deux autorités politiques que vous relatez. Mais en Novembre 2016, j’ai été en Arabie Saoudite et j’ai eu des contacts avec certains responsables Saoudiens. Je leur ai demandé « comme vous avez plusieurs avions au sol qui sont presque neufs et inutilisés pourquoi vous ne nous aidez pas en nous les offrant pour lancer les tourismes aux Comores ? ». On m’a répondu je cite « vos dirigeants nous demandent des moquettes et parfois des liquidités et on leur en donne ». Et là vous me citez les actes de certains de nos dirigeants pour confirmer ce qu’on m’a dit.
Je trouve que nous devons revoir notre politique extérieure diplomatie de la pitié et mendicité, et inciter des riches hommes d’affaires des pays du Golfs et leurs Etats d’origine à investir dans notre pays. Lors de ma tournée de pré campagne d’Août – Septembre 2015 dans les pays de l’Océan Indien, j’ai constaté que la plupart des grands hôtels de luxe aux Seychelles appartiennent à des riches hommes d’affaires des pays du Golfe. L’avion dans lequel j’avais voyagé était d’Itihad Airways, une compagnie aérienne des pays du golfe.
Il faudra que nous changions cette diplomatie « religieuse » de la main tendue contre une diplomatie économique et de sécurité. Nous pouvons demander à nos partenaires des pays du golfe de nous construire des hôtels au lieu des mosquées. Nous pouvons leur demander de nous louer, en leasing, des avions au lieu de nous donner des tapis, moquettes et matelas. Nous devons négocier avec eux pour exploiter nos aéroports, qui sont de loin plus grand que celui des Seychelles qui, pourtant, accueille les avions des plusieurs compagnies aériennes. Les pays des Golfs ont aussi des touristes qu’on appelle des « touristes familiaux ». Nous avons un très grand avantage dans ce genre des tourismes. Les touristes des pays du golfe ont besoin des résidences hôtelières. Or nous avons plusieurs maisons construites par les Comoriens de la diaspora qui ne sont pas habitées et qui peuvent être mises en valeur.
www.lemohelien.com: Votre intérêt pour la politique extérieure est connu de tous. Comment expliquez-vous que le Président Recep Tayyip Erdogan de Turquie visite toute l’Afrique de l’Est, s’arrête à Madagascar, donc à 300 km des Comores, mais ignore notre pays? Faut-il y voir du dédain, du mépris, un manque de crédibilité de la part des autorités comoriennes ou un manque d’intérêt stratégique des Comores aux yeux de la Turquie?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
C’est une question très pertinente sur la politique extérieure de notre pays. Nous avions des bonnes relations avec la Turquie dirigé par le président Recep Tayyip Erdogan pendant le régime d’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. Cette relation a été mis à mal par le régime politique du Dr Ikililou Dhoinine. Or, nous devons avoir une relation franche et soutenue avec cette puissance régionale à la fois économique et militaire au sein du monde Musulman. La Turquie est un pays de presque 75 millions d’habitants doté d’entreprises innovantes et des universités qui peuvent nous accompagner afin de développer notre pays. C’est un pays qui a un système bancaire fiable et stable, une puissante compagnie aérienne et des entreprises des BTP de renommés mondiales dont nous pouvons tirer profits.
Aujourd’hui notre diplomatie est dirigé par Mohamed Bacar Dossar et donc par le parti Juwa de l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. Huit mois après le changement de régime politique, nous avons l’impression et j’espère que cela soit juste une impression, qu’on continue, et qu’on renforce la politique extérieure « religieuse » de la pitié , de la mendicité et du sectarisme. Je n’aime pas cette façon d’orienter notre politique extérieure qui n’apporte pas de développement dans notre pays mais incite à la haine de l’autre et à la suspicion.
Le président Azali Assoumani a-t –il une politique extérieure ou il va suivre à la longue celui de l’ancien Président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi ?
J’ose espérer qu’il a une autre politique extérieure afin de faciliter et de mettre sur les rails son vœu de faire les Comores un pays émergeant.
Ceci veut dire une politique extérieure qui nous permet de mieux nous approcher de nos partenaires des pays du Golfe et de notre région naturelle , celle des pays de l’Afrique de l’EST en faisant adhérer les Comores à la Communauté des pays de l’Afrique de l’Est, la CAE, qui regroupe 153 millions d’habitants dans six pays. Nous sommes presque inexistants dans cette région et je crains que ce soit la raison pour laquelle le président de la République Turquie, Recep Tayyip Erdogan n’a pas vu la nécessité même de passer ne serait-ce que deux heures chez nous. Nous devons y remédier afin de faire notre pays plus attractif pour tout le monde , y compris les chefs de l’Etat originaires des pays amis ou voisins.
www.lemohelien.com: En politique interne, est-il excessif de dire qu’Anjouan s’installe doucement et doucereusement dans le séparatisme, que l’État comorien l’y pousse, que bientôt il y aura une implosion de colère et même une guerre civile à Moroni entre Grands-Comoriens et Anjouanais?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Hélas, non ! Le problème du séparatisme n’a jamais été résolu dans notre pays. La raison est simple : on ne l’a jamais combattu mais on l’a favorisé et entretenu. Il ne faut pas oublier que la constitution du 23 décembre 2001, qui a instauré le système de la présidence tournante qu’on utilise encore aujourd’hui favorise et encre notre pays dans le séparatisme. Or, vous savez bien que le séparatisme est comme le cancer métastasique qui n’a pas de meilleure solution que l’exérèse. J’en appelle donc au président de l’Union des Comores et les gouverneurs des îles de prendre cette situation au sérieux et d’y trouver une solution rapide avant que cela ne soit trop tard.
Je n’espère pas qu’on ait une guerre civile et je suis convaincu que les dirigeants actuels de notre pays ne poussent personne dans ce sens. Personne n’a intérêt à ce que le pays sombre dans un chaos politique comme jadis .Je mets en garde certaines personnes qui véhiculent des idées séparatistes dans les réseaux sociaux qu’ils jouent avec le feu et risquent de se brûler elles –mêmes.
www.lemohelien.com: Qu’avez-vous envie de dire à ces Grands-Comoriens qui disent que les Anjouanais ne peuvent pas proclamer la sécession de leur île et être présents à Mohéli et à la Grande-Comore, encore moins diriger les trois îles indépendantes?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Personne n’a le droit de proclamer la sécession d’une île qu’elle soit Anjouan, Mohéli, Grande Comore ou Mayotte. Nous sommes un seul pays, Mayotte, Anjouan, Mohéli et Grande Comore. Mayotte n’a pas fait sécession mais occupé par la France au détriment de notre unité nationale. La lutte pour sa libération continue et continuera. Nous devons éduquer le peuple Comorien sur cette unité de notre nation. Les Comoriens d’Anjouan ont le droit d’être dans n’importe quelle île et d’y travailler, d’y vivre comme tous les autres Comoriens.
C’est dans cette politique de l’unité nationale que nous proposons à nos dirigeants d’hier et d’aujourd’hui d’instaurer le service nationale obligatoire de deux ans. Un enfant Comorien d’Anjouan âgé de 18 ans fera son service national à la Grande Comore et Mohéli, celui de Mohéli à Anjouan et Grande Comore et le Grand Comorien à Anjouan et Mohéli en attendant le retour de Mayotte. Les enfants issus de la diaspora seront classés selon les origines insulaires de leurs parents.
Nous devons arrêter de rêver et de croire que l’unité de notre pays qui est combattu de longue date par nos ennemis , peut se faire sans engagement réelle de nos acteurs politiques.
www.lemohelien.com: Finalement, que vaut aujourd’hui l’idéal d’unité nationale aux Comores, quand on met le feu au marché de Volo-Volo, où opèrent de nombreux marchands anjouanais, qu’on ne veut pas voir à Moroni?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Personne n’a dit qu’on ne veut pas des marchands Comoriens d’Anjouan à Moroni. Je n’approuve pas la politique d’expulsion sans préparation de rechange au préalable. Mais j’espère que cela a été fait dans le but de réorganiser les activités économiques de la Capital, une capital qui nous appartient à tous les Comoriens. Je compte sur la responsabilité de nos dirigeants actuels pour trouver une solution à ces commerçants afin d’apaiser la vie de nos citoyens. L’improvisation et l’agitation des certaines ministres ne produisent rien de bon pour la paix et l’avenir de notre pays.
www.lemohelien.com: Les Comoriens voudraient savoir si on doit vous désigner par le titre «ancien Président du défunt Parti Comores Alternatives (PCA)».
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Vous avez le goût de la provocation et vous êtes resté un provocateur .Je vous l’ai déjà dit : notre parti politique ne mourra pas du fait d’une loi, ni d’un décret et ni d’un arrêté ministériel. Je reste le président du Parti Comores Alternatives (P.C.A) qui est plus actif maintenant qu’avant. Nous continuons notre combat politique et je saisis cette occasion pour dire à notre président de l’Union des Comores Azali Assoumani et à certains responsables de l’opposition que cette loi n’est pas à améliorer mais à abroger.
Pourquoi attaquer les partis politiques au moment où la plupart de nos idées gagnent du terrain et vont jusqu’au palais présidentiel ? Notre combat continue jusqu’à la victoire ou à la mort, l’un ou l’autre pour nous c’est une victoire.
Article publié par SAID AHMED SAID ABDILLAH, Président du Parti Comores Alternatives (P.C.A)