La recherche comorienne : situation et perspectives
Une université moderne comporte toujours au moins deux volets : l’enseignement et la recherche. Les pays riches financent généralement ces derniers sans trop de peine tandis que les pays pauvres n’assurent le plus souvent que l’enseignement si bien que leurs universités ressemblent davantage à de gigantesques lycées qu’à des universités. L’Université des Comores se trouve malheureusement, au moins pour l’instant, dans ce cas de figure car la recherche y demeure presque absente. Or il faudrait, bien évidemment, que l’Université des Comores ne soit pas uniquement un lieu de diffusion de savoirs mais aussi de création de connaissances. Sinon les mots d’excellence et d’innovation n’y auraient aucun sens.
Historiquement, deux organismes ont abrité la recherche comorienne : le Centre National de Documentation et de Recherche Scientifique (CNDRS) et l’Institut National d’Education (INE) qui élaborait des manuels didactiques, devenu par la suite IFERE qui forme des enseignants et des encadreurs pédagogiques du primaire au secondaire.
Aujourd’hui, la recherche comorienne s’effectue à l’Université des Comores (des mémoires et des thèses essentiellement), au CNDRS (des recherches sur la flore et la faune, l’océanographie et la vulcanologie) et à l’Institut National de la Recherche en Agriculture, Pêche et Environnement (INRAPE) relevant d’ailleurs du ministère de la production. Pourquoi ne pas l’avouer ? La recherche comorienne est actuellement quasi-inexistante : absence de textes spécifiques l’organisant, d’organe d’accréditation et d’évaluation, de culture d’évaluation des chercheurs et des unités de recherche, d’outils de publication, d’articulation de la recherche avec l’environnement socio-économique (pour qu’elle soit un outil de développement considéré comme tel par la société et l’Etat) et bien sûr manque de moyens financiers au niveau de la Direction de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (Voir le document sur La Politique Nationale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche à l’horizon 2020, mars 2013).
Situation inquiétante mais pas désespérante car, d’une part, la production scientifique comorienne reste faible mais en constante augmentation ; et d’autre part on observe une réelle croissance du nombre de chercheurs comoriens. Ajoutons aussi à cela que l’Université des Comores a noué des partenariats scientifiques avec plusieurs institutions internationales.
Et je vais m’approprier ici les conclusions d’une réflexion sur l’Université des Comores qui a été faite en voilà quelques années (voir le document sur Les Assises de l’Université des Comores, 2009). Je crois d’abord qu’il faudrait un nouveau texte plus précis que celui de juin 2014 (sur l’enseignement et la recherche comoriens) qui encadre et organise plus finement cette recherche. Je crois ensuite qu’il faudrait établir une politique nationale de la recherche qui s’appuierait sur un programme mobilisateur et le promouvoir auprès d’universités partenaires dans une démarche collaborative. Je crois enfin qu’il faudrait regrouper toute la recherche comorienne à l’Université des Comores : le rassemblement des moyens et des hommes dans une seule institution pourrait lui offrir une plus grande efficacité.
Mais c’est une évidence : la recherche exige des hommes et des femmes hautement qualifiés et énormément d’argent. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les pays riches regorgent des meilleurs chercheurs. Il faut donc financer massivement les formations doctorales, bâtir des lieux de travail aménagés, des bibliothèques modernes et fournies, se doter de matériels techniques, de laboratoires, d’environnement numérique... Il faudrait enfin (j’ai envie de dire surtout) récompenser les chercheurs méritants à travers une politique salariale incitative : en gros, plus le chercheur publie, plus son traitement est valorisé. C’est à ce prix que la compétition et l’innovation entreront à l’Université des Comores.
Voilà qui nous ramène toujours, inexorablement, à l’éternelle question des moyens : comment alors financer tout cela ? Il faudrait que l’UDC produise des prestations génératrices d’argent frais en direction des entreprises (signer par exemple avec elles des conventions pour leur faire payer, partiellement ou totalement, les formations et les recherches dont elles auraient besoin ou dont elles pourraient bénéficier). Mais le compte n’y serait toujours pas. C’est pour cela qu’il faudrait, inévitablement, prendre des mesures courageuses comme revaloriser les frais de scolarité et/ou créer une ou des taxes destinées au financement de l’enseignement supérieur et de la recherche aux Comores. Car soyons responsables : personne, et absolument personne, ne le fera à notre place.
Nassurdine Ali Mhoumadi,