La Meck-Moroni : une gouvernance à améliorer
La réussite de la Meck-Moroni, aiguise les appétits des uns et des autres à l’approche de sa 18eme assemblée générale prévue ce 13 novembre 2016. Cette réussite comorienne fait à oublier à certains que c’ est grâce à la rigueur des uns des autres que la Meck-Moroni, contre vents et marées s’est hissée en moins de 20 ans à la première place des institutions de micro-finance du pays. Normal qu’elle soit l’objet de l’attention de la population et des médias.
Contrairement aux autres institutions financières de la mutuelle, les mutuelles d’épargne et de crédit et les Sanduks sont des institutions qui appartiennent aux comoriens qui sont les membres sociétaires. Ces comoriens sont dans leur droit ont surtout intérêt à demander aux élus et dirigeants de ces institutions de la compétence, de la rigueur et de la discipline dans la gestion de leur institution. Ces derniers doivent mettre en avant les intérêts des membres sociétaires avant tout autre intérêt et de veiller au respect scrupuleux des textes qui régissent cette institution.
Les critiques formulées à l’ endroit de la Meck-Moroni par les membres visent justement à améliorer la gouvernance de « cette réussite comorienne ». Il ne s’agit nullement d’une campagne de dénigrement visant « à déstabiliser l’institution et porter atteinte à l’image du Reseau Meck dans son ensemble » comme semble l’indiquer le Directeur Général de l’Union des Mecks dans son communiqué publié dans les journaux cette semaine. Dans ce communiqué, cet ancien candidat à la dernière élection présidentielle de l’Union des Comores, a affirmé que « contrairement à ce qui est véhiculé par une poignée de personnes aux intérêts inavoués, la Meck-Moroni est bien géré et les dirigeants de l’institution dont preuve de professionnalisme qui assure une performance sociales et financier continue ». C’est de la langue de bois familière à nos politiciens.
Les critiques adressées à la mutuelle visent à améliorer la gouvernance de cette institution. Les auteurs de ces critiques sont avant tout des « personnes aux intérêts avoués » qui veulent sauver la mutuelle d’un naufrage. Les résultats positifs obtenus par cette mutuelle ne doivent pas cacher la mauvaise gestion de l’institution. L’objet des mutuelles d’épargne et de crédit n’est pas exclusivement axé à la réception de l’épargne de ses membres et de consentir du crédit à ses membres, les mutuelles ont aussi pour mission de favoriser la « solidarité et la coopération entre les membres » et de promouvoir « l’éducation économique sociale et coopérative de ses membres ». Ces dernières missions sont souvent oubliées.
Les résultats de ces trois dernières années ont fait ressortir un bilan positif de près de 1 milliard 265 millions (372 273 913 Fc en 2012, en 2013 395 896 149 Fc et 497 823 191 Fc en 2014). Ces fonds ont certes renforcé les fonds propres de la mutuelle, mais les membres n’ont pas toujours jamais bénéficié des retombées de ces résultats positifs cumulés depuis plus de 10 ans. Ces membres ne sont pas parfois associés à l’affectation et à l’utilisation de de ces résultats. Et pourtant selon les statuts, seule l’Assemblée générale est compétente pour « approuver les comptes et statuer sur l’affectation des résultats » et pour modifier la politique de crédit.
A la Meck-Moroni, les points fixés par les statuts pour être soumis à l’Assemblée Générale ne sont pas toujours respectés. Ainsi, l’affectation des résultats annuels n’est toujours pas décidée en AG, la politique de crédit n’est pas approuvée en AG (on est passé à des prêts de 30 millions de Fc sans aucun amendement de la politique de crédit par l’AG) et le projet du budget annuel n’est pas soumis à l’Assemblée. Le quorum n’est jamais atteint dans les AG. Les grandes décisions sont prises en dehors de l’AG (l’affectation des résultats à l'achat de terrain ou à l'octroi des bourses par exemple), des décisions qui vont à l’encontre des statuts.
En outre, il a été décidé il y a trois ans, non pas par l’Assemblée Générale, seule souveraine pour affecter les résultats, que les élus se partagent un pourcentage du bénéfice de la mutuelle alors que l’article 21.6 des statuts dispose clairement que les fonctions exercées par les élus sont gratuites. Toutefois selon toujours les statuts, les frais engagés par les membres du conseil d’administration du comité de crédit ou du conseil d’administration dans l’exercice de leurs fonctions, peuvent leur être remboursés dans les conditions fixés par décision de l’Assemblée Générale. Les élus se font payer des pourcentages sur les résultats annuels alors que les membres sociétaires de la mutuelle qui sont les propriétaires de la mutuelle n’ont jamais bénéficié d’un partage des résultats excédentaires enregistrés depuis la création de la mutuelle.
Ces dysfonctionnement juridiques sont sources de difficultés susceptibles de menacer la survie de cette institution financière. Plusieurs études mondiales portant sur le secteur bancaire et des finances ont montré l’importance des facteurs institutionnels, juridiques et réglementaires dans l’explication des difficultés des institutions financières bancaires. Ces travaux ont mis l’accent sur le rôle de l’origine juridique de la législation, l’importance des mécanismes de gouvernance ainsi que sur le rôle de la réglementation et de la supervision bancaire dans la stabilité et la solidité des institutions financières. Ces facteurs sont très utiles pour la construction de modèles d’alerte précoce des institutions financière dans notre pays.
Il est plus que nécessaires d’améliorer la gouvernance et la gestion de notre mutuelle pour renforcer sa pérennité. ©ComoresDroit