L'Arabie saoudite ne pourra pas entrer dans la grande famille de la francophonie... du moins, pas tout de suite. Le royaume saoudie...
L'Arabie saoudite ne pourra pas entrer dans la grande famille de la francophonie... du moins, pas tout de suite.
Le royaume saoudien demandait le statut de membre observateur à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), une candidature qui créait un malaise compte tenu du piètre bilan de cette monarchie absolue en matière de droits de la personne.
©Présidence Malgache |
Le Québec et le Canada ont pris position, lors d'une rencontre à huis clos, en faveur d'une recommandation d'un comité spécial, qui conseillait que soient envoyés des observateurs sur le terrain, afin de déterminer si Riyad remplissait les conditions nécessaires à son adhésion. Selon une source au fait du dossier, la France, la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Burkina Faso et le Tchad se sont également prononcés pour ce compromis.
Plusieurs pays s'opposaient à cette résolution diplomatique, notamment le Maroc, le Sénégal, le Bénin et le Gabon. Leur poids n'a toutefois pas été suffisant pour faire pencher la balance. La décision sur la demande saoudienne a donc été de facto repoussée au prochain sommet, dans deux ans.
Selon les informations qui ont filtré de la séance plénière à huis clos, Philippe Couillard a joué un rôle dans cette résolution, le Québec ayant été le premier à s'opposer aux arguments du Maroc, qui souhaitait l'adhésion immédiate. Pour plaider sa cause, le premier ministre québécois aurait évoqué le cas du blogueur Raïf Badawi, emprisonné et menacé de torture parce qu'il a prôné la libéralisation du régime.
La veille pourtant, M. Couillard avait entretenu le flou à l'égard de la position du Québec sur cette demande, s'inquiétant d'une part pour M. Badawi, mais signalant de l'autre que ce n'était «pas nécessairement bien» d'isoler ce genre de pays.
Samedi, le premier ministre québécois a voulu dissiper tous les doutes en indiquant qu'à ses yeux, Riyad ne respectait pas deux conditions essentielles à son adhésion à l'OIF: le respect des droits de l'homme et la promotion active du français.
M. Couillard a soutenu qu'il s'agissait-là en réalité de la position que défendait le Québec depuis des semaines, mais a laissé entendre qu'il ne pouvait le révéler la veille parce qu'il s'affairait à forger un consensus sur la question auprès des autres membres.
«Actuellement, il n'y a aucune façon de justifier l'adhésion de l'Arabie saoudite à l'organisation de la Francophonie. Moi je souhaite - et tant mieux s'ils le font - qu'ils entreprennent des réformes profondes. Et la demande que je fais aux Saoudiens, je l'ai faite à l'ambassadeur (saoudien), je l'ai fait à plusieurs reprises: libérez Raïf Badawi. Réunissez-le avec sa famille, chez-nous, au Québec», a indiqué M. Couillard en mêlée de presse, peu avant la décision en plénière.
M. Badawi est emprisonné depuis 2012 , a été condamné à 1000 coups de fouet et à dix ans de prison. Il a été flagellé 50 fois en janvier 2015, mais les autres séances ont été reportées en raison de son piètre état de santé. Sa femme, Ensaf Haidar, s'est réfugiée au Québec, dans la ville de Sherbrooke, où elle vit avec leurs trois enfants. M. Badawi n'est pas citoyen canadien, ce qui complique les choses pour Ottawa et Québec quand vient le temps de plaider sa libération auprès des autorités saoudiennes.
Le gouvernement fédéral est demeuré avare de détails sur les détails de la décision de repousser la candidature de Riyad, mais a confirmé que le premier ministre Justin Trudeau s'était prononcé en faveur du compromis.
L'Ontario, l'Argentine, la Corée du Sud et la Nouvelle-Calédonie, qui demandaient également le statut de membre observateur de l'OIF, ont vu pour leur part leur candidature acceptée.
FANNIE OLIVIER
La Presse Canadienne
ANTANANARIVO, Madagascar