Des vidéos d’un camion de police tamponnant puis roulant sur des manifestants opposés à la présence militaire américaine, tournées mercredi...
Des vidéos d’un camion de police tamponnant puis roulant sur des manifestants opposés à la présence militaire américaine, tournées mercredi 19 octobre à Manille, créent la polémique aux Philippines. Détracteurs comme partisans du nouveau président Rodrigo Duterte, qui crée la controverse en orchestrant une chasse mortelle aux trafiquants de drogue dans laquelle la police a vu ses prérogatives accrues, voient d’un mauvais œil cette violente répression policière.
Une manifestante se faisant écraser par un camion de police à Manille |
Telle une boule dans un jeu de quille, le camion de police fend la foule, propulsant des malchanceux sur son passage, engloutissant une jeune femme qui disparaît sous ses roues. Aucune personne n’a été tuée. Les images de cette répression sont très violentes :
"Le camion a commencé à bouger et à écraser les manifestants"
Bhong, journaliste pour le média local Kilab Multimedia, était sur place lors de l’attaque :
Le camion a commencé à bouger et à écraser les manifestants, on a vu une femme disparaître sous le camion. Heureusement elle n’a pas été gravement blessée, elle n’a que des bleus. D’après ce que j’ai vu, au moins dix personnes ont été blessées dans ce seul accident.
C’est la première fois que les manifestants étaient si près du portail de l’ambassade américaine, le camion n’avait plus d’espace pour bouger. C’est certainement pour cela que la répression a été forte. En premier lieu, la police aurait dû empêcher les manifestants de se rendre si près de l’entrée de l’ambassade.
Selon l’agence Associated Press, le conducteur du véhicule a justifié son acte en affirmant que les manifestants avaient violemment attaqué son véhicule, tapant contre le camion avec des bâtons – ce que confirment de nombreuses vidéos. "Ils essayaient de s’emparer du véhicule", a dit le conducteur.
"C’est la première fois que je vois des violences de ce niveau-là dans ces manifestations"
Mais la réaction de la police n’en a pas moins choqué beaucoup de Philippins, comme l’explique notre Observateur Jayzl Nebre. Employé d’une entreprise allemande de logiciels et basé à Makati au sud de Manille, il décrit l’état d’esprit des habitants :
Beaucoup de personnes ont vu les vidéos et photos de l’attaque. Elles sont critiques envers le comportement des policiers.
Depuis que Rodriguo Duterte a été élu président en juin dernier, il mène une guerre violente contre les trafiquants de drogue. La police a beaucoup plus de pouvoir : avant, la procédure légale limitait davantage ce que les agents avaient le droit de faire ou non. [Le Président a assuré aux agents qu'ils seraient protégés s'ils tuaient des trafiquants de drogue et les a publiquement encouragés au meurtre, NDLR].
Ce changement ne touche que les trafiquants de drogue. Nous n’avons pas assisté à un durcissement du ton de la police de manière générale. C’est la première fois que je vois des violences du niveau de celles d’hier dans une manifestation.
D’ailleurs, j’ai entendu même des partisans de Duterte se prononcer contre ce qu’a fait la police durant la manifestation.
D'après le média philippin Manila Standard, 22 manifestants et 35 policiers ont été blessés. Le policier au volant du camion a été suspendu de son poste et fait l’objet d’une enquête, tout comme huit autres agents de police, dont certains ont également attaqué des manifestants.
Selon Jayzl Nebre, les rassemblements contre la présence militaire américaine sont courants aux Philippines :
Des gens protestent quasiment toutes les deux semaines contre la présence militaire américaine dans le pays. Ils accusent l’armée américaine de profiter des Philippines pour s’entraîner en milieu tropical, sans rendre la pareille au pays. Selon eux, les États-Unis forment bien l’armée philippine à certaines nouvelles technologies, mais sans leur livrer de matériel, ce qui leur semble injuste.
Le 8 octobre, une autre manifestation avait par exemple été organisée lors de la journée nationale pour les peuples indigènes, car les Américains sont très présents à Mindanao, dans le sud des Philippines, où des communautés indigènes habitent.
La coopération entre les deux pays s’est détériorée ces derniers mois, après que les États-Unis ont questionné la violente politique anti-drogue mise en place par Rodrigo Duterte. En septembre, celui-ci avait alors insulté Barack Obama, le traitant de "fils de pute". En visite à Pékin hier, le président philippin a proclamé sa "séparation" des États-Unis pour se rapprocher de la Chine. Depuis 1946, les deux pays étaient alliés. Par observers.france24.com