Entretien avec Mouzaoir Abdallah « Les Comores : un pays égalitariste qui n’aime ni l’intelligence ni l’habileté politique ni l’intégrit...
Entretien avec Mouzaoir Abdallah
« Les Comores : un pays égalitariste qui n’aime ni l’intelligence ni l’habileté politique ni l’intégrité morale. »
Mouzaoir Abdallah : C’est une vie au service des controverses ! Un homme politique sans étiquette politique.
NAM : Pourriez-vous me définir les Comores ?
MA : C’est un pays qui n’aime ni l’intelligence ni l’habileté politique ni l’intégrité morale. C’est aussi une société égalitariste (à cause essentiellement du Grand-mariage solidement installé à Ngazidja).
NAM : Vous avez été longtemps considéré comme un homme politique très brillant. Et pourtant vous n’avez jamais pu accéder à la magistrature suprême.
MA : Effectivement. Et pourtant le président Ali Soilihi avait pensé un moment me léguer le pouvoir. Mais je reconnais que je n’ai jamais pu briser ni les adversités ni les adversaires.
NAM : Qu’est-ce que le pouvoir ?
MA : Le pouvoir, c’est l’ensemble des instruments qui permettent de façonner le destin d’un pays. Il y a cependant un danger qui peut guetter certains hommes ou femmes politiques : c’est la tentation de concentration du pouvoir. Dans tous les cas, diriger, c’est décider, c’est-à-dire trancher. Quant à l’exercice du pouvoir, c’est une question de tempérament.
NAM : Et justement, qu’est-ce qu’un homme politique ?
MA : C’est une personne qui doit être à la fois réaliste et idéaliste. Une précision tout de même qui relève de la psychologie politique : pour être un homme ou une femme politique, il faut au moins avoir une forte personnalité sinon une surestimation de soi, qui peut, d’ailleurs, dans certains cas, relever du pathologique.
NAM : Quel jugement portez-vous sur la classe politique comorienne ?
MA : Je crois que le pouvoir devrait venir de la concertation. Et l’erreur de certains dirigeants politiques est de croire que ce pays est un pays monolithique d’une part, et que d’autre part, qu’il ne reste rien du passé ! Je suis convaincu que la meilleure attitude à adopter quand on est amené à le gouverner, c’est de reconnaître nos différentes histoires (qui peuvent du reste être amères !) et expériences, ce qui permet, bien entendu, in fine, de comprendre nos particularités. L’unité nationale, chez nous, reste, encore aujourd’hui, non pas une réalité, mais un objectif à atteindre.
NAM : Vous avez été deux fois Chef de la diplomatie comorienne (des présidents Ali Soilihi et Caambi El Yachourtu). Pourriez-vous me définir la politique comorienne de la France ?
MA : Je précise que j’ai été aussi ministre de l’Education du président Mohamed Taki Abdoulkarim.
Je reviens à votre question. J’avoue en fait n’avoir jamais compris ce que la France voudrait chez nous ! Je peux formuler néanmoins quelques certitudes. D’abord, les Français savent qu’ils ne connaissent pas les identités comoriennes, qu’ils ne maîtrisent donc pas ce pays très complexe. C’est peut-être ce qui les emmène, en permanence, à douter de leur politique comorienne. D’où le fait que celle-ci paraît souvent complètement illisible. Ensuite, notre appartenance arabo-musulmane doit beaucoup les inquiéter. Enfin, notre pays disposerait de pétrole au nord de Ngazidja, ce qui, vous le devinez, ne laisse évidemment pas les Français, indifférents.
Mouzaoir Abdallah, ancien ministre des Affaires étrangères
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres et Arts