Ali Zamir, ou par quoi il faut en passer pour avoir son visa
L'écrivain comorien a obtenu l'accord du préfet de La Réunion pour venir en France présenter son "Anguille sous roche", la fin d'une attente qu'il nous a racontée.
C'est une situation tellement commune de nos jours que nous avons choisi d'en publier le bref récit, même si elle a heureusement connu une issue positive pour le primo-romancier Ali Zamir, auteur de Anguille sous roche, roman exceptionnel à paraître le 1er septembre aux éditions Le Tripode. Son éditeur, Frédéric Martin, avait lancé une pétition dès mardi 16 août pour alerter l'opinion sur le fait que son auteur se voyait refuser son visa pour la promotion, sur deux mois, de son roman. Y avait-il anguille sous roche ? Que nenni pour le ministère de l'Intérieur, qui annonçait finalement hier (la pétition ayant recueilli 1 500 signatures sur le site Avaaz.com) que « tant le visa que les transits ont été autorisés », en précisant à l'AFP que : « Le visa n'avait pas été refusé, le dossier était en cours d'instruction, c'était un peu long, mais la décision a été rendue. »
C'était un peu long
À propos de « c'était un peu long », nous avions entre-temps reçu de l'auteur lui-même le récit de cette attente, vécue de l'autre côté des guichets. Parce qu'elle concerne, et souvent dans des délais très supérieurs, aussi bien un musicien, dramaturge, danseur, bref tous les champs de la création qui ne connaît pas les frontières, mais subsiste selon le calendrier d'un spectacle, d'une publication, fruits d'années d'investissement, ou encore par l'obtention d'une bourse. Parce qu'elle concerne aussi bien un père de famille travaillant en France dans la parfaite légalité de sa carte de résident pour dix ans, payant ses impôts et qui tente depuis bientôt cinq ans de faire venir son fils adolescent de sa Côte d'Ivoire natale pour ses études en France, et tant et tant – et sans aborder les statuts particuliers de réfugiés politiques, en somme parce qu'elle devient le lot trop commun de nos temps migratoires, en l'occurrence pour le meilleur, voici en partage le simple témoignage du romancier :
« J’ai toujours donné ce qu’on me demandait, toujours fourni les documents requis comme tout autre demandeur de visa. Pourtant, cela n’a pas empêché toutes les raisons absurdes de me faire revenir autant de fois au consulat de France pour faire la longue queue et comprendre que rien n’est encore acquis et que le film ne fait que commencer : oui, cela fait trois mois. Après avoir exigé toutes sortes de documents en me faisant faire au moins trois tours, ils m’ont rétorqué au début du mois de juillet : Pourquoi demandez-vous un visa maintenant alors que vous devez partir en septembre ? Puis… Revenez plutôt au mois d’août. Je reviens début août avec les mêmes documents. Après le dépôt du dossier, on me dit de revenir le jeudi après-midi. Mais on m’appelle encore le jour même pour me dire : Il nous faut une nouvelle invitation (actualisée). Je contacte Frédéric Martin, l’invitation actualisée est envoyée et déposée le lendemain matin. Je reviens le jeudi après-midi comme convenu pour m'entendre répondre : Le préfet de La Réunion n’a pas donné son accord pour votre transit, nous ne pouvons pas vous fournir un visa. »
Par VALÉRIE MARIN LA MESLÉE - Lepoint.fr