J’entends déjà les cyniques me rire au nez ! Car dans les faits, morale et politique ne riment jamais nulle part. Et pourtant je fais parti...
J’entends déjà les cyniques me rire au nez ! Car dans les faits, morale et politique ne riment jamais nulle part. Et pourtant je fais partie des naïfs de ce pays qui croient profondément à la démocratie. Je fais partie des imbéciles qui croient, dur comme fer, que l’élection d’Azali à la présidence de la République a profondément modifié la structure mentale et politique des Comoriens : plus jamais ne sera comme avant dans notre pays. Soit les politiques seront à la hauteur des mandats qui leur seront confiés par le peuple comorien et ils pourront les renouveler, soit ils s’en montreront indignes et ils seront chassés et humiliés comme des malpropres.
Que s’est-il vraiment passé il y a quelques mois ? Un ancien président de la République, qui avait perdu le pouvoir depuis dix ans, et dont le parti politique avait essuyé deux scissions (2013 et 2016), qu’on croyait donc mort et enterré, a battu, de la façon la plus démocratique qui soit, le candidat du pouvoir qui disposait pourtant de l’appareil d’Etat et de beaucoup d’argent pour faire campagne.
Plusieurs raisons expliquent ce phénomène proprement historique dans notre pays mais j’en retiens principalement deux : l’habileté exceptionnelle d’Azali et le rejet de Mamadou par le peuple. Habileté extraordinaire d’Azali en effet car il a d’abord fédéré, méthodiquement, pendant dix ans, et jusqu’au 21 février 2016, les démocrates libéraux de ce pays contre la menace intégriste et démagogique. Et, par pragmatisme, il s’est ensuite allié à son ennemi juré d’hier (mais qui se trouve être l’homme le plus populaire du pays) pour gagner les élections. Voilà une performance tactique qui restera dans les annales politiques des Comores.
L’autre raison qui a favorisé l’élection Azali est le rejet de Mamadou qui croyait naïvement acheter la conscience de tout un peuple avec des billets de banque et/ou des contrats de travail sans avenir. Je suis personnellement convaincu que les Comores ont évité de très peu la catastrophe. Je l’avoue avec beaucoup de gravité : l’idée que les Comores ont failli être gouvernés par Mamadou/Msaidié/Abiamri me fait encore aujourd’hui des frissons et me donne encore des sueurs froides la nuit !
Ce qui m’intéresse désormais cependant, c’est plus l’avenir de ce pays que celui de ses dirigeants – encore que les deux sont souvent liés. Que tous les décideurs de ce pays (politiques et économiques) comprennent que ce qui s’est passé en avril et mai dernier invite à la modestie, à la modération, à la réflexion et surtout à l’efficacité dans les charges qui leur sont confiées ; et certainement pas au mépris et à l’arrogance… Car la sociologie électorale du pays a changé avec l’arrivée de l’Université des Comores, du téléphone portable et des réseaux sociaux. Qu’ils sachent qu’il existe en effet dans ce pays une majorité silencieuse, minée par la misère ou désarçonnée par l’arrogance du pouvoir, mais digne et patriotique, capable d’endurer, stoïquement, les pires humiliations pendant cinq ans d’ineptie mais capable en même temps de sanctionner ceux qui n’auront pas respecté la parole donnée lors des campagnes électorales.
La politique, c’est certainement de la tactique pour gagner les élections. Mais c’est peut-être surtout des idées, des valeurs, des programmes, des projets, de l’humilité et de l’honnêteté. C’est aussi éventuellement peut-être du respect pour le parti et les compagnons de combat. Oublier cela revient nécessairement à se préparer des lendemains difficiles qu’aucune tactique ne saurait éviter.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres