Aux Comores comme dans la plupart des pays africains, le mauvais fonctionnement du système de santé est essentiellement dû à l’absence des ...
Aux Comores comme dans la plupart des pays africains, le mauvais fonctionnement du système de santé est essentiellement dû à l’absence des textes juridiques. Rares sont les pays qui possèdent un véritable Code de la santé publique qui organise le fonctionnement des hôpitaux de manière précise et pose les bases sur lesquelles doit s’appuyer la pratique médicale.
L’Union des Comores dispose d’un ensemble de textes pris pour permettre de faire fonctionner correctement les établissements sanitaires, organiser les professions médicales et l’enseignement médical. Une loi sur la protection de la santé publique (loi N° 95- 013 du 24 juin 1995 relatives au code de la santé publique et de l’action sociale pour le bien être de la population ainsi que son annexe relatif au code de la déontologie) a été votée par le parlement comorien il y a bien longtemps et nous pouvons constater qu’il s’agissait plutôt d’une loi héritée de la colonisation qu’il fallait la transposer dans le contexte national. Mais ce texte n’a connu aucun autre toilettage, cela fait maintenant plus de vingt ans.
Le même problème se pose avec le Code de déontologie médicale issu de la même loi du 24 juin 1995. Ce texte de trois pages reprend mot pour mot les principes indispensables à l'exercice médical. Or, force est de constater leur inobservation par les médecins qui balayent d'un revers de manche le serment d'Hippocrate. Mais en vingt ans, notre Code de la santé est resté tel, comme si aucun changement majeur n’était apparu dans le monde médical pendant toutes ces années. A ce sujet, nous pensons que c’est aux membres du corps médical de prendre les initiatives afin de faire évoluer la profession et non au législateur qui très souvent ne sait absolument rien du fonctionnement de la pratique médicale. Ce sont les professionnels de la santé qui pourront par le biais de l’ordre des médecins d’orienter, d’aider et de permettre aux parlementaires de faire naitre des textes nécessaires et adaptés à notre vie quotidienne.
Le droit médical doit venir mettre de l’ordre dans le fonctionnement de nos institutions sanitaires. Il y va de l’intérêt des patients. Nous ne pouvons plus accepter que des femmes enceintes décèdent à l’accouchement, que des actes médicaux soient dispensés contrairement à la procédure ou encore que des patients ressortent beaucoup plus malades de l’hôpital à cause des infections nosocomiale, sans que les responsabilités ne soient situées. Il est temps de mettre un coup d’arrêt à la maltraitance, aux injures et aux agressions à l’encontre des malades dans nos hôpitaux. Le corps médical est souvent mis au banc des accusés pour racket, vol de médicaments ou plus grave encore : faux diagnostic. Dans certains cas, ce sont des femmes enceintes qui meurent tout simplement parce qu’elles n’ont pas pu s’acquitter des sommes exigées par des médecins indélicats qui demandent de l’argent avant toute intervention. C’est un véritable système de corruption et d’affaires qui a pris son essor dans nos hôpitaux publics, souvent sous l’œil bienveillant des premiers responsables de ces structures Où se trouve le sens du devoir ? Que fait-on du serment d’Hippocrate ? Le travail des médecins consiste-t-il à sauver des vies ou à établir des listes de morts par jour ? Tous ces faits sont de véritables cas de violation des droits des patients par des professionnels de la santé qui n’ont assurément aucune notion du droit médical.
Les discours et les menaces des responsables politiques et administratifs n’ont aucun effet sur ces pratiques qui ont la peau dure tout simplement parce que les sanctions ne sont pas appliquées. Mais comment sanctionner des actes qui ne sont pas officiellement reconnus par des textes de lois vigoureux ?
Notre texte de loi développe longuement les thèmes portant sur le fonctionnement et l’organisation des services. C’est bien, mais l’essentiel ne se situe pas à ce niveau. Il faut mettre l’accent sur le respect de la vie du patient, le respect de la vie privé du patient, le respect de sa personne et de son intimité, le respect du secret médical, le droit à l’information du patient, la qualités des soins et des actes, l’équité et la justice dans fourniture des soins, rejeter toutes les formes de discrimination, demander aux médecins de faire face à leur premier devoir, celui d’accepter de soigner les patients qui viennent à eux et enfin situer les responsabilités en cas de faute. Ce sont autant de droits, autant de sujets sur lesquels le législateur comorien doit se pencher sans plus attendre.
En effet, combien de fois avons-nous entendu aux Comores qu’un problème de faute ou d’erreur médicale a été porté devant les juridictions comme c’est souvent le cas dans les pays africains ?
Le justiciable envisageant d'engager la responsabilité du médecin se heurte à un vide jurisprudentiel en la matière ainsi qu'à l'inapplication du pouvoir disciplinaire de l'Ordre des médecins. En outre, la religion, la coutume et le soupçon plus ou moins fondé qui pèse sur le juge, sont autant de freins à la consécration d'un régime de responsabilité médicale efficient.
Cela est à mettre sous le compte de la méconnaissance par les usagers des services hospitaliers de leurs droits. Ces erreurs et ces fautes se produisent quotidiennement parce que les professionnels de santé ne connaissent eux-mêmes les devoirs auxquels ils sont soumis. Si le médecin ou l’infirmier ne sait pas ce qu’il doit faire ou ne pas faire face à un patient, comment voulez-vous qu’il agisse de façon professionnelle ? A côté de cela, nous pensons aussi que c’est le fait de savoir qu’il a en face de lui quelqu’un qui ignore totalement ses droits qui encourage le professionnel de santé à agir avec autant de négligence. Il ne craint rien parce qu’il sait que sa responsabilité ne sera jamais remise en cause par une personne qui n’a aucune notion de ses propres droits et qui n’attend que la guérison. Et pour atteindre ce but, elle est prête à se « soumettre à tout » parce que pour elle, le médecin représente l’ultime recours, il ne faut donc pas l’indisposer.
Aujourd’hui, c’est à nous de faire comprendre aux uns et aux autres que la relation patient/soignant est une relation contractuelle qui oblige toutes les parties au contrat. Il nous faut donc un Code pénal très virulent afin de conférer l’efficacité relative aux dispositions légales et règlementaires qui régissent la profession médicale. Les nouvelles normes pénales doivent s’entendre à sanctionner sévèrement les atteintes liées à l’exercice médicale afin de lutter contre les entreprises des personnes qui prétendent exercer l’art médical en ne possédant pas les connaissances exigées pour entreprendre un acte médical.
ALI DJAMBAE NASSER
Juriste spécialisé en droit sanitaire et social