Sur les 84 personnes qui ont perdu la vie sur la promenade des Anglais le 14 juillet, une trentaine étaient de confession musulmane ou d...
Sur les 84 personnes qui ont perdu la vie sur la promenade des Anglais le 14 juillet, une trentaine étaient de confession musulmane ou d'origine maghrébine.
L'heure est au deuil. Tahar Mejri avait crié son désespoir en cherchant deux jours durant son fils de 4 ans, fauché dans l'attentat du 14 juillet avec sa maman. Sonné, il assistait mardi à une prière devant leurs cercueils dans une mosquée de l'est de Nice, où des imams ont lancé des appels à l'union nationale. Une « trentaine » de personnes de confession musulmane, majoritairement franco-tunisiennes, ont été fauchées par le camion du tueur tunisien radicalisé Mohamed Lahouaiej Bouhlel sur la promenade des Anglais de Nice, estiment les imams niçois, sur la base d'informations encore parcellaires.
À la grande mosquée ar-Rahma (La Miséricorde), dans le quartier populaire de l'Ariane, une cinquantaine d'hommes et une trentaine de femmes ont prié mardi devant deux cercueils d'adultes en bois clair et un petit cercueil blanc d'enfant, a constaté l'Agence France-Presse. Ce sont ceux de la Franco-Tunisienne Olfa Khalfallah, née en 1985, et de son garçonnet Kylan, qui aurait eu 4 ans le 14 août, pleurés par Tahar. Et celui de Bilal Labaoui, un jeune homme de 29 ans originaire de la ville de Kasserine en Tunisie, qui projetait de se fiancer. Les défunts seront enterrés en Tunisie.
« Que les victimes soient musulmanes, qu'elles soient chrétiennes, qu'elles soient athées, c'est une douleur pour l'ensemble de l'humanité », a glissé le vice-président du conseil régional du culte musulman Boubekeur Bekri durant la cérémonie. « Voilà le résultat de cette barbarie », a-t-il dit tristement aux fidèles figés devant les cercueils. « Qu'Allah donne de la force aux familles dans notre pays qu'on aime et qu'on chérit », a prié l'imam de la mosquée ar-Rahma, Otmane Aissaoui, après avoir égrené les dates de naissance des victimes et leur date de décès, le 14 juillet 2016. « Votre communauté est sans doute la plus touchée dans cet attentat », a précisé un représentant de la mairie de Nice, Auguste Vérola.
Appels à l'union nationale après les tensions
Mercredi, une cérémonie dans une autre mosquée honorera une femme franco-marocaine et son neveu de 13 ans. Jeudi, les fidèles prieront aussi pour deux Franco-Algériens morts dans l'attentat. Ils s'inclineront sans doute aussi devant le cercueil de la Franco-Marocaine Fatima Charrihi, 62 ans, mère au foyer de huit enfants, une femme pratiquante portant le voile, qui était arrivée à Nice à l'âge de 20 ans pour rejoindre son mari maçon. Cinq jours après le carnage qui a fait 84 morts sur la célèbre avenue de front de mer de Nice, les responsables niçois du culte musulman lancent tous des appels à l'union nationale.
La tension était très palpable lundi sur la promenade des Anglais de Nice où des invectives ont fusé à l'encontre des Maghrébins présents, selon plusieurs témoignages. Mais pour les imams, il n'est pas question d'avoir peur et de gommer les signes d'appartenance à l'islam comme le voile. « La montée de l'islamophobie, on l'a constatée ces derniers mois. C'est le fait d'une minorité infime », a estimé auprès de l'Agence France-Presse l'imam Otmane Aissaoui, en rappelant que ce sont aussi « des Tunisiens qui conduisaient les ambulances ou opéraient dans les hôpitaux le soir de l'attentat ».
« La communauté musulmane doit dénoncer la radicalisation. On a trop laissé le terrain à des personnes extrêmes. Il faut changer de cap, les musulmans français doivent participer aux élections », préconise Boubekeur Bekri, enseignant et imam d'une autre mosquée de l'Ariane. « Soyons unis au plus haut niveau de l'État autour de cette douleur », a lancé Abdelkader Sadouni, très ému, l'imam d'une mosquée des Moulins, un quartier populaire niçois à l'ouest de la ville. « On voit qu'il y a des gens qui utilisent des mots qui font mal, mais la communauté musulmane va enterrer une trentaine de personnes, c'est toute la France qui est en deuil ! » a-t-il insisté. Au fond de la mosquée ar-Rahma, à l'issue des prières, les femmes se sont assises en cercle autour d'un immense plat de couscous, invitant les non-musulmanes à y goûter à leurs côtés. À l'extérieur, Tahar Mejri, 39 ans, a ressorti d'immenses photos de son fils, bambin au sourire éclatant, dernier hommage à une vie détruite. AFP