Les Comoriens attendent beaucoup de leur nouveau président. Et ils ont bien raison. Ont-ils d’ailleurs seulement le choix, les pauvres ? Ca...
Les Comoriens attendent beaucoup de leur nouveau président. Et ils ont bien raison. Ont-ils d’ailleurs seulement le choix, les pauvres ? Car cet homme qui a pris le pouvoir pour la première fois à 40 ans par la force, qui a dirigé les Comores trois ans durant de façons autoritaire (1999-2002) avant de le diriger de façon démocratique (d’une main de fer quand même !), qui est resté hors du pouvoir dix ans durant (assez de temps pour pratiquer une introspection et se fixer des perspectives), n’a pas du tout le droit de décevoir…
Qui est cet homme en fait ? Azali est un révolutionnaire dans l’âme (il avait épousé la politique soilihiste dans sa jeunesse, il avait été un sympathisant du FD, il a fait un coup d’Etat) devenu, par pragmatisme (pression internationale oblige !), réformiste. Un homme de poigne qui sait diriger les choses et les hommes. Un stratège coriace qui arrive à se sortir des pires difficultés. Des preuves ? J’en donne juste deux : il a pu « résoudre » la question séparatiste en restant presque un paria de la scène internationale tout en rendant à l’administration comorienne ses lettres de noblesse : jamais elle n’a été aussi efficace que pendant cette période (1999-2002). Il a gouverné le pays du moins mal qu’il pouvait dans une période d’affrontements politico-institutionnels sans précédent dans l’histoire nationale post-indépendance : alors qu’il était en conflit avec les gouverneurs des îles et ne disposait d’aucune majorité dans aucune assemblée, il a pu quand même laisser au pays un bilan plutôt honorable. Le pays a-t-il davantage tiré profit de ses gouverneurs rebelles ou d’Azali qui était alors exécré par l’opinion ?
Que cherche aujourd’hui cet homme de 57 ans qui aurait pu se contenter d’une retraite paisible et confortable dans l’une de ses villas cossues (d’Itsandra Mdjini ou de Mitsoudjé) ? La vengeance (humilier ceux qui l’on trahi hier ?), le pouvoir (un mâle dominant qui veut toujours être au-dessus de tout le monde ?), le statut de grand notable sans faire le grand-mariage… Toutes ces réponses sont soit fournies par ses adversaires soit par les sceptiques.
Je crois personnellement que cet homme de gauche (il refuse l’ordre établi, pense en permanence aux plus modestes) mais qui a des références à droite (qui ne jure que par l’autorité) a envie de marquer l’Histoire. Aurait-il, par hasard, comme modèle Charles de Gaulle ? On peut être fortement tenté de le penser. Je prends en tout cas le risque de faire le rapprochement : De Gaulle, un officier, a ramené la paix en France, l’a gouvernée quelques années, lancé quelques réformes, s’est retiré à Colombey-les-Deux-Églises pour revenir en 1958 refaçonner complètement ce pays. Azali, un officier, a ramené la paix aux Comores, lancé quelques réformes, s’est retiré dix ans, à Itsandra Mdjini, pour revenir de la façon la plus démocratique qui soit.
Il reste que ce début de mandat est pour le moins laborieux et très difficile à cerner. Je reste pourtant convaincu d’une chose : Azali rêve d’être le Charles De Gaulle comorien. En a-t-il réellement l’envie ? Il devra le prouver très vite avant qu’il y ait un divorce total, sans réconciliation possible, avec l’opinion. Une autre conviction personnelle : il a le profil nécessaire, l’expérience requise, les épaules assez larges, et les ressources humaines appropriées pour réussir sa lourde mission. A lui de montrer qu’il est à la hauteur de la confiance que les Comoriens lui ont accordée. Je veux dire à la hauteur de l’Histoire.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres