Mais qu’est-ce passe-il à l’ORTC ? Quand il s’hasarde à regarder cette chaîne de télévision sensée être le fleuron du paysage médiatique co...
Mais qu’est-ce passe-il à l’ORTC ? Quand il s’hasarde à regarder cette chaîne de télévision sensée être le fleuron du paysage médiatique comorien, le téléspectateur, horrifié par la nullité qu’il découvre, crie «koodoo !», et se pose beaucoup de questions : y-a-t-il un commandant à bord de ce vol en perdition ?
Les dirigeants de l’ORTC ont-ils conscience que leur chaîne fait peur ? Cette télévision n’a ni cohérence, ni programmes de flux, ni programmes de stock, ni programmation harmonieuse encore moins une identité, car dépourvue d’une réflexion stratégique au niveau de sa direction. L’amateurisme semble être la seule politique appliquée. Et pourtant, il y a du potentiel, je reste convaincu qu’il y a des personnes de talent en dehors et au sein même de cette maison ; et pourtant l’ORTC peut continuer à être la caisse de résonance de l’action du gouvernent tout en contribuant à la renaissance du pays. Mais j’ai l’impression que les responsables de ce média public sont coupés de la marche du monde audiovisuel.
Ou bien s’agit-il tout simplement d’un sabotage en règle ? Le font-ils exprès ? Dans tous les cas, les nouvelles autorités comoriennes doivent prendre des mesures parce que le ras-le-bol des rares téléspectateurs de cette chaîne agonisante est gigantesque.
Rappelons qu’avec les NTIC, la multiplication du nombre de chaînes (locales et satellitaires), le changement des modes de consommation du Comorien et l’arrivée du tout nouvel opérateur fournisseur d’accès Internet TELCO dans le marché des télécommunications aux Comores, avec inévitablement le lancement de sa prochaine offre triple-play, qui va révolutionner le marcher du media au pays, la télévision comorienne sera confrontée à des mutations économiques et structurelles importantes. Les voies et les offres de conditions d’accès à la télévision vont accroître, et les modalités de sa consommation vont se diversifier sous nos cocotiers.
Dans ces conditions, l’ORTC doit accompagner cette évolution en franchissant une nouvelle étape afin de coller à la nouvelle télévision multimédia. Sa nouvelle direction doit penser à la nouvelle organisation du marché des industries médiatiques et à la structuration des pratiques de consommation culturelle.
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Je suis pour une révolution médiatique à l’ORTC. Oui, une révolution. Cette chaîne doit changer sa mentalité et évoluer avec son temps si elle veut continuer à exister. Et il n’y pas de remède miracle, mille sabords ! Juste beaucoup d’imagination, une réelle volonté de changement et un peu de bon sens. La formule est simple : l’offre de la programmation de notre télévision publique doit être attrayante et divertissante pour être en mesure d’attirer le public, accroître les abonnements (en France particulièrement, avec le partenariat de Telma) et de faire venir les annonceurs (une régie publicitaire digne de ce nom doit être mise en place).
Aux Comores, où l’on confond le développement avec un modèle consumérique galopant, nous allons assister à un essor de l’interactivité avec sa consommation non-linéaire sous forme de télévision à la demande (pay-per-view). Dans ce contexte, l’ORTC doit être prête à évoluer et suivre son temps, le financement d’une télévision par l’argent d’un Etat pauvre n’est pas un modèle économique viable. Ses sources de financement doivent se révolutionner.
Actuellement, ce service public de l’audiovisuel comorien dispose d’une dotation du budget général de l’Etat. L’objectif est, à terme, la diminution voire la suppression de cette contribution.
Il s’agira pour notre chaine nationale de tirer principalement ses ressources financières des recettes de la publicité et des abonnements, et de ne pas attendre systématiquement des subventions de notre indigent Etat pour exister. La contribution à l’audiovisuel public (la redevance collectée par la Mamwe) et l’argent public seront des revenus d’appoint. Les ressources commerciales, les prestations de services et les abonnements doivent être en mesure de faire fonctionner de façon optimale notre ORTC, qui doit être en mesure de capter la plus grande part des investissements publicitaires bruts dans les médias aux Comores. Mais pour que ces investissements publicitaires progressent, il faut que le public de l’ORTC progresse ; et pour que ce public progresse, il faut obligatoirement des programmes pertinents et divertissants qui maximiseront l’audience.
Ce que notre ORTC est incapable de faire jusqu’à maintenant. Et pourtant, il n’y rien de magique, la progression des recettes passe par une meilleure programmation. Des bonnes émissions accroîtront les abonnements, lesquels constituent une source de financement considérable. Il faut savoir qu’actuellement en France métropolitaine, l’ORTC enregistre à peine 9000 abonnés, dans un marché de plus de 100 000 foyers comoriens (selon une étude de marché réalisée par notre équipe en 2010), des abonnés potentiels, sachant la forte demande nostalgique de la diaspora. Ce désintérêt de cette télé est dû à sa grille des programmes rarement pertinente, peu divertissante, répétitive et qui ne couvre même pas le tiers de l’antenne.
En définitive, une meilleure administration de cette société publique, par l’arrivée de nouveaux dirigeants talentueux, dotés de l’énergie et de l’inventivité nécessaires au redressement de cette maison d’information et de divertissement, par la numérisation de l’antenne et la modernisation du matériel, par l’innovation dans les programmes, par le sérieux de son personnel, le public sera au rendez-vous, le marché de la télévision comorienne et les revenus des abonnements seront en croissance, les recettes publicitaires augmenteront et les financements publics diminueront progressivement pour qu’enfin notre ORTC s’autofinance.
Cette autonomie financière d’une entreprise d’Etat doit être un objectif primordial. Les ressources publiques dédiées à l’ORTC seront utilisées dans un autre domaine. La télévision nationale deviendra enfin Le Media-Service public capable d’accompagner un développement durable de nos chères Îles Comores.
Youssouf IBRAHIM, écrivain et chargé de production audiovisuelle.