Comores. Pour la première fois dans l'histoire politique de l'archipel des Comores, une partie des électeurs seront appelés aux urn...
Comores. Pour la première fois dans l'histoire politique de l'archipel des Comores, une partie des électeurs seront appelés aux urnes pour un 3ème tour du scrutin présidentiel demain mercredi 11 mai. La Cour constitutionnelle en a décidé ainsi alors que le colonel Azali a, le 10 avril dernier, largement devancé ses concurrents soutenus par le pouvoir en place.
"Le peuple comorien en a ras-le-bol de l'actuel président Ikililou Dhoinine" : c'est ce que l'on entend ou peut voir inscrit sur les murs des trois iles de l'Union des Comores (Grande Comore, Anjouan, Mohéli), en campagne électorale depuis quasiment le début de l'année. Et ce "ras-le-bol" s'est traduit dans les urnes le 10 avril dernier, après un premier tour du scrutin qui s'était déroulé le 21 février.
Des 25 candidats en lice au premier round, il n'en restait que trois au second tour le 10 avril, à l'issue duquel le colonel Azali Assoumani est arrivé en tête avec 40,98% des suffrages devant ses adversaires Mohamed Ali Soilihi dit "Mamadou", vice-président de l'actuel gouvernement (39,87%) et Monigni Baraka, gouverneur de la Grande Comore (19,15%). En même temps que le scrutin présidentiel, avait lieu également l'élection des gouverneurs des trois îles. En clair, le peuple comorien devait se prononcer et pour leur futur président et pour le gouverneur de leur île. Au terme de ces élections, on constate que partout, les candidats soutenus par l'actuel pouvoir ont été battus.
Rappelons qu'aux Comores - cette ancienne colonie française de tradition musulmane sunnite - suite à une crise politique majeure survenue il y a 17 ans, il existe ce que l'on appelle une tournante. Tous les cinq ans, le peuple est appelé aux urnes pour élire le président de l'archipel. Lequel président doit émaner selon la tournante, d'une des trois îles. Après Mohéli durant ces cinq dernières années, c'est au tour cette fois-ci de la Grande Comore d'où sont issus les trois candidats en compétition depuis le 10 avril. Sur les 330 000 électeurs que compte l'archipel, environ 100 000 ont voté.
Le colonel Azali a terminé avec une avance de plus de 2000 voix. La Commission électorale nationale indépendante dont les 13 membres sont nommés par le pouvoir en place a proclamé les résultats du scrutin le 15 avril dernier. Les partisans d'Azali pensaient que "c'était plié". Le peuple comorien dans sa grande majorité scandait déjà dans les rues le nom du vainqueur Azali. Mais, coup de théâtre ! La Cour constitutionnelle, qui a attendu la date limite pour se prononcer, a estimé que les résultats du second tour ne pouvaient être validés en l'état, parce que sur les 723 bureaux de l'archipel, des "irrégularités" auraient été constatées dans 13 bureaux à Anjouan.
"Bourrages des urnes"
Des "bourrages d'urnes" pour appeler un chat, un chat. Aussi, pour la première fois dans l'histoire des Comores, une partie des électeurs - un peu plus de 6000 provenant de six villages sur l'île d'Anjouan - vont devoir revoter. "Un 3ème tour qui ne répond à aucun texte juridique ni à aucune jurisprudence. En 2010, des irrégularités avaient été constatées dans 14 bureaux de vote et, malgré tout, la Cour constitutionnelle avait validé les élections", observe Kamalidine Souef, proche de Assoumani Azali. Plus étonnant encore, les membres des bureaux de vote sont tous nommés par le gouvernement. Le colonel Azali n'a personne de son camp dans ces bureaux. C'est le ministère de l'Intérieur qui est en charge de l'élection présidentielle. "On ne peut donc pas accuser Azali d'avoir bourré les urnes", insiste Kamalidine Souef.
Qu'est-ce qui se cache alors derrière cette décision prise par la Cour constitutionnelle qui, en outre, la délibéré sans quorum ? Qui n'a pas intérêt de voir Azali accéder à la présidence de l'archipel ? Nombreux sont les regards qui se tournent aujourd'hui vers "la France officieuse" que certains appelaient il n'y a pas si longtemps encore la "Francafrique". Vers ses grandes entreprises françaises bien installées dans l'archipel et qui se partagent les principaux grands marchés publics (réalisation de routes, exploitations de carrières ou pétrolière). Lesquelles travaillent en "étroite collaboration" avec l'actuel pouvoir et avec aussi la bénédiction du pouvoir parisien. Selon les partisans d'Azali, la France qui, à bien des égards considère encore les Comores comme une colonie, "craint qu'un changement de pouvoir puisse faire sortir certains gros dossiers pas très nets. Des dossiers qui pourraient éclabousser son rôle dans l'archipel". Le camp d'Azali ne se fait cependant guère de souci. "A moins d'un gros bourrage d'urnes de la part des partisans du pouvoir en place, ou d'un nouveau stratagème inventé par le gouvernement, l'issue du 3ème tour devrait être favorable au colonel Azali qui, pour ce 3ème tour, a obtenu le soutien de plusieurs leaders politiques comoriens parmi lesquels l'ancien président Sambi (2006-2010), Mohamed "Kiki" Daoudou (maire de Moroni) et Maître Fahami.
Yves Mont-Rouge - JIR (Journal de la Réunion)
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