La situation actuelle des Comores est à la fois inquiétante et malsaine. Plusieurs raisons expliquent cette atmosphère anxiogène. D’abord, ...
La situation actuelle des Comores est à la fois inquiétante et malsaine. Plusieurs raisons expliquent cette atmosphère anxiogène. D’abord, l’attitude de Houmed Msaidié, ministre de l’intérieur et vice-président de Mamadou qui ose sérieusement affirmer qu’à l’état actuel du déroulement du scrutin, « il n’y a ni vaincu ni vainqueur ». Il faut dire les choses clairement : soit il est fâché avec les chiffres, soit il l’est mais avec les lettres ou les sons soit les trois ! Ensuite, le comportement de Mohamed El Had Abbas qui semble travailler non pas au bon déroulement du scrutin mais à l’élection de Mamadou.
Mais c’est surtout l’arrêt de la Cour Constitutionnelle rendu le 30 avril dernier qui est à l’origine de cette ambiance mortifère. Un arrêt fort discutable : trois conseillers absents lors du délibéré, quorum non atteint, Cour bancale, motivations très contestables, instruments juridiques internationaux évoqués non valables (non ratifiés par les Comores ou très éloignés d’une élection)… Cet arrêt n’est rien de moins qu’un hold-up électoral.
Mais cela n’est pas le pire : il témoigne surtout d’une forte partialité, visible à l’œil nu. Car cette Cour a accepté à Mamadou ce qu’il a refusé à 20 candidats au premier tour. Et ce faisant, elle a cédé manifestement aux pressions des intérêts étrangers. Non : la haute juridiction comorienne ne sert pas les intérêts du pays sinon elle aurait rendu un arrêt conforme à ceux qu’elle a déjà rendus lors des précédentes élections. Mais qu’elle sache une chose : elle n’a pas le pouvoir de faire élire Mamadou frauduleusement. Elle a par contre celui de plonger le pays dans une guerre civile si elle persiste à vouloir servir les intérêts étrangers en cédant aux caprices de Mamadou soutenus par certaines chancelleries et entreprises étrangères.
Que cette Cour regarde ce qui s’est passé au Bénin avec Lionel Zinsou qui avait de fortes similitudes avec Mamadou. Tous les deux ont péché par orgueil : ils comptaient étrangement moins sur les bulletins de leurs compatriotes que sur les multinationales et les chancelleries occidentales pour se faire élire président. Et, Zinsou, qui avait pourtant un passé et une image nettement plus favorables que Mamadou, s’est fait sèchement battre par Patrice Talon.
Les opinions de ces pays ne se sont pas trompées, et à juste titre : Zinsou a été perçu comme le candidat du capitalisme français comme Mamadou est considéré comme celui de Bolloré, Lafarge et Colas. Et il perdra lui aussi les élections quoi que fasse la Cour sur laquelle reposent tous ses espoirs ! Car il n’a pas encore réalisé à quel point il est contesté, voire même détesté dans le pays : 5 longues années de chômage, de pauvreté, de routes impraticables, de nuits sans éclairage, de corruption, de scandales financiers... Et nous ne considérons par élégance que ces cinq dernièes années !
Et pourtant Mamadou compte encore sur les chancelleries étrangères et multinationales françaises pour accéder à Beit Salam, quitte à enflammer le pays qui lui a tant donné. Lionel Zinsou, lui, a vite accepté la dure réalité en reconnaissant sans tarder sa défaite parce qu’il voulait le pouvoir mais pas à n’importe quel prix. Mamadou, lui, incapable de gagner sans fraudes électorales, le veut, et à n’importe quel prix : quitte à marcher sur les cadavres des Comoriens pour entrer à Beit Salam.
Msa Ali Djamal, sociologue et éditeur
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, essayiste et enseignant