Depuis fort longtemps, aux Comores, la plupart des habitants font un constat amer sur chaque crise en disant que « cette fois-ci, nous avon...
Depuis fort longtemps, aux Comores, la plupart des habitants font un constat amer sur chaque crise en disant que « cette fois-ci, nous avons touché le fond». Cette fois-ci, nous n’avons pas touché le fond mais nous l’avons écrasé. En effet, le fond n’y est plus. Et même les cocotiers ne donnent plus de cocos (ils sont contre nous). Pour comprendre cette situation alarmante, il est important d’observer, avec une loupe, la mascarade électorale organisée par le président Ikililou et sa clique. Comment un processus démocratique s’est-il transformé en un processus de nomination et une Cour Suprême en une « Cour Supprimée » ?
Pour mieux répondre à cette question qui nous fait penser à la commedia dell'arte (un genre de théâtre populaire italien où des acteurs masqués improvisent des comédies marquées par la naïveté, la ruse et l'ingéniosité), un petit rappel historique est nécessaire. Au lendemain de la mort du président Ahmed Abdallah, le président de la Cour Suprême, Said Mohamed Djohar, arrive au pouvoir, dans un contexte de processus de démocratisation en Afrique.
Ce dernier s’est approprié la thématique de la démocratie (nde mbaba waho unafasiya ou père de la démocratie) en encourageant tout le monde à créer son parti politique, même « ndaye na koko wahahe na mbaye wahahe (avec sa grand-mère et son grand-père). Et en 1996, Mohamed, Taki Abdoulkarim (nde mwana, une appellation affectueuse des gens de sa région) et Abbas Djoussouf se trouvent au deuxième tour de l’élection présidentielle. Dès vingt heures, les estimations faites à la sortie des bureaux de vote se sont confirmées le lendemain (et pourtant, il n’y avait ni CENI, ni mouvement « Narawaze »). Dix ans après, l’élection de Sambi se déroule également dans des bonnes conditions.
Cependant, l’élection à la présidence de l’ancien bras droit de Sambi, Ikililou fragilise le processus démocratique. Pharmacien de formation, Ikililou ne fait pas partie des grands hommes politiques moheliens (les Hassanaly ou les Fadhuli) qui sont dotés d’un charisme et d’une maîtrise de la rhétorique. Arrivé au pouvoir, il s’écarte, d’une façon maladroite, de ceux qui l’ont porté à la magistrature suprême, notamment son prédécesseur. Ensuite, il procède à un changement calamiteux de son cabinet en prenant des vrais makaiya ziliyo (des opportunistes notoires). A la fin de son mandat, il remanie son gouvernement pour prendre une deuxième catégorie d’opportunistes qui, avec leurs grandes gueules, sont prêts à dire des conneries et à tout brader pour rester au pouvoir.
En ce qui concerne la démocratie, l’ancien étudiant de la Guinée a toujours confondu élection et nomination. Il organise des élections municipales avec des pseudos chefs de quartier qui se mettent au-dessus du suffrage universel. Mais la preuve épatante est celle de l’organisation, pour la première en Afrique et dans le reste du monde, d’une élection présidentielle à trois tours. Sur ce point, le côté ridicule de la Cour Supprimée fait pleurer.
Au premier tour, le président de cette cour reconnaît que l’élection a été émaillée par des vraies anomalies mais il n’accepte ni recomptage, ni annulation du scrutin. Ce même président de la Cour change d’attitude, au deuxième tour, car le perdant est le vice président du pouvoir. Cette situation tragi-comique illustre très bien ce que le jeune rappeur talentueux, Cheikh MC Watwaniya BisPlein, avait appelé, dans l’une de ses chansons phares, ndo msadjadja (le désordre). Par Ibrahim Barwane