On ne parle depuis l’ouverture de la campagne que de l’élection présidentielle : tous les commentateurs se torturent les méninges pour conn...
On ne parle depuis l’ouverture de la campagne que de l’élection présidentielle : tous les commentateurs se torturent les méninges pour connaître les trois candidats qui seront qualifiés le 21 février prochain et celui qui sera élu président de la République le 10 avril prochain. On oublie presque les élections des gouverneurs qui présentent pourtant un intérêt majeur au moins pour le fonctionnement harmonieux des institutions, pour l’éducation, les routes... A-t-on oublié que les gouverneurs nomment des commissaires qui gèrent les îles ? Qui a oublié les épisodes tristes et lamentables d’Azali/Elback et Abdoulwahab/Sambi du fait de leurs désaccords ?
Il est vrai que le nombre pléthorique des candidats à ce poste n’aide pas les observateurs à se retrouver comme les multiples divisions des partis qui pourraient l’emporter n’incitent pas à s’y intéresser.
Mais prenons le cas de Ngazidja. Quinze candidats sollicitent le suffrage de ses 159000 électeurs mais très peu pensent sérieusement se qualifier dimanche prochain. Certains sont d’ailleurs carrément fantaisistes ou – pour ne pas être désagréable – de témoignage ! D’autres par contre concourent avec un espoir raisonnable de se qualifier ou de l’emporter : Hamidou Karihila, Youssouf Mohamed Boina ou Hamada Moussa (Aby).
Chacun de ces trois candidats présentent des forces et des faiblesses. Karihila est soutenu par l’un des partis forts du paysage politique national (CRC) et par une région fidèle à ses enfants (Hamahamet). Mais la candidature dissidente de Maoulana Charif (ancien ministre des finances et député de Oichili/Dimani) au poste de gouverneur ne l’arrange pas du tout.
Youssouf Mohamed Boina, candidat du RDR (un autre parti fort à Ngazidja), qui semble bénéficier du soutien de Mouigni Baraka, a l’air de profiter d’un réflexe régionaliste de Bambao qui pourrait considérer son jour venu d’avoir un de ses enfants à Mrodjou. Mais pour lui non plus la candidature de Djaé Ahamada Chanfi (ancien ministre et ancien vice-président de l’assemblée nationale) ne l’aidera pas du tout.
Hamada Moussa (Aby) qui est le candidat du pouvoir au poste de gouverneur. Il n’a pas de concurrent dans son parti comme les autres candidats. Mais il est d’une part soutenu par un leader très impopulaire (Mamadou) et d’autre part il n’est pas du tout certain de bénéficier de l’électorat de Mamadou dans le Hamahamet ni de celui de Msaidié dans de Mboudé/Mitsamihouli. Ajoutons à cela son manque criant et flagrant de charisme.
Il reste que l’île de Ngazidjà tirerait davantage profit à être gouverné par Hamidou Karihila pour plusieurs raisons : c’est un homme de savoir (docteur en études islamiques, essayiste : il a publié de ouvrages en langue arabe), d’ouverture (parfait bilingue : français et arabe), d’expérience (diplomate chevronné, fin connaisseur du monde arabe), intègre (il est l’un des rares politiques comoriens sur lequel ne pèse aucun soupçon de détournement de fonds publics) et fort (il a tenu la CRC pendant les turbulences de la désintégration) et il a pu, contre vents et marrées, sauver ce qui pouvait l’être. Il pourrait se servir de son carnet d’adresses très fourni pour doter Ngazidja des infrastructures dont il a besoin.
Alors oui je le sais : on me rétorquera immédiatement que la région de Hamahamet défend rarement l’intérêt général, que la présidence Taki a laissé un traumatisme (crise énergétique, crise du séparatisme, crise économique - plusieurs mois de salaires impayés -) dans le pays, que la vice-présidence de Mamadou ne constitue pas un modèle de gestion. Mais qu’on se rassure : aucune inquiétude avec Hamidou Karihila qui est un homme fort et tranquille qui saura la gouverner mais non être gouverné par elle.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres, ancien enseignant à l’Université des Comores, fondateur et premier directeur du groupe scolaire Léopold Sédar Senghor (Nioumadzaha Bambao), est professeur de Lettres modernes dans la région lyonnaise. Il a signé trois essais chez l’Harmattan : Un Métis nommé Senghor (2010), Le Roman de Mohamed Toihiri dans la littérature comorienne (2012) et Réception de Léopold Sédar Senghor (2014).