INTERVIEWS - De violentes agressions ont eu lieu au sein de plusieurs collèges de Mayotte. Un phénomène qui illustre le manque de moyens au...
INTERVIEWS - De violentes agressions ont eu lieu au sein de plusieurs collèges de Mayotte. Un phénomène qui illustre le manque de moyens auxquels sont confrontés certains établissements de ce département d'outre-mer.
Plusieurs collèges de Mayotte ont été, en janvier 2016, le théâtre de violents affrontements. Six jeunes se sont introduits dans l'établissement de la ville de Chiconi pour molester un élève. Résultat : une flaque de sang sur le sol (RTL.fr a pu en voir une photographie et a choisi de ne pas la diffuser) et deux hospitalisations. La communauté enseignante et les élèves sont choqués. De nombreuses armes improvisées ont été récupérées sur les élèves par les personnels du collège. L'événement est qualifié d'"expédition punitive" par une enseignante de l'établissement, qui s'en est fait l'écho dans un post Facebook sur un groupe privé à destination de la communauté enseignante française.
Au collège voisin de Tsingoni, ce sont trois élèves qui ont été agressés violemment, conduisant à l'hospitalisation de deux d'entre eux. En cause, des assaillants armés de "haches et de couteaux", selon une pétition lancée par les enseignants. Mercredi 27 janvier, ils ont décidé d'exercer leur droit de retrait - une prérogative qui leur permet de ne pas donner de cours en cas de danger immédiat. Enseignants et parents d'élèves ont marché côte à côte ce lundi pour protester contre les violences scolaires.
Ajouter une légendeAprès les violences à Mayotte, les enseignants ont saisi de nombreuses armes de fortune Crédit : DR / RTL.fr |
Des rivalités plus intenses
Stéphane Planchand, le directeur de cabinet du vice-recteur de Mayotte, reconnaît auprès deRTL.fr ces violences. Selon lui, "des rivalités intervillageoises", qui sont "un phénomène récurrent" sur l'île, en sont la cause. Citant plusieurs agressions la même semaine, un enseignant de Chiconi raconte à RTL.fr qu'il n'a "jamais connu autant de faits graves en si peu de temps". "Ces violences aux abords des établissements peuvent s'introduire à l'intérieur, mais c'est plus rare", explique Stéphane Planchand. Il note que ces phénomènes se sont accentués récemment à cause de la "chimique", une nouvelle drogue de synthèse qui se répand sur l'île.
Autre facteur qui peut expliquer l'intrusion de personnes extérieures aux collèges au sein des établissement : leur superficie étendue et le caractère ouvert des constructions. "Les 10 plus grands collèges de France sont à Mayotte", explique le représentant du vice-rectorat. Et les établissements sont régulièrement agrandis à cause de l'explosion du nombre d'élèves. Chaque année, de 6.000 à 8.000 jeunes supplémentaires sont attendus. "À Chiconi, il y a un vrai problème de clôture parce qu'il y a des travaux et c'est aussi pour cela qu'il y a des intrusions", préciseStéphane Planchand. En tout, le vice-rectorat promet 1,2 million d'euros de budget sur l'année 2016 consacrés à la sécurité. "Entre autres 200.000 euros de clôture, 60.000 euros pour le gardiennage et 200.000 euros de barreaux", détaille Stéphane Planchand.
Un sous-encadrement problématique
La sécurité n'est qu'une partie du problème. À Tsingoni, les enseignants réclament des locaux plus adaptés et plus de surveillants. Il sont actuellement 5 à 8 selon les horaires pour surveiller 1.340 élèves. Loin des préconisations nationales, qui conseillent un surveillant pour 112 élèves. Il faudrait donc environ 12 surveillants pour les respecter. "Je ne nie pas qu'il y a un problème de sous-encadrement. Mais d'autres moyens, qui ne sont pas comptabilisés, servent à améliorer la surveillance à l'extérieur des établissements, comme les médiateurs. Il y en a 4 par établissement", chiffre Stéphane Planchant.
Le vice-rectorat a tout de même fait plusieurs propositions allant dans le sens des enseignants : 56 embauches de surveillants supplémentaires mais pas avant la rentrée 2016. Un gardien devrait sécuriser les zones de travaux où il manque des clôtures. La vidéosurveillance, en cours de déploiement, pourrait permettre de dissuader les intrus. Les réponses apportées par le vice-rectorat ne satisfont pas pleinement tous les enseignants. "Nous allons enfin avoir une sécurisation du collège mais niveau humain le compte n'y est pas. Concernant les surveillants, nous n'avons pas de garantie de savoir où ils seront affectés. Il n'y a rien de concret et en plus cela ne concerne que la prochaine rentrée", regrette un enseignant de Chiconi. "On ne peut pas accepter que le vice-rectorat et l'État mettent ses élèves en danger", résume l'enseignante à l'origine de l'appel à l'aide sur Facebook.
"C’est évident que ce sont des conditions très déstabilisantes, quand on assiste aux bagarres devant les collèges, les lycées. Je comprends très bien l’émotion. Après, face à cela, il faut se demander ce que chacun peut faire, qu’on soit prof, parent, maire. Tout le monde a sa part. L'école ne peut pas tout régler", explique Stéphane Planchand. Un discours qui ne passe pas auprès des enseignants, déterminés à poursuivre leur action. Une nouvelle marche aura lieu le mercredi 3 février, cette fois-ci dans toute l'île.